Cliquez ici pour fermer la banière --->

Lettre ouverte à Jean-Paul Fillion, p. 2

 

Obnubilé comme vous l'êtes par «l'éclatement de la terre» vos «tares vous suivent», « cette peur qui est la même que celle qui a assombri votre enfance». Mais jusqu'où allez-vous emporter «cette manie indomptable» de «secrètement» attendre le désastre universel? Les uns espèrent en la résurrection des morts et les autres méditent sur «l'éternel retour». Et vous, qui écrivez : «Nous sommes en présence d'un drame qui heurte le cœur des civilisations depuis des temps immémoriaux»? En tout cas, vous semblez cultiver un pattern pour le moins paradigmatique. Mais revenons d'abord à votre question.

Pourquoi tant de pouvoir est-il donné à la folie en cavale en la personne de Rimbaud par exemple? que vous, poètes, intellectuels et artistes de tous les horizons citez comme le must du must! C'était un type dépravé qui s'est avéré détester la poésie et la littérature et qui par-dessus le marché a fait profession de vendeur d'armes: pas par idéal politique, ce qui serait relativement excusable, mais par avidité du gain! Je précise: par conséquences karmiques; il est devenu le pantin de ses excentricités perverses. Malgré cela, les poètes des générations futures, les écrivains, artistes et intellectuels à tous crins ont porté aux nues ce monstre sacrilège pour en faire leur idole. Ironiquement, il symbolisait leur passeport pour transcender la confusion et les aléas de l’existence. L'ami de Rimbaud, Verlaine, tirant sur RimbaudQuoique, pour Rimbaud, il n'ait pas «fait beau pour mourir» comme s'apprêterait à l’envisager un vrai poète qui le serait resté toute sa vie, malgré les contingences et les infortunes, résultat de son âme d'alchimiste qui transforme un verre à moitié vide en verre à moitié plein. Celui-là sait faire la part des choses; il sait distinguer le lotus du fumier. Il ne confond pas une oie dans le ciel avec une oie dans son assiette comme il amalgamerait «ces troupes volantes» d'oiseaux à «des formations de bombardiers en route pour la guerre». Il sait adapter les temps et les circonstances à une moralité personnelle et dynamique qui distingue l'homme civilisé du sauvage conditionné par ces mœurs naturelles et obstinément attaché à eux. C'est par la moralité de ces personalités que la conscience collective est rehaussée, ou dégradée. «Parti de l'introspection solitaire, écrivez-vous à juste titre, la poésie doit arriver à la conscience collective, ainsi, elle sera totale.»

«Totale», voici un de mes adjectifs de prédilection. Je dis souvent que le poète forme un tout, avec son œuvre de surcroît. Chacune des parties de son être reflète sa personnalité artistique et y contribue; par conséquent, cette personnalité nous indique l'état de sa conscience qui va influencer le «MOI universel». Comme le déclarait Pierre Vadeboncoeur au sujet de Gaston Miron : «On ne séparait pas Miron de ses propos. Il pesait de son propre poids dans ce qu'il disait. Son discours était Miron lui-même.»

Par nature, continuez-vous, le poète «est marginal et libre face aux moules sociaux. Il ne cherche qu'une chose: traduire le mystère qui l'habite et le mettre en lumière.» Mais alors, pourquoi les poètes sont-ils si vulgaires et dégradés en général? Est-ce là des symptômes de leur intérieur? Pour preuve, je vous invite à lire ce qu'écrivent les vôtres, en la personne de Danny Plourde, un Québécois Danny ayant remporté le prix Félix Leclerc, lors d'une célébration entre poètes. Je reproduis cette lettre sans scrupules sachant qu'il l'a lui-même publié avec allégresse sur un forum public de poésie. Et si le cœur vous en dit, jetez aussi un coup d'œil sur cet autre texte, publié dans L'inconvénient par un autre de vos contemporains. Pour lire l'article.

