ASCENSEUR OU ESCALIER ?
![]() Derrière la notion économique de coût il convient de retrouver la ré-alité plus quotidienne et plus banale qu'elle finit par dissimuler. ![]() Tout le monde se pose la question de savoir si ce qu'il entreprend en vaut ou non la peine. Est-ce que le résultat escompté justifie la dépen-se ou le risque ? Y a-t-il des moyens moins coûteux, c'est-à-dire plus agréables, pour obtenir un résultat semblable ou suffisamment satisfai-sant ? ![]() Si ce genre de question relevait de l'économie il n'y aurait plus que des économistes ou des managers. Ce sont en fait les problèmes économi-ques et financiers qui sont un cas particulier et plutôt bizarre d'une problématique plus générale. ![]() L'évaluation spontanée et naïve des coûts a précédé de longtemps l'a-vènement du capitalisme. Elle subsiste à côté de la sphère économique bien que nos choix doivent tenir compte sans cesse des nécessités finan-cières. Ce qui la caractérise c'est qu'elle s'effectue sans détour mo-nétaire et qu'elle ne se réduit pas à des critères de temps. ![]() A la limite l'évaluation des coûts n'est pas l'apanage du genre hu-main. Le pigeon qui hésite à venir picorer les graines qu'on lui offre s'y essaie à sa manière. Qu'il se trompe sur les risques et finisse à la casserole ne change rien à l'affaire. L'estimation n'écarte pas obliga-toirement l'erreur. ![]() Le choix de l'oiseau relève plus de l'instinct et de l'accoutumance que d'autre chose. Avec les êtres humains on passe à un autre niveau. ![]() L'individu qui se trouve au pied d'un immeuble, qui doit atteindre un certain étage, qui a le choix entre l'ascenseur et l'escalier se trouve confronté à un problème de coût. Peut-être restera-t-il une heure à s'interroger, peut-être fera-t-il son choix machinalement sans même y songer. ![]() Le problème est simple si on le ramène aux trois solutions qui s'of-frent : l'ascenseur, l'escalier ou l'abandon. Il se complique si l'on prend en considération les éléments qui interviennent consciemment ou non dans la prise de décision. Quel est l'étage à atteindre ? Est-il même connu ? Notre homme est-il en bonne santé ? Vieux ? Fatigué ? Cul--de-jatte ? Quelle est la hauteur des marches ? La raideur de l'escalier ? La vitesse et la fréquence de l'ascenseur ? L'urgence de la démarche ? ![]() La décision prise ne sera pas économique. Elle sera subjective, di-recte et liée à une situation concrète. Elle n'est pas monétaire. Il ne s'agit pas de savoir pour quelle solution il faudra débourser le plus à condition que l'ascenseur ne soit pas comme cela arrive payant et en-tendu que de toute façon quelqu'un a payé pour son fonctionnement. La rapidité d'exécution peut intervenir dans le choix, elle pourra peut--être devenir déterminante mais cela n'est pas lié à la situation. L'é-conomie de temps l'emportera si par malheur nous sommes tombés sur un pompier. Peut-être préférera-t-il d'ailleurs utiliser sa grande échelle. ![]() Comment appliquer à l'économie ce qui justement reste extérieur à la sphère économique ? C'est un faux problème. Le vrai problème est juste-ment de savoir si l'on peut aller au-delà de l'économie, la dissoudre en tant que sphère séparée. ![]() Il s'agit d'en finir avec l'économie. Cela n'est pas devenu possible parce que soudain nous aurions découvert que l'on pouvait substituer aux méthodes actuelles des procédés plus simples et plus directs . Paradoxalement c'est le développement de l'économie, la socialisation de la production, l'interdépendance formidable des entreprises, la mise au point de méthodes de prévision et de calcul économiques qui permettent cette rupture. ![]() A l'avenir les principes qui guideront nos choix seront aussi simp-les et transparente que ceux que nous pratiquons sans cesse. Il s'agira de réduire les efforts, les peines, les dépenses. Ce ne sera pas le but en soi de la vie sociale mais une tendance au sein et en fonction des projets mis en oeuvre. Peut-être que l'on se fixera des tâches très dif-ficiles et très périlleuses mais on s'efforcera de se les faciliter. Une équipe d'alpinistes peut se lancer à l'assaut d'un sommet difficile sans pour cela accepter de le faire les mains nues. ![]() Principes simples ne veut pas toujours dire méthodes et solutions aisées. Les difficultés proviendront de la nature même et de la comp-lexité des problèmes à régler. Peut-être naîtront-elles aussi de l'in-adéquation des méthodes de calcul à l'objet du calcul ou de la diffi-culté à déterminer les critères de choix. Le risque d'erreur, la néces-sité de se contenter d'approximations ne condamnent rien. De toute fa-çon cela ne constituera pas un recul par rapport