[ mercredi 17 septembre ]

Je peux être celle qui prend les routes les trains les coeurs et les avions et les mains
et qui tient
des paris fous d'ignorer la grande ville, l'éviter même lorsque mes chaussures foulent ses trottoirs
le bruit de mes choses dans cette ville-fantôme où je fais mine de ne pas être
ne pas être là, moi, non, ce ne sont que les bruits de mes pas
pas ma voix
je peux être celle qui se relève la sueur au front
les mains vengeresses
et celle qui cache son visage entre ses mains
et de l'eau qui roule de l'eau qui roule sur les joues
je peux aimer trahir envier souvent
et je veux continuer souvent
je veux être celle-là encore et encore sans trêve et encore jusqu'à ce que le monde s'essouffle avant moi
et encore sans peut-être. Peut-être
pas aujourd'hui pas cette fois
non ce matin on ne voyait pas au bout de la rue
le soleil faisait mal aux yeux et le ciel si blanc si blanc
j'ai couru jusqu'en bas de la rue
on ne voyait rien
rien
et mon sac en bandoulière ces papiers que je pouvais bien balancer au vent mais encore ce sac
et puis les visages du matin
à toute vitesse dépassés
courir jusqu'après la rue
sans même apprécier ce que c'est les matins d'ici
mais ce qu'il sont vraiment
ça fait si longtemps
mais courir jusqu'après la rue et jusqu'après la ville et jusqu'après les trains
s'élancer se raccrocher s'éparpiller semer des bruits de pas
rien que ça rien que ça.
Et je suis encore celle-là
et je le veux maintenant
je crois
peu importe si je reste là où si je m'en vais tout le temps si je me perds tout le temps
pour donner un sens à ma course
me perdre
pour avoir quelque chose à rattraper
je veux encore
exister
c'est le droit qui m'est donné
le choix qui m'est donné
aujourd'hui je crois
je ne dirai pas peut-être
pas aujourd'hui non
aujourd'hui je me suis propulsée vers tout ce que je croyais haïr
mais au fond, au fond,
ce droit je l'ai bu
jusque la grande ville
and back
ce choix je l'ai pris la tête entre mes mains je l'ai pris
comme s'il n'y avait de lendemain
et c'est la vie que j'ai revêtu ce matin,
après la colère le désarroi la peine la fierté tout celà mélangé sans savoir pourquoi
vraiment
s'asseoir dans un train et s'effondrer
après les visages du matins et s'effondrer
les yeux grands ouverts regarder l'eau salée faire des flaques sur le sol plastifié
les yeux grands ouverts comme devant la plus étincelante des curiosités
après ça oui après ça
c'est la vie que j'ai revêtu ce matin
et je veux encore de ça sans cesse sans jamais jamais m'arrêter.

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