Le poème de Verlaine est tiré de L'Âme antique


Au jour qu'il faudra, pour la gloire
Des cieux enfin tout grands ouverts,
Ceux qui surent et purent croire,
Bons et doux, sauf au seul Pervers,

Ceux-là, vers la joie infinie
Sur la colline de Sion,
Monteront, d'une aile bénie,
Aux plis de son assomption
Paul Verlaine

Akiles, montage

«La cause de toute cette saloperie? L'être humain est devenu le plus grand avorton de sa planète. L'homme a-t-il seulement commencé à se faire?» À qui le dites-vous? Je vous répondrais, Monsieur Fillion, que l'homme a commencé depuis belle lurette –à se défaire! C'est encore une conception bien ancrée dans la culture à prédominance athée, qu'elle soit religieuse ou pas, que l'homme fût, à l'origine, un sauvage et que les plus "chanceux" d'entre eux aient évolué. Comme si la mémoire avait évolué!?! Il n'y a que la technologie, la politique et la morale qui ont progressé. Sinon, l'homme, en lui-même, n'a pas changé. Voyez les corridas ou les stades de football et observez comment le public n'est pas très différent dans son comportement que durant le temps des gladiateurs!

«Cet après-midi, surpris par un spectacle inattendu présenté gratuitement en plein ciel, Yo et moi, nous nous sommes cassés le cou pendant deux heures pour contempler, ébahis, des milliers d'oies blanches. [---] Volées en flèche, chants symphoniques à perte d'oreilles, plates-bandes d'œillets blancs et argentés nageant à belle allure sur toile de fond bleu roi. Chef-d'œuvre sur l'infini. Comment traduire en image le cri de nos cœurs?»

«Le cri de nos cœurs»? Je vais être dur, ici, M. Fillion. Je vais vous demander d'écouter le mien. Vous allez comprendre pourquoi je vous ai donné à lire ce texte: «Ne faites pas cela à vos enfants.» Ces oies, dont vous vous pâmez de leur beauté, ne sont pas très différentes de celles qui auront pour «destination sacrée» vos assiettes! Comment voulez-vous que les enfants soient éduqués intelligemment si d'un côté on leur chante l'«ode à la beauté d'une constellation sonore ? Hommage au spectre fantastique de la lumière. Ces grandes oies blanches, rubans flottant sur les vents du sud, nous proposent un mystère insondable. [---] Priorité à la destination sacrée.», et, de l'autre côté, on les fait manger des animaux, sans nécessité, au contraire des esquimaux, par exemple. Eux, cependant, le font avec cette notion du «vrai» sacré, liée à leur survie et à des rituels pour exorciser la tuerie d’un animal. Chez vous, on les massacre par milliers tous les jours dans les abattoirs, comme si de rien n'était, mécaniquement. --------------------------
Fillion: <<-1-2-3>>

L'évolution de la morale

En 2004, le gouverneur général du Canada récompensait de sa médaille d’or une thèse sur le marquis de Sade! Et le secrétaire de la Faculté des études supérieures (FES) annonçait que le prix de la meilleure thèse en sciences humaines va à une analyse littéraire des Cent vingt journées de Sodome et des trois Justine de Sade.

En 2005, une grande dame de l'aristocratie française, déclare sur les ondes de Radio-canada, 95.1 fm, qu'une femme devrait se réjouir à l'idée de recevoir en cadeau de Noël, les oeuvres complètes du marquis de Sade.

L’année 2006 commence par une nouvelle acceptation des mœurs sexuels : La Cour suprême reconnaît l'échangisme.

Page d'accueil

------------------Danny Plourde: Je me souviens

La première fois que j'ai pris conscience de cette petite maison d'édition, voilà déjà quelques années, je l'ai tout de suite trouvée sympa. Le p'tit logo de cisailles, le violent rouge sur les bouquins (ceux de P. Brisebois, entre autres), leur ligne directrice qu'ils présentaient comme l'avatar de nos espoirs littéraires dans une bibliothèque nationale de plus en plus poussièreuse... Les années ont filé, j'ai publié mon recueil à l'Hexagone, pour des convictions sacrementalement personnelle, mais sincèrement, j'aurais bien voulu publier chez l'Effet Pourpre. D'ailleurs, je carressais le rêve, sans que mon présent éditeur ne le sache, de publier un recueil de nouvelles auto-fictives chez eux-autres. V'lan entre les riens.

