[ lundi 19 août 2002 ] [ 13:50 ] [ sacs et ressac ]
J'ai guéri mes obsessions, c'est vrai. Il a fallu de presque rien, quelques semaines et leur travail d'oubli en lequel je ne croyais plus. Je me suis guéri à grand renfort de diesel et de vitres ouvertes, à grandes louches de contacts humains ou quelques choses qui y ressemblent. Obsession d'hier, il devient de plus en plus flou, de plus en plus flou parce que je l'y pousse de toutes mes forces, dans l'arrière-cour de mes pensées, dans le débarras de mes jours. Objectivement presque rien, presque rien dans le temps, pour m'en guérir finalement.Débarrasser le plancher de mes rêves fous qui ne tenaient qu'à un trop plein de sensualité. Balayer à grands coups de raison et de relativité. En n'écoutant pas ces musiques-là, en ne lisant pas ces livres-là, en ne regardant pas dans cette direction-là. Ca peux sembler facile. Je peux même me trahir moi-même en disant que ça l'est. J'ai rangé mes obsessions dans le grand tiroir. Je pourrais m'en sortir, si seulement je continue de le remplir. D'autres musiques, d'autres livres, d'autres directions. Ne pas regarder dans cette direction-là, celle qui voulait m'aspirer, ne pas regarder dans cette direction-là, en direction d'un corps que je voulais encore retenir.
Objectivement, presque rien dans le temps, le temps qu'il m'a fallu, le temps d'un été, pour le sortir hors de mon besoin viscéral, pour sortir son image de celle de mon idéal. Objectivement presque rien. Proportionnellement une éternité, un temps monstrueux, des milliers de ciels scrutés par mes déchirures blanches au milieu de mille nuits plutôt qu'une. Proportionnellement aux faits, proportionnellement aux heures de joie, c'était bien cher payé. Mais nous avions le goût du luxe, j'ai dépensé mon âme et mon coeur sans compter. Pour quelques instants ridicules et quelques baisers j'ai versé un salaire de larmes de plus d'un mois en été.
Mais que l'objectivité demeure. Il est facile d'oublier. Mais que mon objectivité demeure. Il est fragile d'oublier.
J'entends ses pas se rapprocher avec les jours. Et ma raison m'osculte de part et d'autre de mon instabilité. J'entends ses pas se rapprocher. Et bientôt viendra l'heure où il sera plus facile de subir que de décider. Subir une absence plutôt que de la décider. Subir un refus plutôt que de se l'imposer. J'entends ses pas se rapprocher, même s'ils me laissent quelques temps encore pour mesurer la force de ma liberté. Pour endurcir cette liberté que je m'acharne sans cesse à apprécier. Pour la choisir, elle, cette liberté qui ne se nourrit d'autre envie que de l'envie d'elle-même. J'entends ses pas se rapprocher, et tantôt je fuis, tantôt je m'assieds, attends d'être retrouvée. Tantôt je voudrais décider, tantôt je voudrais subir. Tantôt décider de baisser les bras, les yeux et les mains, tourner le dos à son corps et son jeune âge qui narguent mes vingt-trois ans et me font me haïr de n'être pas autre. Tantôt subir sa fougue, sublime et téméraire, et la fierté d'un instant de faire partie d'une destinée toute autre, faire de quelques heures un roman, pour subir finalement le manque et l'abandon, recommencer à zéro la négation, l'envie et le choix de l'oubli, ne pas écouter ces musiques-là, ne pas lire ces livres-là, ne pas regarder dans cette direction-là. Ne même plus la voir, cette direction-là.
Quel courage aurai-je, lorsque ses pas reviendront jusqu'à moi? De quelle force vais-je me nourrir, de celle d'aimer ou de celle de fuir?
Bien sûr les personnages seront héros quel que soit le choix, quel que soit l'issue. Et alors pour tenir bon encore je me dirai héroïne, si je fuis et me retrouve, ou m'élance et me perds. Quelle que soit l'issue il y aura encore une autre page à écrire, une autre page à en écrire. Qu'il y ait mon amer sourire à une volonté assez grande pour le fuir, qu'il y ait des larmes pendant des nuits, des mois, quelle que soit l'épisode qui m'aura mené jusque là, il y aura encore des pages à en écrire.
Comment puis-je encore me laisser submerger par l'incertitude lorsque la seule chose que je sois sûre est de ne pas vouloir me reconnaître dans ces chansons-là, surtout pas lorsqu'elles lui disent attends-toi à ce que je me traîne à tes pieds. Je veux tellement pas retourner à ça.