[ mercredi 3 juillet ] [ 11:51 ]
Dans l'excès du bonheur, lire est bien difficile. Cependant on s'ennuie à la longue, si l'on ne lit pas.
- Stendhal-
Il était 11h31 ce matin lorsque le téléphone a sonné. La fenêtre ouverte on peut entendre ici le bruit de la pluie sur les pavés d'une rue qui veille sur les passants, de l'aube au crépuscule. La fenêtre ouverte on peut voir le ciel blanc immaculé d'un jour de juillet humide et frais. Il était 11h31 ce matin lorsque j'ai su que c'était lui. Lui qui a reçu ce matin la lettre dans laquelle j'avais mis hier mon coeur et mes souvenirs. Parce qu'il y a trop de regrets dans ce que j'écris, il y a un bout de mon coeur et quelques jours de ma vie que tu es le seul à savoir... Cette lettre je l'ai baladée au fond de mon sac hier, en lorgnais l'enveloppe en payant mes cigarettes, en souriais en marchant tête haute dans la ville, tête haute, ce n'est pas si souvent, non, ce n'était qu'hier, avec cette lettre au fond de mon sac. Je l'ai glissée presque sur la pointe des pieds, les baskets mouillées par les flaques d'eau sur les trottoirs. Avais du mal à cacher ce sourire naissant sur mes lèvres alors que je revenais sur mes pas, cette lettre qui n'était plus dans mon sac, qui signifiait que je venais d'écrire la dernière page d'une aventure, ou bien la première page de quelque chose qui ressemblerait à de l'amitié ou bien à une forme d'amour, quelconque, ou pas...
Il était 11h31 ce matin lorsque j'ai su qu'à cette seconde précise j'allais entendre sa voix. Cette voix que je n'avais pas entendu depuis 3 ans. Cette voix, je l'ai reconnue, sortie de ce que j'avais pris pour un rêve, pour une illusion, maintenant ce qu'il reste d'une aventure bien réelle, au-delà du passé, bien réelle dans la reconnaissance du présent.
Je n'avais pas signé. M'espérait-il? Attendait-il que ce soit moi et non pas quelque autre fille joueuse et intrépide? Qui imaginait-il derrière ces mots? Ces mots, ils lui avaient mis le doute, il n'était pas bien sûr. Mais ces mots l'avaient touché, il ne cessait de le répéter. Ces mots, les miens, entre ses mains. Qui es-tu? Qui es-tu... Sur le bord de la fenêtre ouverte j'avais un peu le vertige. Etait-ce ici? Non, ce n'était pas ici. Etait-ce là-bas? Oui. Oui. Oui. Je lui dis que je suis désolée si c'est dingue, désolée si c'est n'importe quoi, n'importe quoi sauf raisonnable. Il me demande si je pense avoir fait une erreur. Je lui dis que je doute. Que ce matin en ouvrant les yeux j'ai peut-être regretté, ces choses-là ne sont font pas, tellement pas. Il dit qu'il m'a croisée, souvent, dans ce café. Je lui dit que je suis au courant...ironique. Il dit qu'à chaque fois il se demandait si je me souvenais de lui. Parce que lui se souvenait. Peut-être pas moi. Comment avait-il pu inventer une chose pareille... Il me demande quand je m'en vais. Demain. Demain... Il dit qu'il a envie de me voir. On sait qu'il n'y a qu'aujourd'hui. Aujourd'hui... Demain il sera trop tard. Il dit en fin d'après-midi. Je lui dit à tout à l'heure. Je raccroche et m'écroule, entre rire, sourire, des milliers de particules d'adrénaline se promènent et s'amusent dans mes veines, ecstatic... J'ai quinze ans dans mon coeur. J'ai mal au ventre je rallume une cigarette et c'est pire et je balance les factures laisse un message sur le répondeur d'une amie et descend dans la cuisine et m'adresse toute seule dans le silence à celui qui m'a fait du mal l'homme qui m'a trahi hier et lui dit même s'il n'entend pas lui dit tu vois l'amour ça ressemble un peu à ça un peu plus à ça que toi et moi et notre passion dévorante qui n'est qu'une passion dévorante tu vois, l'amour c'est un peu ça.