au stade présent. ![]() Ce qui vaut aujourd'hui pour l'utilisation de l'escalier ou de l'as-censeur vaudra demain pour leur production et leur installation. Les contraintes objectives entre lesquelles se meut l'utilisateur ne seront plus déterminées économiquement. ![]() Vaut-il mieux construire un escalier, un ascenseur, les deux ou ne rien construire du tout ? Ces questions en impliquent toute une série d'autres. Est-ce la peine de monter ? Ce besoin est-il si important et si fréquent qu'il justifie la dépense nécessaire pour engendrer l'esca-lier, l'ascenseur, la corde ou le coup de pied au cul qui permet d'at-teindre l'étage désiré ? L'on peut renverser la perspective. Doit-on construire des bâtiments en hauteur vu le coût des ascenseurs ? Au con-traire vu le plaisir que procure cette fabrication d'ascenseurs, doit--on multiplier les gratte-ciel ? ![]() La liste des questions à se poser est pratiquement infinie. Voilà qui semble décourageant. En réalité l'on ne s'en posera qu'un nombre réduit. Beaucoup sont écartées par le simple bon sens. Nos alpinistes ne pourront exiger un ascenseur pour leur expédition. Toute décision se fait en fonction d'une situation concrète où tout un tas de questions ont été réglées à priori par les faits. L'habitude nous joue des tours mais nous évite aussi des tracas. Il y a beaucoup de chance que l'hom-me qui était au pied de l'immeuble s'est basé sur elle. L'estimation des coûts prend toute son importance lorsque l'on se trouve face à une situation nouvelle, lorsque l'on amorce un nouveau processus productif. Le problème de la fabrication et de l'installation de l'ascenseur et de l'escalier risque d'être un problème courant qui s'effectue en fonction d'éléments connus. Un cas un peu particulier ou un peu nouveau sera traité comme une modification d'une situation plus classique. ![]() Il existe une hiérarchisation des solutions. Lorsque l'on décide la mise en chantier d'un immeuble le coût des moyens d'ascension, approxi-mativement connu, sera probablement secondaire. Une fois la décision générale prise il faudra bien construire l'escalier, l'ascenseur ou les deux. Les choix qui subsisteront porteront sur la nature et la qualité du matériel. Ces choix ne se feront là encore pas dans l'absolu mais en fonction des produits et des techniques réellement sélectionnés et dé-veloppés dans ce domaine. Tout choix tend à dégager la solution optimum, mais tout choix se fait en fonction d'un certain nombre de contraintes. L'optimum risque d'être lui-même un compromis entre les intérêts des différents groupes concernés. ![]() La fin de la division de l'économie en entreprises concurrentes ne signifie pas que toute la production sociale ne formera plus qu'un seul ensemble coordonné où toute activité serait immédiatement asservie à une autre, où il n'y aurait qu'un seul intérêt commun et où l'estimation des coûts se ferait directement à un niveau global. Pour des raisons humai-nes et techniques les producteurs se fractionneront en groupes dont les intérêts ne seront plus antagonistes mais dont les opinions pourront diverger. Même si les individus passent d'une occupation à une autre, d'un atelier ou d'un chantier à un autre, même si les groupes ne sont pas permanents le fractionnement dans le temps et dans l'espace persis-tera. ![]() La construction d'un bâtiment implique l'entrée en action de diffé-rents corps de métier. L'on peut imaginer qu'avec le communisme l'ar-chitecte se fasse manoeuvre, maçon ou peintre. Cela n'évitera pas, sur-tout si la construction est importante, la division des hommes en équi-pes distinctes et des travaux en phases séparées. Les bâtisseurs se verront dans l'obligation de faire appel à des apports extérieurs. Ils devront peut-être se faire aider et conseiller. Surtout il leur faudra se procurer des machines et des matériaux. ![]() Ces produits venus de l'extérieur comment connaître et tenir compte de leur coût ? Les bâtisseurs peuvent chercher à se faciliter la tâche lorsqu'il s'agit de la répartition et de l'utilisation de leurs propres forces et capacités. Mais lorsqu'ils doivent piocher dans des stocks qu'ils n'ont pas eux-mêmes constitués cela ne vaut plus. Tel matériau dont la mise en oeuvre est plus aisée ou qui apportera plus de satis-faction aux utilisateurs du bâtiment peut cependant être rejeté vu son coût de fabrication. Dans chaque situation il faut que l'avantage obte-nu justifie la dépense pour éviter du gâchis. ![]() Les produits ou même des procédés de mise en oeuvre devront avoir un coût connu objectivement. C'est en fonction de ce coût que les utilisa-teurs feront un choix rationnel. ![]() Est-ce que