[ Jeudi 27 Juin 2002 ] [ 23:35 ]

Quatre jours, ce n'est pas beaucoup, c'est vrai. Mais durant ces quatre jours, je n'avais plus envie de cet endroit, de ce journal dont je trouve qu'il dérape et ne me ressemble pas, ou du moins, ne reflète pas la meilleure part de moi. D'où les changements auxquels j'ai travaillé ce soir pour ce site. J'ai envisagé l'abandonner, je vous l'avoue...mais comme je l'ai déjà dit, arrêter est impossible, car inutile! J'ai toujours eu un endroit pour écrire quelle soit la période de ma vie, et je sais que j'en aurai toujours besoin...
Mais j'aimerais être plus légère, moins emportée, moins passionnée, moins tourmentée... C'est ce qui me donne de l'inspiration, ces pensées qui s'emballent pour un rien, et par là donc ce qui me rend satisfaite, satisfaite de construire. Construire des mots, construire des phrases, construire des pages... mais celà est parfois lourd à vivre. Vous allez me dire, celà n'a rien à voir avec le journal, si moi-même je suis comme ça! Et ce n'est pas faux. Cependant il est terrible de voir comme on peut se calquer sur un texte. Comme j'écrivais avant de partir en week-end la semaine dernière: partir en laissant une image de moi tourmentée ici me gardera tourmentée dans la vraie vie jusqu'à une nouvelle entrée. Et ainsi même lorsque je n'écris pas, je reste celle des textes, celle qui se pose une centaine de questions absorbée par ses passions, jamais par sa raison, dans l'excès. J'en venais à me dire que peut-être je changerais si j'arrivais à n'écrire que des choses heureuses, des choses vraiment très futiles...peut-être je le deviendrais?
Quoiqu'il en soit, je suis toujours là, et pas prête à vous laisser...

Depuis que l'homme est parti, je ne me suis posée aucune question, aucune, vraiment. Des jours Entiers ainsi. Les amours, je les laisse aller, je les laisse virevolter, je ne tend plus la main vers le ciel pour grapiller, ce qui doit tomber doit tomber.
J'ai revu Ben sans même m'en apercevoir, sans même m'en rendre compte, dimanche matin. Pourtant nous avions rendez-vous, et je m'y suis rendue, et il était là, et nous avons parlé durant plus d'une heure. Mais de cette heure-là il ne reste rien. Je me souviens juste que je n'aurais eu aucun mal à être blessante, à être cassante, à lui dire Nous étions amis mais regardes-nous, nous n'avons plus rien à nous dire. Plus rien du tout. Il s'est enfermé bien au chaud dans sa vie de couple, il n'a pas dû se rendre compte que l'été était déjà là, qu'il faisait déjà assez chaud dehors pour ne pas mettre le feu dedans. Imperméable, voilà ce que j'ai été, ce que je suis encore, depuis dimanche matin. Je lui ai dit que sa lâcheté m'avait été bénéfique, que toucher le fond est bien la seule chose qui puisse nous faire remonter à la surface. Je lui aurais presque dit merci, pendant que lui en faisait la grimace. J'en ai rajouté sur mes projets, sur mon bonheur, même si ce n'est pas vraiment rajouté mais plutôt parler tout comme si ces discours avaient toujours été, d'un air d'une immense banalité. Nous savons tous qu'il n'en est rien. Qu'il n'y a rien de normal mais d'extra-ordinaire au fait que j'envisage de m'en aller pour de bon, de renouer mes liens pour de bon avec mon homme, c'est tellement, tellement hors du commun dans ma vie, et hors du commun dans la destinée du petit groupe qui nous voyait, moi et Ben, il y a si longtemps. Chaque personne partie loin d'ici a continué d'écrire l'histoire, avec d'autres crayons, puisque sous un autre horizon. Il n'y a rien de banal à tout ça, rien que des extra-ordinaires. Alors je lui dis Mon histoire n'est plus ce qu'elle était mais moi et l'homme allons la reconstruire, je lui dis Nous allons prendre un nouveau départ et ce sera bien, je lui dit au revoir et pour la première fois il ne me raccompagne pas jusqu'à la portière de la voiture. Pour la première fois je n'ai pas à lui dire Tu n'es pas obligé et il ne répond pas Je sais. Pour la première fois un dimanche matin, on se dit au revoir, là, là où on se dit pas au revoir d'habitude, d'habitude au revoir c'est devant la porte, c'est...mais je m'égare et ces détails, ces détails à l'instant où ils se déroulent, je ne les vois même pas, ne les réalise pas, ne les sens pas, là, sous ma peau me bousculer. Non. Alors je ne me pose pas de questions. Il n'y a plus que des fantômes. Plus que des fantômes ou presque. Mais les êtres les plus vivaces parfois dans ma vie le deviennent, les personnages de premier plan s'en vont, les hauts en couleurs, ceux qui avaient une véritable place ici, juste là, ceux qui se sont fait un nom dans mon histoire, s'effacent et enlèvent un peu de couleurs à mes jours, laissent des silences en noir et blanc. Et puis la vie reprend son cours, reprend sa course, et d'autres viennent chasser les fantômes, reviennent de grands, de petits voyages, et prennent la place. Prennent toute la place et tout va bien.

