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Fascisme Brun, Fascisme Rouge ( 1 )


NOUVELLE ERE ECONOMIQUE

La fin de la guerre mondiale de 14-18 ne voyait apparemment que des vainqueurs et des vaincus. En réalité il n'y avait que des vaincus. Les vainqueurs eux-mêmes étaient vaincus. Non sans doute par les armes, mais par la loi de l'évolution historique. La guerre elle-même n'était que le moment décisif de cette évolution. Elle était responsable de la défaite de tous, de la catastrophe générale.

C'est ce qui fit qu'après la guerre, la Russie et l'Allemagne -- où une révolution avait bouleversé la vieille ordonnance des choses -- ne furent pas les seuls pays à offrir un visage différent. Des changements profonds, des ruptures importantes avaient également affecté les structures économiques, sociales, politiques et idéologiques de la France, de l'Angleterre, de l'Italie et des Etats-Unis. A cette différence près que le fait était notoire chez les vaincus, alors que les gouvernements et les masses des Etats victorieux ne le savaient pas encore.

Les Etats étaient entrés en guerre sous le signe de l'impérialisme et tout d'abord l'Allemagne dont le capitalisme, mû du brûlant désir de rattraper le temps perdu, avait rapidement atteint les limites de son cadre national, devenu trop étroit. Aussi employa-t-il toute sa force d'expansion à faire sauter le verrou de son développement ultérieur et à repousser les limites de son espace économique. Sa volonté provocatrice de conquête exigeait une nouvelle répartition du monde et c'est lui qui mit le feu aux poudres de la guerre.

Mais les autres Etats capitalistes n'étaient ni pacifiques, ni innocents. Tous s'étaient armés, tous avaient développé leur militarisme, préparé une éventuelle attaque et compté sérieusement avec un conflit mondial inévitable. Car tous étaient dominés par le capitalisme et s'étaient engagés sur la voie de l'impérialisme vers le conflit militaire, considéré comme solution définitive. Selon les exigences de leur système, les portes de l'avenir ne s'ouvraient que par la force des armes.

L'heure décisive était enfin arrivée. La guerre avait éclaté. La puissance la plus forte -- celle des armées les plus importantes, des techniques militaires les plus développées et du nerf de la guerre -- avait vaincu. Mais uniquement sur le plan militaire : uniquement selon les règles du jeu de la guerre.

Simultanément, le système bourgeois de tous les pays du monde capitaliste, que ceux-ci aient ou non participé à la guerre, se trouva acculé aux limites de sa validité pendant un conflit, qui était pourtant son ultime recours. La puissance de ce système se trouva brisée de l'intérieur. Sa toi, son ordre, son autorité et sa force touchaient à leur terme. L'histoire lui avait donne le coup de grâce.

Le système capitaliste n'est pas un système unique, semblable à lui-même à tous les stades de son développement, ce n'est pas un système donné une fois pour toutes.

On peut clairement identifier différentes phases définies par des caractères structuraux variables, des fonctions, des formes d'expression différentes, des effets et des causes changeantes. L'unanimité, la norme et la durée, n'existent que dans les grands traits de ses objectifs, dans le principe de sa nature, le rythme de ses fonctions et le dénominateur commun de ses effets.

Le système économique capitaliste -- comme tout système d'économie --doit fournir à la société les biens dont elle a besoin pour se maintenir ci se développer. Il a donc un but social. Sa nature est telle qu'il ne parvient à ce but que par le biais de l'enrichissement privé. L'objectif social principal est lié à des objectifs individuels secondaires qui deviennent des objectifs premiers pour les agents économiques particuliers. Car l'agent économique, représenté par le chef d'entreprise, se tient sur le terrain de la propriété privée dont la finalité est la poursuite d'intérêts privés. A ses yeux, l'enrichissement privé est le sens même de son activité économique. L'économie, dont il est le bénéficiaire, n'est pour lui qu'appropriations, bonnes affaires, chance de gains et profits. Le moyen de remplir son rôle social, aussi bien que d'atteindre son but comme acquéreur individuel, le chef d'entreprise capitaliste le trouve dans le travail salarié. Il emploie des ouvriers qui n'ont pas de moyens de production propres et ne peuvent vivre que de la vente de leur force de travail, et il les exploite. Pour parvenir à cette exploitation, il les oblige à accomplir un travail dont la valeur dépasse le salaire qu'il leur paie. Le revenu supplémentaire, ou plus-value, entre dans sa poche comme profit.

