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Je sors ensuite. Je marche et l'humidité me saisit. J'ai froid; j'accélère le pas... La nuit déjà est apparue. Les lampadaires projettent des ombres sur le trottoir. Une pensée de tristesse m'assaille: celle de Célia.
Je monte la rue Sainte-Famille jusqu'à la basilique, dévie sur ma droite, observant les rues glacées qui me conduisent jusqu'à l'Avenue Sainte-Geneviève. Je me retrouve devant la résidence de Célia. Je frappe...espérant qu'elle est là... Elle a peu changé mais ne semble pas me reconnaître. Je lui montre une photo qu'elle examine attentivement ...
- Ma chère amie, comme tu vois, je n'ai rien oublié du passé.
Célia me complimente, me regarde, réexamine la photo...Je la remercie. Je me mets à parler comme autre fois, d'un air mi-moqueur.
- Je te remercie du compliment que tu me fais... Ainsi, je suis resté à l'âge où tu me vois sur la photo. Les changements physiques ne sont que passages. Le poète demeure toujours jeune, entouré qu'il est par les monades qui l'égaient à chaque instant du jour et de la nuit. Je n'ose parler ici des muses qui peuplent ses pensées, ni des elfes qui se balancent dans les branches de ses sapins...
Je parle, je la regarde, et je monologue indéfiniment, comme si nous avions toujours vécu ensemble.
- Cette photo, par le miracle de la gestalt,( Nous parlions assez souvent de la théorie de la Forme lorsque nous étions ensemble), je l'ai gardée. À l'arrière-plan, une broderie datant du siècle dernier où on distingue quelque chiens dans le salon d'une dame dont on n'aperçoit que le bout du pied... "Oh! Combien de fois n'ai-je pas baiser cette patte altière, cette jambe le long de laquelle erraient mes regards pleins d'espoirs!" ...Malgré que je ne sois plus tout à fait ce copain, ne te moque pas... Ma personnalité était chaleureuse, pour le moins que je puisse dire...
- Trève de plaisanterie, comment vas-tu ? fait-elle tout simplement...
Et elle m'invite à monter. C'est un escalier à rampe de chêne, polie par l'usure des mains qui y ont glissé. Comme autrefois, je la suis, franchis le court passage, m'assieds au salon, à l'endroit où je prenais place, autrefois.