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Chronologie d'une négation


Première génération : 1945-1970

Le caractère le plus marquant de cette génération est bien évidemment sa participation au deuxième conflit mondial, dans son extrême majorité dans le camp des « vaincus », c'est-à-dire les régimes nazis, fascistes ou les partis collaborationnistes européens. Paul Rassinier, par son engagement politique, constitue à cet égard une exception notable.

1945-1947  : Le premier négationniste répertorié est sans doute le Français Maurice Bardèche, beau-frère de R. Brasillach. Dès la fin de la guerre, il édite son premier ouvrage critique contre la Résistance en 1947  : Lettre à François Mauriac. En 1948, il publie Nuremberg ou la Terre Promise dans lequel il attaque la « falsification de l'Histoire » tout en se défendant de « défendre l'Allemagne ». Cette thèse, creusée dans l'ouvrage suivant Nuremberg II ou les Faux Monnayeurs (1950) s'appuie sur un principe : ce sont les vainqueurs qui imposent leur version de l'Histoire contre l'Allemagne dont le principal tort est finalement d'avoir perdu la guerre. Mais l'ancrage de M. Bardèche dans le courant néo-fasciste l'empêchait forcément de diffuser ses thèses dans une France d'après-guerre bâtie sur le consensus antifasciste.

1950-1960  : De fait, c'est Paul Rassinier qui va apparaître comme LA référence dans cette génération ayant participé à la guerre. Né en 1906, il adhère au parti communiste (SFIC) en 1922 puis à la SFIO en 1934 après avoir été exclu du PCF pour « gauchisme ». Dès le début de l'Occupation, il participe à la création du mouvement Libération-Nord et est arrêté en octobre 1943, torturé et déporté à Buchenwald puis Dora. Libéré en 1945, il est déclaré invalide à 100 % plus 5 degrés. Il a donc alors un solide passé de militant socialiste révolutionnaire. En 1948 il publie Passage de la ligne suivi du Mensonge d'Ulysse en 1950. Le Mensonge d'Ulysse s'attache avant tout à casser ce qu'il considère comme un mythe : la solidarité entre détenus. Les Kapos en particulier sont désignés par P. Rassinier comme les principaux responsables des exactions et de la dureté des conditions de détention. Le fatalisme de P. Rassinier le fait douter de l'expérience des autres et le pousse à critiquer très durement la tendance à la glorification et au martyrologe de certains anciens détenus, ce qu'il nomme « le mensonge d'Ulysse ».

Concernant les chambres à gaz, il minore leur existence tout en ne niant pas cette dernière : « Mon opinion sur les chambres à gaz ? Il y en eut : pas tant qu'on le croit. Des exterminations par ce moyen, il y en eut aussi : pas tant qu'on l'a dit. »

De la même façon, il met en doute le projet exterminationniste national-socialiste. Exclu de la SFIO après avoir été condamné pour injures et diffamation dans le procès intenté par la LICA et des anciens déportés proches du PC., P. Rassinier fait paraître ses écrits dans la maison d'édition de M. Bardèche à partir de 1955. L'essentiel de son argumentation repose alors finalement sur une démonstration démographique niant les six millions de morts, expliquant que la majeure partie de la communauté juive européenne a en fait émigré et que la guerre est le résultat d'un complot de marchands d'armes et de groupes occultes, francs-maçons et juifs. Par ailleurs, pour parachever sa dérive politique, P. Rassinier écrivit de 1963 à 1964 dans Rivarol et il participa à une réunion organisée en Allemagne par le journal nationaliste Nation-Europa. Il décéda le 28 juillet 1967 et son éloge funèbre fut prononcé par Maurice Bardèche...

Années 1960-1970 : Ancien soldat SS affecté à Auschwitz durant l'année 1944, Thies Christophersen se recycle après-guerre et devient journaliste en RFA. Son engagement n'est cependant guère ébréché puisqu'il participe au journal d'extrême-droite Le paysan allemand et anime des associations de lutte contre la pornographie. Il voit sa réputation passer les frontières lorsqu'il publie en 1973 ce qu'il considère comme sa version de l'histoire du camp d'Auschwitz : Le Mensonge d'Auschwitz. Ce livre a été traduit dans de très nombreuses langues et a sans doute été diffusé entre environ un et deux millions d'exemplaires. Sa présentation des camps de concentration allemands comme des ancêtres du parc Astérix ou de Disneyland a décomplexé de nombreux futurs négationnistes. Depuis, Thies Christophersen est l'un des plus inlassables réhabilitateurs du régime nazi à travers le monde. À peu près du même âge, le Suisse G.-A. Amaudruz est moins connu. Ancien soldat SS de la Division Charlemagne (du moins c'est ce dont il se vante), il reprend son engagement politique dès 1949 et fait paraître en France Ubu justicier au premier procès de Nuremburg dans lequel il récuse le Tribunal Militaire International. En 1951, à Zurich, il participe à la création de l'une des premières organisations néo-nazie d'après-guerre, le Nouvel Ordre Européen, qui réunit une poignée d'anciens nazis allemands et fascistes italiens. La Suisse joue de fait un rôle central et privilégié dans ces contacts entre rescapés. Mais à Lausanne, G.-A. Amaudruz est également le responsable et principal rédacteur du Courrier du Continent, bulletin mensuel de fabrication sommaire mais diffusant énormément d'informations sur l'ensemble des publications radicales de droite et bien sûr le négationnisme (le bulletin en est, en juin 1995, à son 370e numéro). G.-A. Amaudruz, malgré son aspect folklorique (se reporter à cet égard au dossier hors-série du Canard Enchaîné sur la Suisse de 1990) est une pièce centrale du néo-nazisme en Suisse et il a permit l'émergence d'autres individus.

Nettement plus tardivement réputé pour ses positions négationnistes, le Français H. Roques n'en fait pas moins partie de cette génération. Futur ingénieur agronome, né en 1920, H. Roques participa aux Chantiers de jeunesse de Vichy durant la guerre. Après celle-ci, il suit la renaissance da mouvements néo-fascistes en France : il est pendant des années le correspondant à Paris de L'Europe réelle, revue du Nouvel Ordre Européen, il entre au PFN puis à la FANE. Sa rencontre avec P. Rassinier en 1962 a été déterminante, même s'il ne lui en fallait sans doute pas beaucoup pour être «  converti » au négationnisme. C'est bien sûr lorsqu'il soutient sa thèse à Nantes le 15 juin 1985 que son nom émerge. Le but de sa « recherche » était de démontrer la nullité des écrits de Kurt Gerstein, officier SS affecté au service de santé et d'hygiène du camp de Belzec en août 1942.

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