[ dimanche 19 octobre ]
Ce n'est pas seulement que leurs visages ne me quittent pas, ne sont pas encore enfouis
dans le flou du souvenir, déformés pas le souvenir. Ce n'est pas que leur présence me manque, ni la maison,
ni le jardin, ni juillet dans le vent léger. Ce n'est pas qu'il y a des habitudes
que je voudrais retenir, des gestes faire encore, des gilets le soir dans le
jardin remettre encore. Non, ce sont des pensées bien supportables, je peux
passer d'une rive à l'autre de la mer, d'une rive à l'autre de ma vie, tout
ça est très supportable, je vais bien.
C'est juste que les images ne se sont pas figées, et j'attends qu'elles se figent,
elles finiront bien par se stigmatiser dans la mémoire, j'attends.
C'est juste que lorsque je vois leurs visages j'entends encore leurs voix,
c'est juste que lorsque je revois la maison je sens encore l'odeur du thé, et rien
n'est figé et nous rions sans cesse, sans cesse, le bruit de nos présences
résonnent encore, comment raisonner, comment raisonner...
Ce n'est pas que le passé me manque, m'empêche d'avancer, ça c'est pas vrai, c'est
juste que lorsque je ferme les yeux je le confonds au présent, et c'est indolore,
ça fait pas mal, ça pique pas pas même les yeux, mais c'est juste qu'ici et
là-bas, ma solitude et leur présence, souvent celà me semble être tout à la fois ici et
maintenant, pêle-mêle avant/après. Tout mélangé. Et j'attends,
j'attends que le souvenir se fige, je l'espionne en douce entre trois murs et une
grande fenêtre, parce que je sais bien que ça viendra. Mais pas maintenant. Alors
j'attends.
Et toi mon ami tu me disais tu ne t'es dite heureuse qu'une seule fois,
en dix ans heureuse qu'une seule fois, juin, juillet loin de vous, loin de
toi. Avec eux, là-bas. Des jours complets de vie. Même sans amour tu vois
l'amour c'est rien. Vraiment heureuse qu'une seule fois, tu dis, peut-être
je te crois. Je sais pas.
Mais je peux pas écrire au passé, ce n'est pas que ça serait trop dur, trop lourd,
parce que c'est léger et doux, retourner ainsi là-bas, c'est juste que ma
grammaire m'en empêche, pourquoi user de l'imparfait ce qui se vit encore
au présent, ce qui pourrait tout aussi bien être plus que parfait.
Même si la maison est vide maintenant, et qu'il y a entre eux et moi l'Atlantique
du côté de ma main gauche, et la sibérie et des contrées qui se perdent jusqu'au pacifique du côté de
ma main droite, même au présent je le sais on se tient chaud le coeur nos rires
encore comme à portée de main. Comment alors écrire au passé...le passé, mais vraiment,
celui-là?
Désolée pour les lois de la langue mais la grammaire de mon coeur m'en empêche.