Nous employons tous les mêmes mots, dont la signification se trouve dans les dictionnaires. Nous nous conformons aux règles de grammaire, dont le(s) code(s) figure(nt) dans les ouvrages de grammaire. Cependant, le poème tend à transgresser ces règles, jusqu'à un certain degré qui, par moments, frôle l'incompréhension. Il arrive qu'on lise un poème, et qu'on ressente à la fois de la familiarité et de l'étrangeté. Paradoxe bien connu dans les sphères des “ sciences ” artistiques, psychologiques, philosophiques, spirituelles. Toutes les sphères, en fait.

Nous avons chacun notre façon de cuisiner le langage, de nous l'approprier.

Dans une perspective poétique, la grammaire ne constitue qu'un livre de recettes, une façon de faire qui réussit à tout coup. Nous pouvons nous conformer aux recettes, bien les réussir. Nous pouvons aussi en changer les ingrédients, en choisir d'autres. Lorsque nous maîtrisons ces recettes, le code de grand-mère grammaire, et que nous comprenons le goût des mots, nous nous les approprions pour innover, inventer.

Le poète cuisine. À travers l'exploration, il se forge une parole, une voix, une identité poétique. La parole est cette façon que nous avons de nous approprier le langage, de l'écrire ; la voix la manière de la dire, de la porter haut. Avez-vous déjà lu un livre à travers lequel il vous semblait entendre le narrateur vous faire des confidences, et dire ces confidences d'une façon qui vous semblait personnelle, unique, singulière ?