"Michaële m'écrit des chansons sur mesure. On dirait une autre moi-même.
C'est sans doute elle qui me comprend le mieux", déclarait un jour à
France-Soir Dalida. Et il fallait bien connaître l'artiste pour oser proposer
"Lucas", l'histoire d'une femme face à un petit garçon qui n'est pas le sien, à
celle qui confessait au même journal en cette année 1983: "C'est le regret de
ma vie de ne pas avoir d'enfant. A l'époque, je n'ai pas pris le temps d'en faire
un. Je pensais que c'était incompatible avec ma vie. Mais comment font mes
collègues ?...". Mais ne dédiait-elle pas déjà dix ans auparavant "Mamina" de
Mya Simille, Michel Delancray et Pascal Danel "aux enfants que j'aurais voulu
avoir et que je n'ai jamais eus" ? "Au fond de chacun de nous, disait-elle, il y a
toujours un enfant qui pleure"...
Quoi qu'il en soit, elle reste à (re)découvrir, et peut-être même à reprendre,
puisque son thème, fondamentalement féminin, demeure intemporel, sinon
éternel (et fut d'ailleurs également abordé par Didier Barbelivien et Pascal Auriat
pour Mireille Mathieu dans "L'enfant que je n'ai jamais eu").
L'équipe n'écrira plus jamais pour Dalida, disparue comme on sait quatre ans
plus tard, même s'il aura été question d'une comédie musicale inspirée de
"Gigi", et si Michaële gardera par-devers elle une ultime idée de chanson dans
cette veine, sorte de pendant féminin au fougueux Gigi: "C'était l'histoire d'une
petite dactylo travaillant aux Etats-Unis, qui, tout à coup, prend un billet pour
Venise et débarque dans un autre monde... Je devais lui en parler lors d'un
dîner juste au moment de sa mort". C'est aussi à cette époque qu'Alice Dona,
évoquée par ailleurs dans ce dossier, proposera à la chanteuse une chanson
prémonitoire d'elle et Pierre-Henri Doucet intitulée "Fatiguée"...
Michaële, elle, a signé de son côté plusieurs textes pour François Valéry, puis
Frédéric François ("L'amour s'en va, l'amour revient", Qui de nous deux?", "Une
nuit ne suffit pas", "Je ne te suffis pas", "Est-ce que tu es seule ce soir ?", "Je
n't'oublie pas", "Chiquita", "Je te le jure"), et la belle équipe des débuts,
emportée par le flot du métier, est aujourd'hui un superbe souvenir, une famille
dont les enfants, Gigi, Lucas and co ont bien vieilli et perpétuent la mémoire de
leur interprète. Mais rien ne remplacera jamais dans leur cœur ces "Années
Dali" qui furent à la fois celles du succès, de l'amitié et de la créativité, en un
mot le temps des jours parfaits, et qui chantent encore sur toutes les FM et
dans toutes les discothèques comme un joli parfum de l'âge d'or. Ces années
où ils montaient un peu au ciel en escaladant la Butte Montmartre avec des
succès tout neufs pour la plus belle des étoiles et la plus femme des femmes:
Dalida.
"C'est la dernière chanson qu'on ait faite pour elle, confie Michaële. J'ai pensé à
sa vie, à l'enfant qu'elle aurait voulu avoir, et qu'elle n'a pas eu parce qu'elle avait
préféré se consacrer à la chanson. Sur ce plan, elle avait raté sa vie. Le texte
m'est venu facilement, et je lui en ai parlé un soir, dans une réception aux
Jardins du Louvre. Mais ce n'était pas le moment. Nous avions peur qu'elle
refuse une chanson si proche d'elle. Malheureusement, l'arrangement ne
plaisait pas à Orlando qui disait: "C'est une chanson d'automne, donc je la
sortirai en automne" et a privilégié un autre titre, et elle n'a pas été lancée
comme elle l'aurait mérité. Beaucoup de gens l'aimaient". Un sentiment partagé
par Lana: "C'est l'histoire de l'enfant qu'elle n'a pas eu. Un texte magnifique,
d'une sensibilité incroyable, inspiré de sa vie. Dalida l'adorait. A ce moment-là,
Michaële était très proche d'elle, la sentait très bien. On se parlait beaucoup.
Nous étions vraiment sur la même longueur d'ondes, nous "écrivions avec le
cœur", à tel point que j'avais vraiment l'impression d'être dans sa peau en
composant pour elle. Seule une femme pouvait ainsi "rentrer dans les tripes de
quelqu'un", a fortiori d'une autre femme. Mais l'arrangement a desservi la
chanson, et l'a peut-être empêché d'exister comme elle aurait dû".
Bien sûr, l'équipe n'en restera pas là et écrira ensemble, puis séparément, -et
produira même à l'occasion -nombre de succès pour Santiana (alias
Jean-Pierre d'Amico: "Je t'avais juré de t'aimer", "J'ai le mal d'amour, j'ai le mal
de toi"), G.G. Junior ("Tu me connais pas", "C'est pas une vie"), Régine ("On se
reverra") et surtout Jean-Luc Lahaye: "Femme que j'aime", initialement écrit
pour G.G. Junior: "Lana me dit: on va changer le rythme du morceau,
l'accélérer. ça a duré six mois. Elle a complètement pris en main Jean-Luc, lui
a tout appris, lui a fait changer son rythme, son phrasé, a fait les arrangements
avec Paul. Le disque est sorti le 13 février, s'est vendu à 80 000 exemplaires
jusqu'en juin, et a soudain explosé pendant l'été: 1, 5 million d'exemplaires!
Numero 153 - Pierre ACHARD
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