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Un Monde Sans Argent : Le Communisme
VII. Insurrection et Communisation



L'ARMÉE

Il est courant de se représenter la révolution comme le heurt entre deux armées. L'une aux ordres des privilégiés et des exploiteurs, l'autre au service des prolétaires. La révolution est ramené à une guerre. L'enjeu c'est la prise du pouvoir et le contrôle des territoires. C'est une vision dangereusement fausse. Elle s'appuie sur le souvenir des combats des guerres civiles russe et espagnole ainsi que sur les guerres de libération nationale.

Même si à tel ou tel moment, dans telle ou telle circonstance l'action révolutionnaire prend une tournure militaire : interventions de commandos, raids aériens... cela ne changera rien à la nature profonde et au caractère global du conflit.

Voir la révolution comme un affrontement entre armées rouge et blanche ne serait pas communiste mais de plus serait débile, vu la disproportion des forces militaires en présence. Offrir une guerre au capital, ce serait rentrer dans son jeu.

L'armée et la police forment le dernier rempart du capital. Leur action peut s'exprimer directement par la destruction des hommes et des choses mais aussi en créant et en entretenant une situation de pénurie propre à développer l'égoïsme, la peur et lés autres vieux réflexes. Cela dresserait les populations nécessiteuses contre les révolutionnaires fauteurs de troubles et tendrait à ranimer les mécanismes marchands.

L'armée peut être utilisée pour faire marcher et contrôler certains secteurs stratégiques de l'économie.

Par sa nature hiérarchisée qui élimine la discussion et la contestation au profit de l'obéissance et de la discipline, par sa fonction et son idéologie patriotique l'armée tend à être un corps conservateur.

Mais la contre-révolution militaire a des failles.

L'impression de sécurité et le sentiment de leur bon droit que les militaires retirent de leur ghetto et de leurs breloques risquent d'être vite atteinte si ils ne peuvent se justifier et se renforcer dans l'affrontement avec une armée adverse sur un champs de bataille bien délimité. Il faut empêcher l'armée de fonctionner comme armée, lui opposer la fluidité dissolvante du communisme. Il s'agit de paralyser, de contaminer, de diviser, de disloquer les forces militaires.

Nos interventions armées doivent accompagner de près notre action de destruction et de reconstruction sociales. L'usage de la violence ne doit pas devenir une activité autonome et qui s'autojustifierait. Il sert à bloquer et à débloquer des situations directement en fonction de la communisation qui lui fournit sa justification mais aussi sa force.

On ne se méfiera jamais assez durant ou avant une phase insurrectionnelle de la violence séparée, du terrorisme. Les révolutionnaires s'y trouvent pris dans un engrenage de lutte et de riposte d'où le communisme finit par être absent. Lorsque la violence devient une violence pour le communisme et non plus accompagnant le communisme, lorsqu'elle se vide de son contenu immédiat, cela permet toutes les provocations. Il est facile de commettre des meurtres ou des attentats et de les mettre sur le dos des révolutionnaires.

Par la transformation immédiate et radicale de l'organisation sociale il faut couper l'herbe sous les pieds aux militaires en les privant d'une chose à défendre. L'armée est un instrument, elle ne peut pas tout par elle-même en tant qu'organisation de la violence. On peut tout faire avec une baïonnette sauf s'asseoir dessus.

Il existe à gauche un préjugé favorable aux intellectuels et défavorable aux militaires. Lorsqu'il s'agit de révolution l'on pense tout naturellement que les premiers se rangeront à ses côtés et les seconds contre elle. D'un côté l'intelligence, de l'autre la force aveugle.

L'histoire a montré la part d'erreur que ces préjugés contiennent. Depuis la Commune de Paris où le colonnel Rossel est passé au côté des insurgés et a été fusillé pour ça, et où les écrivains progressistes G. Sand et E. Zola ont craché sur ces mêmes insurgés, de façon régulière une partie des forces armées est passée au côté de l'insurrection et une partie non moins notable de l'intelligentsia s'est dressée contre elle.

La révolution est ainsi que lorsqu'elle survient elle effraye parfois ceux qui la souhaitaient et ravit ceux qui la redoutaient.

L'armée forme un corps assez autonome dont les valeurs sont en partie étrangères aux valeurs proprement bourgeoises et mercantiles. La classe bourgeoise n'est pas à même comme la classe féodale de prendre en main sa propre défense. Elle s'en décharge sur l'armée ou la police. Même si une partie des dirigeants de l'armée identifie complètement ses intérêts à ceux de la classe dominante il n'en existe pas moins une contradiction latente entre les intérêts et les comportements des militaires et ceux de la bourgeoisie.

Il ne faut pas croire que l'armée ou une partie de l'armée va spontanément et facilement se ranger au côté de la révolution. Cela ne pourra arriver qu'en fonction même du développement de la révolution et de sa pénétration dans l'armée. L'armée deviendra révolutionnaire dans la mesure où sous la pression des soldats et des officiers la toute puissance de la hiérarchie sera remise en cause et l'obéissance aveugle condamnée.

Les révolutionnaires ne doivent faire aucune concession au militarisme. Il faut montrer aux militaires qu'ils ne se battent pas pour leur propre compte et encore moins pour le compte de la Nation. Il faut montrer que leurs idéaux sont sapés par le mouvement du capital. Il faut aussi montrer que les militaires en tant qu'hommes et avec leurs capacités et qualités propres ont leur place dans le mouvement communiste.

Notre but est la destruction de l'armée. Il faut espérer qu'il pourra se réaliser avec le moins d'affrontements possibles avec les militaires. Peu à peu les groupes armée nouvellement constituée ou ralliés perdront leur caractère propre en participant aux tâches productives et aux conseils de travailleurs.

La révolution ne doit pas méconnaître sa force et perdre des possibilités d'intégrer à ses forces en les transformant des organes de répression de l'ancienne société. Le flic peut être tout disposé à servir ce qui ne lui apparaît plus comme la subversion mais comme la nouvelle autorité. On peut même espérer que certains ne voudront plus être des larbins.

De toute façon les révolutionnaires et les prolétaires ne doivent pas laisser à d'autres le monopole de l'armement. Cette question de l'armement du prolétariat sera un test pour juger de la valeur du ralliement de militaires à la révolution.



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