(Je me souviendrai toujours du salon du Livre de Montréal, à ma première scéance de signature... j'étais assis à côté de Fernand Durepos (MOURIR M'ARRIVE), après 15 minutes, on était saoul en esty, pis là une collègue de l'UQAM au nom de Jo. est venue me voir, elle m'a dit qu'il y avait une soirée dans le vieux Montréal organisée par l'Effet Pourpre. Ah, d'accord j'vais y aller avec que j'lui dis. Durepos me r'garde, me dit que c'te fille-là la veutdans l'ombre pis ça parait. Hum, ouais que j'dis. Continue à boire.

Mon-pot Jp Tremblay se ramène, je finis les signatures (pas trop tout de même) et les 6 coupes de vin rouge, on va vers le métro avec Jo. et sa cousine, direction Vieux Montréal. Le Bar. Truc Pharaon, ché plus. Enfin, ya une lecture ce soir, ouais. Une jeune récite un truc hyper cochon, Jo. est mouillée, elle me pogne la queue sous la table. Pat Brisebois se ramène, salut Jo. qu'il dit, salut qu'elle dit. C'te fille-là aime les auteurs... Il récite un truc assez dépressisf, plutôt noir, mais foutrement intéressant. Pause. Micro ouvert, faut donner son nom, j'suis saoul, vaut pas trop garnd chose, allez Plourde, ok, plus tard... continue à boire mais Jo. ne cesse de me pogner la queue en cachette sous la table, elle ne veut pas que sa cousine la voit... elle me dit t'as pas envie de pisser.... sûr, je la suis dans les toilettes, et là elle me fait une pipe de l'enfer, pendant ce temps on me demande sur la scène... quelqu'un gueule: il se fait sucer dans les toilettes, et ce quelqu'un c'est mon pot JP. je reviens quelques minutes plus tard avec Jo. et une odeur prenante de foutre. On redit mon nom au micro, je récite truc sur le bonheur par coeur et j'ai vraiment l'impression d'être un peu comme Jim Morisson qui chante Touch Me Baby en train de se faire sucer, mais... je crois que l'intensité est là...
Première expérience avec l'Effet Pourpre...ouais...)

Par la suite, lors de leurs soirées, je me suis souvent présenté, sois pour jouer de l'harmonica, sois pour simplement les écouter, les lire avec mes oreilles. J'ai découvert la plupart de leurs auteurs. Jeunes, talentueux, désabusés, âmes sombres, la parole lumineuse.... Cette maison-là avait foutrement sa place au Québec, en Amérique, dans le monde. Ça me fait chier, maintenant. Tabarnak.

La dernière fois, je crois, c'est au Bar Les Ripoux, à Québec City. J'étais avec une Belge en menstruation assez gentille. Je ne savais pas que ça serait la dernière virée du genre en leur compagnie...

J'espère simplement que tous les auteurs de l'Effet Poupre, qui sont bourrés de talents et d'audaces, pourront se r'virer comme du monde, qu'ils pourront trouver autre chose. L'argent aurait tuer une partie de notre avant-garde, manque de fond... mais non, j'ai confiance, ils reviendront sous une autre forme...

