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DOSSIER : la traduction littéraire (Août 2000)
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La
traduction littéraire en questions Entretien avec Fortunato Israël, Professeur et directeur de recherche à l'ESIT. Quest-ce que la littérature ? Vaste question ! En quelques mots, disons que cest un art verbal, luvre littéraire ayant par essence une dimension esthétique. Comme toute production artistique, elle est elle-même sa propre fin. Son objet nest pas de décrire ni de démontrer mais dévoquer, de suggérer, par le biais de la fiction, un réel toujours recomposé. Elle est un regard éminemment subjectif posé sur lhomme et sur le monde. Doù son caractère universel et intemporel. Quelle est la nature du sens de luvre littéraire ? Elle est très complexe. Il y a bien sûr le sujet apparent, lanecdote. Mais limportant est ce que lauteur a voulu dire par son truchement. Toute littérature est métaphorique et la censure ne sy trompe pas quand elle traque les intentions cachées. De surcroît, luvre littéraire est un texte ouvert se prêtant à des lectures plurielles selon que lon prend appui sur tel ou tel réseau de significations. En dautres termes, son sens nest jamais épuisé. Enfin, le sens véritable dune uvre ne découle pas seulement de lidée mais de la fusion du notionnel et de lémotionnel véhiculé par la forme. Autant de considérations dont le traducteur doit bien sûr tenir compte. Avant toute tentative de transfert, il lui faut prendre la mesure de la complexité du texte et de limbrication des divers niveaux. Ce faisant, il cherchera à se substituer moins au critique ou à lexégète quà lauteur lui-même afin de préserver, autant que faire se peut, louverture initiale de luvre et produire un texte ayant une plurivocité comparable. Et celle de la forme ? Tout dabord, notons quil nexiste pas de langue littéraire. Dune certaine manière, on peut dire que le langage de lécrivain est le moins spécifique des langages puisquil peut tous se les approprier. Un roman se déroulant sur fond de finance ou dinformatique, par exemple, puisera abondamment dans ces domaines. Mais lessentiel est ailleurs. En effet, le propre de la forme littéraire vient de ce que, en jouant sur les rythmes, les volumes, les sonorités, les agencements ou en forgeant des métaphores vives, lauteur crée une écriture novatrice, aux accents singuliers, un dire unique dont il faut, au moment de traduire, rendre compte. Enfin, cest la forme qui donne à luvre sa dimension esthétique sans laquelle, on la dit, il nest point de littérature. Et parfois, comme en poésie, il arrive que lémotionnel supplante le notionnel : le dire est alors plus important que le dit. Traduire ne revient plus donc seulement à transmettre un contenu mais à retrouver le même rapport de nécessité entre lidée et la forme. Cela ne débouche-t-il pas sur un constat dintraduisibilité ? Oui, si lon sacralise la matérialité de lexpression au lieu de considérer que, dans tous les cas, la forme nest pas une fin en soi mais le moyen de produire leffet. Dès lors que lon considère ce dernier comme le véritable enjeu du transfert, il ny a plus dimpasse théorique. Traduire consiste non plus à reproduire coûte que coûte les formes initiales mais à rechercher dans la langue-culture darrivée des équivalences susceptibles dengendrer chez le lecteur une émotion analogue. La théorie interprétative de la traduction peut-elle être étendue à ce type de textes ? Absolument. Je dirais même que cest la seule qui convienne. En effet, plus la matérialité de la forme est importante (jeu sur les mots, les sonorités, métaphores vives, etc.), moins elle est reproductible, et plus il devient nécessaire de dissocier les idiomes pour retrouver, comme on la dit, par dautres biais la même charge émotive. La phase de déverbalisation reste donc cruciale et consiste non seulement à dégager le notionnel de son vecteur mais aussi à interpréter la forme afin de déterminer les valeurs dont elle est porteuse, valeurs qui serviront ensuite dappui au traducteur dans sa réénonciation du texte. La traduction littéraire nest donc pas un genre à part ? Non. Il faut certes tenir compte des spécificités de lécriture littéraire énoncées plus haut (spécificités que celle-ci partage, dans une mesure non négligeable, avec dautres pratiques du langage - slogan publicitaire, discours politique, plaidoirie, etc.) mais, comme dans les autres cas, il sagit avant tout de comprendre le propos, dévaluer la stratégie langagière et discursive mise en place par lauteur, afin den prévoir le transfert en ayant comme critères généraux la lisibilité, lexpressivité et naturellement la capacité de compréhension du destinataire. Par ailleurs, la traduction bien comprise nest-elle pas toujours un fait décriture et une recréation de loriginal ? © Copyright 2000 - Association des Anciens Elèves de l'Ecole Supérieure d'Interprètes et de Traducteurs de l'Université de Paris - Tous droits réservés. |
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