Tandis que les lois abstraites et la dynamique de ce procédé d'exploitation restent les mêmes dans toutes les phases du développement capitaliste, les formes et les résultats varient selon les techniques de travail, les méthodes de production, les modes de distribution, les procès de circulation et le degré d'évolution du système global.

L'approvisionnement de la société en vivres est assuré par des marchandises qui s'acquièrent sur le marché contre de l'argent. Mais la possibilité de se procurer ces marchandises, l'approvisionnement du marché, le besoin des consommateurs, le pouvoir d'achat de l'argent, la solvabilité des acheteurs, l'accumulation du profit en vue de nouveaux investissements productifs, la reproduction du procès de production, en définitive l'ensemble des traits de l'économie capitaliste sont soumis à des variations incessantes. Car elles ont pour causes des principes et des lois qui --indépendamment de la volonté humaine -- sont pour leur part soumis à un changement perpétuel.

L'économie capitaliste offre ainsi une certaine image à l'époque de l'artisanat petit-bourgeois et du marché urbain, une autre à l'époque des manufactures, des fabriques et du marché national, une autre encore à celle de la grande industrie, de l'économie de cartel, du capital financier, de l'exportation et du marché à l'échelle mondiale. Nombreuses sont les phases successives, et bien que toutes suivent le principe capitaliste, leur suite présente un tableau fait de variations multiples.

Quand la guerre mondiale éclata, le développement du capitalisme était arrivé au stade où les trusts nationaux luttaient contre d'autres trusts nationaux, où la concurrence des différents groupes financiers butait contre les frontières, où la domination du marché mondial semblait promise à celui qui dominerait le monde par les armes. La poussée vers le profit à l'échelle mondiale donna le mot d'ordre de la guerre mondiale.

Mais à la fin de la guerre, il fallut se rendre à l'évidence : dans chaque pays, l'économie nationale était bouleversée de fond en comble, la balance entre le travail et la consommation était paralysée au point d'être incapable de fonctionner, que le pouvoir d'achat des masses s'était réduit à une peau de chagrin, que la perte du marché mondial avait causé la banqueroute des industries d'exportation des pays vaincus et que toute l'économie de marché était à l'agonie. La circulation de l'argent et des biens subissait des interruptions dévastatrices. Des inflations rongeaient les derniers avoirs. Les banques fermaient, les caisses étaient vides et la Bourse se mourait.

La production ne rentrait plus dans ses frais. La plus-value manquait et le capital perdait toute valeur comme source de profit pour les possédants. L'approvisionnement de la majorité cessa avec l'arrêt de l'enrichissement de la minorité. A ceci s'ajoutaient les charges énormes imposées aux peuples pour la reconstruction des régions dévastées, les tributs et le remboursement des dettes de guerre, la guérison des blessures et des dommages qu'avait causé la guerre aux personnes et aux biens. Un mur croissant de difficultés empêchait toute tentative de régénération. Tout n'était que décomposition et délabrement.

L'économie ? Incapable de remplir sa fonction sociale et de procurer des biens matériels et vitaux. Le capital ? Sans profit et donc sans stimulants et sans impulsion pour fonctionner. Les masses ? Sans travail et sans salaire et donc sans possibilité de prolonger leur existence. L'humanité ? Incapable de poursuivre son évolution historique...

Le déclin de l'Occident semblait arrivé. Le livre d'Oswald Spengler [1] connut un immense succès.. Le chaos enfanta la révolution...

[1] Oswald Spengler : Le déclin de l'Occident.

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