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L'une de ces digues, longue de 12 km, relie Mopti à Sévaré, croisée
des routes en direction du nord, de l'est et du sud du Mali. Ce trajet si varié du Niger a contribué à faire de Mopti une
métropole commerciale qui, pour s'être développée sous la colonisation,n'en a pas
moins acquis une personnalité particulière qu'on nomme l'« esprit de Mopti ». Dans
cette formule se confondent le bon goût et l'élégance, une hospitalité à toute
épreuve et... un grand sens commercial. La cité a à peine un siècle d'existence. D'un
campement de pêcheurs bozo.
Cette vocation commerciale se confirma sous la colonisation. Installés
à Charlotville (actuel quartier administratif), qui tire son nom de quelque commerçant
français, les colons rationalisèrent les échanges fluviaux, auxquels ils adjoignirent
d'autres activités, telles que l'exportation vers l'Europe des plumes d'aigrettes qui,
une fois parvenues à Bamako, étaient expédiées par le train jusqu'à Dakar. Derniers
venus à Mopti, ces Européens, auxquels se joignirent des immigrés syrio-libanais,
vivaient en vase clos et, aujourd'hui encore, seuls les étrangers habitent Charlotville
les Africains n'ont pas oublié qu'ils en étaient chassés tous les soirs dès que
retentissaient les sifflets des colons. Les autres quartiers -- qu'il s'agisse de Mopti
Hinde (la vieille Mopti) ou de Komouguel (appelé naguère « le » quartier africain) --
ont trouvé une homogénéité dans leur hétérogénéité.
Hétérogène, Mopti l'est assurément la ville ayant connu en un
siècle au gré des activités commerciales un incessant afflux d'immigré Bambara de
Bamako ou de Ségou. Dogon descendus de leurs falaises de Bandiagara. Au port des piroguiers débarquent chaque semaine -- le mercredi, veille du jour de marché -- des familles entières de commerçants, d'éleveurs ou d'agriculteurs qui laissent là chaque fois quelques nouveaux immigrés de plus. On parle toutes les langues autour de ce port situé au sud de l'îlot central. Là se côtoient toutes les ethnies du Mali : les Bozo venus vendre le fruit de leur pêche, les agriculteurs bambara et songhoï, les bergers toucouleur et peul qui viennent avec leur bétail, les Dogon qui daignent descendre de leur falaise. Depuis la fin de la rébellion, les Touareg sont revenus sur les marchés pour proposer leur magnifique artisanat.
Bruyant et odorant, ce pittoresque capharnam possède
paradoxalement des principes d'organisation. Chaque rive accueille un type de cargaison :
au nord, le sel de Tombouctou et le mil de Ségou, ainsi que les passagers
non-commerçants voyageant, qui avec sa mobylette, qui avec son... rocking-chair ; au sud,
le poisson séché, entassé en d'énormes piles parfois hautes d'un mètre dans des
pirogues à moteur bâchées dont certaines de fabrication locale peuvent transporter
jusqu'à 60 tonnes. Au marché de Komouguel, on trouve toutes sortes de condiments et une halle aux poissons fraîchement pêchés : les épices sont concentrées au marché de Sougouni, le marché des femmes. Comme partout au Mali, elles rivalisent d'élégance et de vitalité.
Les artisans ne sont pas en reste, regroupés au marché de l'artisanat
joliment rénové. C'est là que sont étalés les chefs-d'œuvre de cet artisanat
malien aux multiples ressources. La bijouterie mérite une mention particulière ; grosses
boucles d'oreilles d'or en forme de nacelles, anneaux pour les narines bracelets de cuivre
ou de bronze, pendentifs de diverses matières font la richesse du marché artisanal. |
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La richesse de l'artisanat Autres objets d'art qui mériteraient de bénéficier d'une protection, les produits de l'artisanat dogon. Vieux bijoux, statues en pierre en chloritoschiste ou en bois, il s'agit là aussi de pièces rares que le tourisme risque de transformer en trophées de voyage totalement détournés de leur vocation rituelle. Que le touriste ne soit pourtant pas trop difficile. De tous ces
authentiques chefs-d'œuvre, des copies fort bien faites sont on vente au marché de
Mopti. Car les artisans connaissant les ficelles du métier et la naïveté des voyageurs
: ils savent parfaitement faire vieillir bois, cuivre ou bronze de plusieurs siècles! Les
moins férus d'objets anciens peuvent se rabattre sur des pièces plus communes: fer
forgé, poterie, couvertures de laine aux dessins géométriques œufs d'autruche
(peints ou non) sabres ou coutelas autres babioles qui pour avoir été fabriqués à
l'intention des toubabs (les Blancs) n'en sont pas pour autant dépourvus de toute
beauté. Les artisans de Mopti perpétuent en effet dans leurs ateliers de Komouguel une
tradition de sérieux ; tout comme les maçons immigrés de Djenné, qui ont fait de leur
nouvelle ville un véritable musée d'architecture. ![]() |