cela veut dire que chaque produit portera une étiquette sur laquelle son "prix" sera inscrit. La ménagère qui fera son ''marché'' se trouvera-t-elle en face de choux ou de carottes accompagnés d'un indice chiffré ? ![]() Cela serait une triste répétition de la situation actuelle. En règle générale chacun prendra ce dont il a besoin à partir du moment où cela sera disponible et où il n'aura pas connaissance d'une demande plus ur-gente que la sienne. Le calcul des coûts est d'abord une prévision et se traduit directement dans la nature et la quantité des biens offerts. Pas besoin d'une étiquette chiffrée pour exercer une pression, sinon sur le porte-monnaie, tout au moine sur les intentions de l'utilisateur. ![]() Il existe diverses sortes de ciment qui ont actuellement, et qui con-tinueront certainement à avoir, des coûts de production différents. Il serait stupide d'utiliser un ciment deux fois plus cher que celui qui suffirait. Généralement la nature visible du produit ou le mode d'emploi qui l'accompagne suffit à déterminer l'usage souhaitable. Lorsqu'il y aura risque de confusion il suffira de spécifier dans le mode d'emploi la différence de coût entre les différents produite. ![]() Actuellement le travail mort pèse sur le travail vivant, le passé sur le présent. Avec le communisme le coût d'un produit n'est pas l'ex-pression d'une valeur à réaliser, d'équipements à amortir. Cela veut di-re que le coût d'un objet ne représentera pas forcément la dépense qu'il a nécessité. Ni même une dépense moyenne nécessaire pour l'ensemble des produite de son espèce. ![]() Un produit sera affecté du coût auquel il pourra être présentement remplacé. Une hausse ou une baisse de productivité n'aurait aucune rai-son de se traduire par une différence entre un coût de production et un prix de vente. Elle serait enregistrée immédiatement comme telle, y compris pour les objets fabriqués auparavant. Cette variation pourrait se traduire par une expansion de la production concernée si elle devient plus rentable. L'augmentation des investissements n'aura pas pour base un surprofit. ![]() Il peut exister dans la production d'un même produit ou de deux pro-duite similaires des différences de coût. Ces différences peuvent prove-nir du maintien en usage de procédés de fabrication plus arriérés que d'autres. Souvent elles sont déterminées par des conditions naturelles. Les rendements agricoles sont très variables, toutes les mines ne sont pas aussi faciles à exploiter. Est-ce que cela veut dire que des produits semblables se verront affectés des coûte différents ou que se dégagera un coût moyen valable pour tous, comme aujourd'hui un prix de marché mo-yen a tendance à se dégager ? ![]() Il sera très important que les différences de coût soient connues. Nais cela n'affectera pas les utilisateurs de ces produite. Les uns ne seront pas pénalisés et les autres avantagés. Simplement on essaiera de développer les procédés de fabrication les plus avantageux. ![]() Si l'augmentation d'une production signifie une baisse de rentabilité cela ne veut pas dire qu'elle soit forcément à écarter. D'abord parce que cette baisse de rentabilité peut être un phénomène passager et tran-sitoire. Ensuite parce qu'il faut juger de l'importance des besoins à satisfaire. Ainsi en ce qui concerne la production de nourriture une augmentation signifie souvent un rendement décroissant. On met en cultu-re des terrains moins fertiles. Ce n'est pas une raison pour refuser de nourrir une partie de la population et se lancer dans des activités où la rentabilité s'accroît. ![]() Les rendements décroissante peuvent d'ailleurs n'être tels qu'à court terme. Semer dans un désert n'est pas très prometteur mais des investis-sements très importante, la mise en oeuvre de procédés d'irrigation et de méthodes culturales nouvelles peuvent changer bien des choses. Tel désert brûlé par le soleil une fois irrigé, telle ferme marine risque de l'emporter sur des terrains traditionnellement fertiles. ![]() Ce qui semble irréalisable aujourd'hui sera demain possible. Les techniques modernes au lieu de profiter à la course aux armements servi-ront à fertiliser les déserts. ![]() A partir du moment où la demande d'un bien augmente cela risque d'entraîner une baisse ou une hausse de coût pour les nouvelles unités à produire. Une baisse tendra à augmenter la demande de ce produit. Si au contraire il y a hausse il s'agit de savoir quand le coût commence à devenir prohibitif. Dans ce cas il faut déterminer si c'est la dernière demande qui doit être écartée ou au contraire si on doit la satisfaire en abandonnant ou en réduisant d'autres demandes. ![]() |