English Version of this Biography
MARIE DE L'INCARNATION (1599-1672)
Son itinéraire spirituel
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DES QUAIS DE LA LOIRE AUX RIVES DU ST-LAURENT
par Hermann Giguère, professeur à l'Université
Laval
(article paru dans la revue de spiritualité SELON
SA PAROLE, vol.12, numéro 5, 15 mai 1986)
Marie Guyart (c'était le nom de famille de Marie de l'Incarnation),
née en 1599, épousa en 1617 Claude Martin, un fabricant de
tissus et de soieries à Tours en France dont elle eut un fils qu'on
prénomma Claude comme son père. A 20 ans, elle était
veuve. Son mari était mort en lui laissant son enfant à élever
et une entreprise sur le bord de la faillite.
Premières grâces (1599-1619)
Marie Guyart, comme beaucoup des ancêtres québécois,
était de constitution robuste et ne se laissait pas écrasée
facilement par les problèmes. Elle prit en main l'entreprise de
son mari, régla les dettes, liquida les biens et se retira chez
son père avec son jeune fils. Plusieurs prétendants se présentent.
Elle préfère attendre avant de se remarier. Elle se consacre
à son fils et à son vieux père. Pendant cette période
plus calme de sa vie, elle voit son goût de Dieu se développer.
Déjà dans son enfance , elle nous raconte qu'elle avait une
'pente au bien' et qu'elle aimait bien rendre service autour d'elle. Maintenant
qu'elle est plus libre, elle va suivre de plus ce penchant.
Les étapes unitives (1619-1631)
Un matin de mars 1620, le 24 mars plus précisément,
alors qu'elle s'en va à la messe , elle fait une expérience
bouleversante. Elle n'avait jamais saisi dans le fond d'elle-même
que Dieu l'aimait telle qu'elle était, qu'il avait donné
son Fils pour son salut. Ce matin-là, elle se voit comme plongée
dans le sang du Christ. A 55 ans , elle se rappelle encore ce jour comme
celui d'un nouveau départ dans sa vie " Je m'en revins à
notre logis, changée en une autre créature, mais si puissamment
changée que je ne me connaissais plus moi-même" écrira-t-elle
à son fils en 1654.
Dans les années qui suivent , Marie met de côté
les projets de mariage. Elle accepte d'aller aider sa soeur et son beau-frère.
Elle fera tous les travaux ménagers, elle s'occupera des employés
malades et finalement elle dirigera l'entreprise de son beau-frère
lors de ses nombreuses absences. C'était une entreprise de transports
de marchandises par bateau sur la Loire. "Quelquefois, écrit-elle,
il était minuit que j'étais sur le port à faire charger
ou décharger des marchandises. Ma compagnie ordinaire était
des crochetiers, des charretiers (nous dirions aujourd'hui des débardeurs)."
Par toute cette vie assez occupée, Marie Guyart ne se sent
pas éloignée de Dieu qu'elle a rencontré. Au contraire,
parce qu'elle peut venir en aide à toutes sortes de gens , les encourager,
les soigner, leur parler de Jésus, elle est sûre qu'elle répond
de cette façon à l'appel de Dieu. Sa rencontre avec le Seigneur
continuera de se faire à travers la vie quotidienne et concrète.
Son fils grandit. Sa vie spirituelle s'épanouit. Elle connaît
des moments pour elle inoubliables en la présence de Dieu dans la
prière comme en 1627 où elle se voit liée à
Jésus comme en un mariage spirituel et mystique. Sa vie n'en sera
pas changée extérieurement. Ce qui comptera encore plus pour
Marie, ce sera de vire l'Évangile de Jésus. Les "maximes
de l'Evangile", comme elle dit, seront là pour la guider où
Dieu voudra.
La vocation missionnaire (1631-1647)
En entrant dans la trentaine, Marie Guyart ne se doutait pas encore
que son amour de Dieu et son goût du service la conduiraient en Nouvelle-France
comme missionnaire dans pays de froidures, de chasses et de commerce de
peaux de castors. Québec à ce moment était un petit
village de 300 personnes à peine. Après être entrée
dans la congrégation des religieuses Ursulines en 1631, tout en
souffrant de se séparer de son fils, elle avait senti que le Seigneur
la préparait à d'autre chose. On lui proposa d'aller en Nouvelle-France
et elle décida d'accepter. Le 1 août 1639, elle débarquait
à Québec avec quelques compagnes. Il fallait se bâtir
un logis, puis commencer à apprendre les langues indiennes, car
le but de ce petit groupe d'Ursulines était l'éducation des
enfants des colons et des jeunes indiennes.
L'état consommatif et permanent (1647- 1672)
Dans cette période de la vie de Marie de l'Incarnation (c'est
le nom qu'elle avait pris en entrant chez les Ursulines), les épreuves
ne font pas défaut comme par exemple l'incendie du monastère
en plein hiver en 1650 dans la nuit du 30 au 31 décembre.
Conclusion
Ce qui nous frappe chez Marie de l'Incarnation C'est qu'elle ne retourne
jamais en arrière. Favorisée d'un grand sens pratique et
d'une confiance inébranlable en Dieu, elle vit ses soucis, son enseignement,
ses responsabilités dans la paix. "Dieu luit au fond de mon
âme, qui est comme dans l'attente" écrira-t-elle en ajoutant
que toutes ses occupations ne lui font pas perdre de vue la présence
de Dieu dans sa vie. Elle est parvenue à une intégration
spirituelle remarquable du service de ses frères et soeurs et de
la communion intime avec Dieu au fond d'elle-même. Après une
brève maladie, elle meurt en 1672. Elle avait voulu de toutes ses
forces contribuer à l'annonce de l'Evangile dans ce nouveau pays
où elle apprit à vivre de façon différente
sa fidélité au Seigneur
Mariée et mère de famille, gérante du commerce
de son beau-frère, éducatrice des enfants sur les rives du
St-Laurent, Marie Guyart s'est appliquée à répondre
de tout son coeur aux appels que le Seigneur lui a fait au cours de sa
vie. Elle a vécu simplement, n'a pas eu peur de prendre de nouveaux
départs et surtout elle s'est attachée à cette lumière
de l'Evangile qui l'a soutenue et réjouie bien souvent. "Dieu
ne m'a jamais conduite par un esprit de crainte, mais par celui de l'amour
et de la confiance" dira-t-elle en 1668, quelques années avant
sa mort.Elle a été déclarée bienheureuse par
le pape Jean-Paul II, le 22 juin 1980. Sa sainteté est ainsi reconnu
de façon officielle par l'Eglise. On peut souhaiter qu'un jour elle
devienne comme Thérèse d'Avila et Catherine de Sienne Docteur
de l'Eglise.
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