Il y a 7 ans, je m'endormais dans le lit de quelqu'un que j'ai aimé, même si à cet âge que j'avais, on aime mal, on aime trop, ou alors pas assez. Et je crois bien que c'est ce dernier cas de figure qui m'est arrivé. Au bout d'un moment, à quinze ans on se lasse, on casse, on se moque, on veux sans cesse rire plus fort, chanter plus haut que les autres, on veux conquérir le monde, avant de s'apercevoir que tout ce que l'on peut conquérir n'est finalement qu'un petit lopin de terre à l'échelle de la planète. J'avais quinze ans et un amour cependant. Sage et complice. Avant de quitter la proie pour l'ombre de prédateurs incompétents dans la tendresse. J'avais quinze ans, et ce n'est qu'à 21 que j'ai commencé à le regretter. Sincèrement. Honnêtement. De toute ma conscience, et de mon coeur aussi, je l'ai regretté, oui, c'est vrai. Et regretté d'autant plus lorsqu'il nous a présenté, à moi et Ben, sa nouvelle petite amie. C'était il y a un an et demi.
Suis-je un monstre si aujourd'hui je me suis réjouie de savoir qu'elle était partie de chez eux? Suis-je un monstre si à cette nouvelle j'ai souri? Suis-je un monstre si je me suis attendrie à m'imaginer doucement sa peine, parce que cette peine-là je la connais moi-même et je sais que quoiqu'on puisse en dire on y survit? J'ai envisagé des possibilités, je vous l'avoue. J'ai envisagé la re-rencontre, j'ai envisagé le téléphone, j'ai envisagé l'email et une sortie éventuelle quelque part par ici. S'il y a une chose dont je sais je suis douée, c'est de me dévouer au réconfort des autres. Que l'on ait besoin de moi. Etre utile pour une fois, que ce pseudo-romantisme qui me perdra me soit utile pour une fois. Tout ce que j'ai à revendre de tendresse et d'attention... J'ai envisagé, c'est vrai. Il pourrait m'appeler et ne pas me dire pourquoi subitement il aurait besoin de me voir, je ferais semblant de croire que c'est sa spontanéïté qui parle, je pourrais faire semblant, et essuyer sa peine s'il en a, et le faire rire, s'il est d'humeur. Lui dire que j'ai traversé des déserts arides, tout ce qu'il ne sait pas. Lui dire qu'il est un de ceux, aussi, qui ont été vengés, de moi, pour mes quinze ans et des poussières. Lui dire que je suis là, parce que je ne sais jamais aussi bien me rendre présente que lorsqu'on a besoin de moi.
Rien, rien jamais n'est tracé. Je l'ai bien appris. C'est pour celà que chaque fois qu'une porte se ferme, d'un côté ou de l'autre j'attends qu'une autre s'ouvre. Appelez ça de l'opportunisme, appelez ça comme vous le voudrez, mais moi je continuerai. Parce que le lendemain, rien, jamais, n'est assuré.

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