Merci les gars, les filles, je me souviendrai de vous-autres ! salut

le sarcophage

Akiles, montage
Les psychanalystes parlent de peur inconsciente de «cannibalisme», les animaux étant de plus en plus vécus comme des proches. D’où le succès de la viande prédécoupée et l’apparition d’un nouveau cons
ommateur : le «sarcophage». Explication du sociologue : « Pour le sarcophage, la consommation de viande ou de poisson n’est concevable qu’au prix d’un masquage de l’origine de la chair, avec l’illusion que l’animal n’a jamais existé, que sa présence réelle dans l’assiette est purement fictive. »
Psychologies -- Novembre 2003

______________________________________________________________________

Comme un chamane
de Jean Désy
_____________________________________

Le plaisir de recopier un poème ou une prose, un texte bien écrit, je le ressens à l'instant même, et à chaque fois que je m'adonne à cet exercice. Quand on me dit qu'il n'y a plus de poésie québécoise -d'abord, je pose la question: qu'est ce que cette conception?- j'ai alors un point d'interrogation. Peut-être, veut-on signifier par là qu'au Québec, il n'y a plus de poésie digne de ce nom qui se fait ? Et alors j'ai des doutes. Peut-être est-ce vrai? Mais la poésie n'est pas une science si complexe pour que le poéte naturel en moi et l'esprit positif qui me possède se résignent à ce fatalisme.

Il y a quelques années, pour la journée de la poésie, je me suis retrouvé par hasard sous un chapiteau, en pleine ville, dont j'ai vite fait le tour et à peine écouté les intervenants déclamant leurs vers. La raison de cette précipitation: toujours ce même problème –l'hermétisme qui enferme la poésie; mais ici on pousse l'audace jusqu'à la livrer ainsi au public, qu'on prend pour averti!

Et là, sous la tente, ma femme me tendit un petit livre pour lequel je me suis emballé; ça s'appelle Ô Nord, mon Amour, de Jean Désy (Éd. Le loup de goutièrre). Je présente, ci-dessous, une pièce y figurant. Dans ce poème, la dernière ligne me touche particulièrement; elle évoque le pouvoir des mots sur l'esprit. J'écris cela suite à l'échange succinct et pour le moins brouillé que j'ai eu avec des intervenants sur le Web au sujet de l'importance des mots et des expressions qu'on choisit pour exprimer nos idées, comme "merde" "masturbation" ou "bouffer", surtout chez des gens soi-disant éduqués et supposés représenter la classe intelligente de nos sociétés. Ils prétendent à la liberté d'expression mais, se faisant, ils s'approprient l'espace publique par leurs insolences et la violence de leurs paroles.

"Ce soir, je m'ennuie
Je m'ennuie des enfants qui venaient m'embrasser dans le cou.
Je m'ennuie des beaux tracas de l'enfance, des joies et des peines, du courage de vivre et de laisser pleurer.
Rien n'est plus comme avant. Il y a quelque chose de tragique dans cette vie.
Sans ton oreille, ce soir, je quitterais ce monde pour une Abyssinie où rien ne m'attache.
Ô Nord, mon Amour, je dis ton nom et mon âme voit le ciel, le soleil et la mer."
-----
Si aujourd'hui, je reparle de Jean Désy, c'est que j'ai en main un autre livre de lui, un roman: Le coureur de froid*. J'ai pour habitude de dire qu'un écrivain ou une personnalité, décidant de nous faire part de ses impressions sur la vie, devrait toujours nous exprimer ses rapports avec les animaux; ces rapports constituent un élément essentiel de sa vision sur l'homme et l'univers. On s'en doute, il n'est pas difficile de trouver un tel témoignage chez un auteur, mystique, pourrait-on dire, comme Jean Désy. Les lignes que je vais citer de lui ci-dessous me permettront de compléter un texte que j'ai écrit sur le sujet, notamment ma Lettre à un poète, Fillion, où je disais quelque part: Voici donc ce qu'écrit Jean Désy à ce propos:

«Pour la première fois de ma vie, j'ai tué une bête plus grosse qu'un lièvre: d'une balle j'ai un jour fauché un caribou en pleine course. J'avais emprunté le véhicule tout-terrain de Tayara. Au Nord, la chasse prend une signification qu'elle ne possède pas au Sud. Les Inuits tuent des animaux pour partager leur vie. Malgré la surréelle beauté d'un tuktu** dans la toundra, j'ai voulu tuer pour me nourrir et nourrir les autres.»

*Éd. XYZ
** Caribou