Une aventure d'il y a trois ans qui se reconnait après tout ce temps. Un jour de juillet pluvieux comme celui-ci se retrouver face à face et briser le silence.
Peu importe ce que les gens vont penser, peu importe être jugée, peu importe ceux que je connais et ceux que je ne connais pas, peu importe la morale et les lois, j'ai tant regretté de m'être fait un jour imposer un choix. Il y a tant de choses à lui dire, ou bien pas tant que ça, mais l'avoir près de moi, une heure ou deux en ce jour...retourner trois ans en arrière sans plus se soucier des regards qui gâchaient notre ciel. Sans plus se soucier de ce qu'il y a de bien ou de bon à faire. Savoir saisir la chance d'un peu plus de folie pour un peu plus d'amour, ou quelque chose qui y ressemble. Pour un peu moins de regrets pour plus jamais de trahison. Je serais capable. Je serais capable de tant de choses, de déchirer tant de papiers, de repousser mes départs, et je ne dirai jamais, jamais, que c'est trop tard. Rien n'est jamais trop tard puisque dans ces instants où rien ne se passe, rien ne se dit, où pour moi le temps semble s'arrêter, ces putain de moments où l'on sait que l'on s'est connus, qu'un jour il y a longtemps, on était ensemble, nous étions deux à se reconnaître, à reconnaître un passé que chacun de nous souhaitait faire renaître.
A-t-il le même sourire aux lèvres que moi pendant que j'écris cette page-là? Craint-il autant qu'il attend ce moment tout comme je le fais?
Me retrouver seule avec lui et oublier le monde, et oublier la terre entière, ne plus avoir peur, ne plus avoir peur du regard des autres, comme dans ces romans où les femmes assument d'un sourire éclatant une histoire décalée, interdite, lorsqu'elles s'élancent vers cet autre qui se tient fier et beau des quelques années qui les séparent, lorsque les amants se retrouvent à la frontière du bien et du mal, à la frontière des possibles. Mon possible. Mon bout de rien. Je le laisserai devenir mon tout le temps d'un café, le temps d'une rencontre.
Je n'aurai qu'à me dire que c'était hier, nos jeux fabuleux, que c'était hier, que ce n'en est que la suite, et pas le début, pour ne pas trembler, pour ne pas le craindre. Je n'aurai qu'à me dire que le temps s'est arrêté entre ces deux moments, que l'on se retrouvera tel que l'on a été, dans la flamme l'un de l'autre. Et puis que c'est une belle histoire. Que si l'on en est là tous les deux aujourd'hui, alors cette aventure d'un été n'était ni une erreur ni un pêché. Parce que tout, absolument tout nous a séparé. Trois ans. Et aujourd'hui, contre vents et marées, et un peu de pluie aussi, nous allons nous retrouver.
[ 14:50 ]
Je voudrais que le jour ne cesse jamais, dans cette attente du meilleur. Je voudrais restée pour toujours allongée là, la musique à fond dans mes oreilles et un sourire à vous casser des montagnes.
Et puis il y a la crainte de décevoir, qui vient toujours ternir les plus beaux moments. Il y a cette assurance qu'on voudrait se donner mais qui nous échappe toujours trop tôt. Il en va ainsi d'un rendez-vous. On imagine, on anticipe, on se demande, on dérive dans une autre sphère, on n'a plus les pieds sur terre. Encore on voudrait rattraper le sol, avoir les idées claires. Mais je suis dans ce brouillard rose comme un ciel d'hiver, même aux prémices de l'été, et je voudrais pouvoir juste me recomposer, pour cette composition improvisée.
