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DOSSIER : la traduction littéraire (Août 2000)
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Traducteur
littéraire en France : dans les chausse-trapes d'un vide juridique Article de Dominique Palmé, traductrice indépendante de japonais, membre de la Société française des traducteurs (SFT). Depuis une dizaine dannées, au cours des tables rondes organisées au Salon du Livre ou à Expolangues, ou encore des rencontres-lectures marquant la sortie dun ouvrage en librairie, les occasions se multiplient pour le traducteur de témoigner de la grandeur et des difficultés dune profession qui, au moins dans le domaine de la littérature, suscite un intérêt croissant de la part du public et des médias. Et grâce aux initiatives dun certain nombre dassociations attachées à la défense de ce métier, ledit traducteur sort peu à peu avec bonheur - comme lescargot de sa coquille - dun anonymat séculaire, accédant ainsi, à travers la reconnaissance de son rôle essentiel de " passeur de voix ", à un semblant dexistence, préférable évidemment à la complète invisibilité. Et pourtant... Alors que chacun saccorde désormais à reconnaître le truisme selon lequel aucune uvre ne pourrait rayonner au-delà des frontières du pays et de la langue dans lesquels elle a été conçue si elle nétait portée (dans tous les sens du terme) par un bon traducteur, force nous est de constater que celui-ci continue trop souvent de faire figure doublié. Que dire par exemple de cet éditeur qui néglige de mentionner, en première page de couverture dune de ses collections, le nom du traducteur ? Négligence relativement courante, mais qui ne manque pas de piquant lorsquon sait que la collection en question s'intitule... " Les grandes traductions " ! Faut-il en conclure que toute " grande traduction ", procédant dune génération spontanée, ne nécessite nullement lintervention dun traducteur ? Raillerie mise à part, on peut se demander doù vient une telle entorse aux usages. La réponse est tristement simple : c'est que même le " Code des Usages pour la traduction d'une oeuvre de littérature générale " (signé en mars 1993 entre la Société des Gens de Lettres de France, lATLF et la SFT dune part, et le Syndicat National de lÉdition, de lautre) se montre laxiste à légard des obligations de léditeur dans ce domaine, puisquil précise simplement : " Les parties conviennent que le nom du traducteur, qui figure sur la page de titre, doit apparaître distinctement sur la première page de couverture du livre, ou à défaut (c'est moi qui souligne), sur la quatrième page de couverture. " (Paragraphe VIII, 2). Bien des éditeurs peuvent ainsi respecter à demi ce code sans être pour autant pris en défaut. Or - et lon goûtera une fois de plus tout le piquant de cette situation - le traducteur dédition est considéré, sur le papier du moins, comme un créateur à part entière, si lon en juge par les dispositions figurant à ce sujet dans le Code de la Propriété Intellectuelle, ou dans certains textes officiels (loi du 11 mars 1957 sur la Propriété Littéraire et Artistique ; loi du 31 décembre 1975 sur la Sécurité Sociale des Auteurs ; loi du 26 juillet 1991 sur la TVA applicable aux droits dauteur). Mais dans la pratique professionnelle prédominent lambiguïté et le paradoxe quant à laboutissement logique que devrait impliquer cette équivalence de statut : si le traducteur littéraire, qui déclare ses revenus en " droits d'auteur ", est assujetti sur le plan fiscal aux mêmes contraintes quun écrivain, en revanche la rémunération que lui verse léditeur sous forme d" à-valoir " ne correspond nullement à lampleur du travail et du temps quil doit consacrer à un texte pour transposer dans la langue-cible toutes les qualités de loeuvre originale. Pour mémoire : le tarif par page française dactylographiée de 250 signes et espaces oscille, pour un roman traduit du japonais - langue " rare " -, entre 130 et 160 francs. Cette somme est sensiblement supérieure à celle accordée à un traducteur de langue occidentale. Mais elle représente à peine le tiers, voire le quart, des honoraires auxquels peut prétendre un traducteur de japonais technique... Quant au montant des " droits d'auteurs " (qui équivaut en moyenne, quand loeuvre traduite nest pas encore tombée dans le domaine public, à 2 % du prix public hors taxe des exemplaires vendus), le traducteur en voit rarement la couleur, et dans le meilleur des cas, pas avant que naient été vendus quelque 30 000 ouvrages. Bref, même si en termes de reconnaissance sociale son sort sest indéniablement amélioré depuis dix ou quinze ans, le traducteur littéraire continue à faire figure de " parent pauvre " au sein de sa profession. Mais cela ne découle-t-il pas dun grave problème de fond qui touche lensemble de ce métier, toutes spécialités confondues ? Cest quen France cette activité, au même titre dailleurs que la pratique de la psychanalyse, ne relève daucun statut officiel. En labsence de celui-ci, nimporte qui, du jour au lendemain, peut se déclarer traducteur. Pour pallier les abus que risquerait de générer une telle situation, lATLF a fort justement élaboré un " Code de déontologie du traducteur littéraire ". Il est dommage que ce document, qui fait état des devoirs et engagements que lon peut exiger de tout traducteur digne de ce nom, ne soit pas contrebalancé par une réglementation spécifiant les droits de ce dernier et la protection juridique dont il devrait normalement bénéficier. Tant quun véritable débat ne sera pas engagé sur ce sujet, notamment auprès des pouvoirs publics et des commissions concernées au sein de la Communauté européenne, il est à craindre que le pauvre traducteur - littéraire ou non - ne continue dêtre traité, par certains clients indélicats, comme la cinquième roue du carosse. Pour en savoir plus sur lexercice de ce métier et sa couverture sociale :
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