[ dimanche 13 octobre ][ 10:27 ]

J’avais besoin de tout pour me sentir bien, mais n’avais besoin de rien pour écrire.
J’avais besoin de suivre une route pour me donner un sens, mais je n’avais besoin d’aucune direction pour écrire.
J’avais besoin de sécher mes larmes contre la pierre acide des murs de la ville, mais je n’avais besoin d’aucune encre pour écrire.
J’avais besoin de visages pour me sentir vivante, mais n’en avais pas besoin pour trouver matière à écrire.
Ma vie extérieure vide, ma vie intérieure n’avait jamais été plus vive.
J’avais besoin de toutes les rêveries pour aimer, mais n’avais besoin que de mes désillusions pour écrire.
Pour écrire, il suffisait de presque rien.
Pour écrire, il ne fallait rien. Que presque rien ne bouge. Que presque rien ne s’anime pour que les mots s’éclairent.
Ici trop d’images et de sons s’entrechoquent, trop d’odeurs se chamaillent, c’est un heureux chaos, c’est un beau tableau de la vie citadine, c’est plein de saveurs, c’est plein de couleurs, c’est toute une matière à parler, c’est toute une matière à marcher, matière à courir et à rire, peut-être que c’est ça Vivre.
Mais ici, ici ce n’est pas pour moi écrire, l’écrire. Ici, peut-être avec un peu plus de riens je retrouverais l’envie, je retrouverais sensibilité, même si exacerbée elle n’est plus que sensiblerie, et que ce n’est pas beau.
Peut-être avec un rien, ou peut-être pas, mais sans doute pas avec tout ce que je vis et tout ce que je vois, tout ce qui ne me laisse pas le temps de me souvenir de moi, non, avec tout ça, ici, je n’écrirai pas.

[ 12:25 ]

Bientôt je serai lasse. Lasse du tourbillon du quotidien qui m’emmène chaque matin sur les routes d’une nouvelle ère qui se construit.
Bientôt je serai lasse, si lasse de tout cela que les reflets du soleil sur les montagnes seront enlevés à ma conscience.
Bientôt je ne serai plus qu'actrice, figurante dans une mise en scène qui ne m’appartient déjà plus qu’à peine.
Bientôt je ne pourrai plus tenir mes promesses de demeurer celle qui préférait rêver plutôt qu’exister, déjà je suis fatiguée d’enjoliver le va-et-vient de la ville, leurs conversations et leur désir d’un monde meilleur. Celui-ci ne sera probablement pas de toute façon.
Bientôt je serai lasse, je le sais trop bien, bientôt je supplierai que l’on vienne me chercher, que l’on me ramène, mais que l’on me ramène où? L’endroit n’existe pas, n’existe plus. L’endroit n’est ni ici où je suis, ni là-bas d’où je viens. Il semble que toutes mes aspirations appartiennent au passé, au passé et à ses lieux, ses dieux, à ses fantômes, ces mythes du sortir de l’enfance, quand on ne croit plus aux fées mais que d’un pied de nez à la raison on s’autorise encore à les voir.
J’avais beau ne pas y croire, au sortir de l’enfance, tout était encore imagé, tout était encore rêvé, les forêts encore enchantées lorsqu’elles chantaient à gorge déployée toutes les couleurs de l’automne, ses camaïeux de rouge et de vert foncé.
Je n’ai jamais beaucoup aimé l’été, et l’été ici est si long, l’été ici semble s’éterniser pour le plus grand bonheur de ceux qui avancent sans jamais penser, sans jamais se retourner. L’été ici rentre dans leur jeu, les laisse dans leur ignorance de la douleur, des déprimes du nord, l’été ici les entretient dans leurs airs d’indifférence.
Eux, ce sont ceux qui s’endorment sur ces terres en croyant qu’ici demeure toute vie humaine, toute vie heureuse, toute vie tout court. Eux ce sont ceux qui ne savent pas que d’où je viens même dans la plus grande solitude les éléments se font amis, que même la pluie peut veiller sur vos nuits blanches si vous apprenez à l’aimer. Eux ce sont ceux qui ne comprennent pas que l’on puisse apprécier le silence, que l’on puisse user d’un ciel de grisaille pour faire jaillir le soleil de son cœur. Pourtant je ne les dénonce pas, je ne les contredis pas, je ne les méprise pas. Je ne serai simplement jamais d’ici, je ne me satisferai pas, au-delà du temps qui m'est donné d'être ici, d’un ciel bleu aseptisé qui a volé mes mots et mes tableaux imaginaires.

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