Il en est toujours ainsi. Et je sais pourtant que ces instants sont les meilleurs, l'anticipation avant l'action, la déraison avant de se donner raison.
Oh this could be messy - but you don't seem to mind...
Il en est toujours ainsi. On se demande si l'on a bien fait juste avant de se dire que non, non, non, juste encore avant de se dire que c'est la meilleure chose qui pouvait nous arriver.
J'attends l'heure et la pluie n'en finit pas de tomber. Mais j'en suis satisfaite. La pluie lave les doutes, la pluie lave les craintes, me renouvelle à chaque instant.
Funny how... il est le plus jeune de nous deux et c'est lui qui a donné le jour, presque l'heure et l'endroit. Funny how je me suis laissée faire par ce bout d'homme et son assurance, comme celle-ci comble la mienne. Funny how c'était moi hier qui voulait me faire comprendre, et lui ce matin qui me disait Comprends-moi.
Je voudrais pouvoir Vivre en attendant le moment. Mais je ne le peux pas. Je ne peux rien faire d'autre que me laisser entraîner dans l'attente. Sans plus lire, à peine écrire...
[ 23:15 ]
Le toucher froid du clavier sous mes doigts après la douceur de sa peau. Il faut revenir sur terre. Puisque je pars demain. Puisque c'est la raison pour laquelle il n'y aura pas de demain pour lui et moi. Mais il y a l'espoir...mon espoir qu'un jour, on saura quoi en faire, de cette maudite situation. Il dit que je fais partie de sa vie, depuis longtemps pour quelque raison, que je fais partie de sa vie...Il dit que c'est dingue, m'avoir là trois ans après. Il me renvoie mes phrases...Il dit que l'on est dans le flou, dans cette histoire. Que l'on s'entend génial, et le reste n'en parlons pas, que tout irait bien, sauf que l'on ne sait pas, où ça irait lui et moi. Il dit qu'il est encore jeune... Il dit que l'on se reverra, c'est certain. Et il me prend dans ses bras, et me prend la main, après m'avoir volé le corps et le coeur. Je sais qu'il est sincère, je sais qu'il est honnête, je sais que peut-être un jour il deviendra comme les autres, mais pour l'instant il ne l'est pas. C'est peut-être pour celà que je lui donne tout ce que j'ai de bien, mon âme et mes mots.
Je ne me sens plus la femme que je me sentais être il y a trois ans.
Il y a trois ans entre ses bras je me sentais forte, tellement au-dessus de nos circonstances.
Mais ce soir dans cette maison immense et magnifique, la joue contre sa peau je me sentais comme une gamine paumée qui espère toujours plus qu'elle n'aura, qui espère en secret que l'histoire l'attendra. Je me sentais faible, et lui tellement fort, tellement plus fort que moi. Il y a trois ans, j'aurais été celle qui veillerais sur lui, et aujourd'hui, c'est lui qui veille sur moi. Lui qui me rassure, lui qui me projette vers mon destin, me dit que ce sera bien, me dit qu'il en est certain, lui qui m'a à peine connu, et semble si bien me connaître finalement. Mais je ne veux pas partir et il le sait. Je ne veux pas m'en aller de ses bras et il le sait. Mais on se dit à bientôt et je m'en vais. C'était bon de t'avoir à nouveau près de moi. C'est là tout ce que l'on peut se dire maintenant qu'aujourd'hui est fini et que demain approche à grands pas. On se dit à bientôt et je m'éloigne, et de la main il m'envoie un baiser, et ce baiser-là je l'ai mis dans mon coeur, l'y ai enfermé, et peut-être je le ressortirai dans mes nuits d'été. Quand j'aurai besoin d'un peu de lui, mon plus merveilleux souvenir, dans mes hauts et mes bas et mes heures sombres. Quand j'aurai besoin de savoir qu'il existe. Aujourd'hui après trois ans, il a fait partie de ma réalité.
C'est pas si mal...pas si mal...