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DOSSIER : la terminologie (Mai 2000)

 

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Traduction et terminologie à l'ESA (1)

Article de Laure Brissaud.

Introduction

En vertu de sa convention, l’Agence spatiale européenne (ESA), organisme de recherche et développement créé en 1975, a pour mission " d’assurer et de développer, à des fins exclusivement pacifiques, la coopération entre Etats européens dans les domaines de la recherche et de la technologie spatiales et de leurs applications spatiales, en vue de leur utilisation à des fins scientifiques et pour des systèmes spatiaux opérationnels d’applications ". A cette fin, l'Agence élabore un plan spatial à long terme et peut décider d’européaniser des programmes lancés à l’échelon national par ses États membres.

Les domaines de compétence de l'Agence sont nombreux : recherche scientifique (astronomie, astrophysique, recherche en microgravité, sciences de la Terre), programmes de technologie et applications : télécommunications, télédétection pré-opérationnelles, moyens de transport spatial, missions habitées et astronautique.

A ce jour, l'ESA compte 15 États membres (2) auxquels s’ajoute le Canada qui a statut d’État coopérant. On y pratique 3 langues officielles, l’anglais, le français et l’allemand. Sur un effectif total de 1 700 à 1 800 agents travaillant dans les différents établissements (situés à Paris, à Noordwijk - près d’Amsterdam, à Darmstadt, à Frascati
- près de Rome, à Kourou et dans quelques stations sol installées dans d’autres États membres), la Division de traduction, installée au Siège, ne compte qu’une vingtaine d’agents. Quatre traducteurs français et russes travaillent en outre à Noordwijk. Les interprètes travaillent en indépendants.

La terminologie au service de la traduction

Les traducteurs et leurs réviseurs, qui traitent toutes sortes de documents, ne sont pas spécialisés. La charge de travail la plus importante incombe aux traducteurs français, les textes étant dans la grande majorité rédigés en anglais. Quant aux traducteurs allemands, ils ne traduisent pas l’ensemble des documents soumis à l’examen des représentants des États membres. Comme dans nombre d’organisations internationales, les rédacteurs écrivent rarement dans leur langue maternelle, les traducteurs font donc œuvre de critiques sur les documents originaux et s’efforcent d’en supprimer les ambiguïtés.

Terminologie : Bref historique

Dans les années 70, la Division de traduction comptait une terminologue. Après suppression de son poste, et faute de temps et d’autres moyens, les traducteurs n’ont pratiquement pas pu enrichir le fonds terminologique (fichier dactylographié) pendant plusieurs années. Cependant, ils pouvaient se servir du Recueil de terminologie spatiale publié par l'Agence en 1982 . Cet ouvrage était le fruit d’un travail commencé dans les années 70 à l’ESRO (3) par les traducteurs des trois sections (allemande, anglaise et française) et enrichi par un traducteur de Noordwijk. Ce recueil comprend un bon nombre de définitions, d’explications ou d’illustrations. Il présente à notre avis un intérêt particulier : les définitions données pour un même terme sont différentes dans les trois langues, ce qui apporte un complément d’information et recouvre sans doute nos diversités culturelles. Une fois épuisé, le glossaire n’a pas été réimprimé malgré les nombreuses demandes de l’extérieur, mais on a pu continuer à le consulter en ligne.

Moyens terminologiques actuels

L'ASE n’ayant pu rétablir le poste de terminologue, la Division a désigné un des traducteurs pour reprendre le travail de terminologie et transférer les fichiers dactylographiés sur un support informatique. Après quelques tâtonnements et l’essai d’une base de données très rudimentaire, la Division a acheté le programme Multiterm mis au point par la société Trados. La première version sous DOS a été abandonnée au profit de la version Windows Multiterm 95+ exploitée en réseau local dans la Division. Grâce au succès commercial de ce programme, il nous est possible d’importer les bases de données terminologiques d’autres organismes (EUROCONTROL notamment) et d’exporter la nôtre moyennant réciprocité.

Cette année, la Division projette de verser aussi rapidement que possible sa base de données sur le réseau interne de l'ESA et, si la version " Web " du programme Multiterm donne satisfaction, de la diffuser sur son réseau public.

Base de données actuelle

La base de données contient pour partie le fonds constitué à l’ESRO dans les années 60 et 70. Elle se compose actuellement d’environ 17 000 fiches, le plus gros en anglais/français. Depuis l’été 1999, elle s’est enrichie de données en russe. Comme l'ESA, la Russie participe en effet au programme de station spatiale lancé en 1984 par les États-Unis ; on sait d’autre part que l’URSS, pendant les années de la Guerre froide, avait accumulé un savoir-faire irremplaçable et réalisé des prouesses dans le domaine spatial.

Sources et méthodes

Le travail terminologique étant fonction des besoins de la traduction et du temps disponible, il ne suit pas une méthode unique ou systématique. Les traducteurs peuvent utiliser plusieurs sources de renseignement : électroniques et humaines.

Nous utilisons les sources documentaires sur Internet, des dictionnaires en ligne et les bases de données d’autres organismes qui, en vertu d’accords tacites d’échange de données, sont mises à la disposition de l'ESA sur un site des Nations Unies. En effet, cette organisation a pris l’initiative de créer un site contenant les bases de données de toutes les instances internationales qui ont accepté de verser leurs données dans un fonds commun. Les interfaces électroniques n’étant pas encore au point, ce site n’est pas facile d’emploi.

Nous utilisons beaucoup la base de données canadienne, Termium, pour laquelle nous envoyons, depuis 1997, des propositions d’ajouts ou de modifications.

Ce sont les membres du personnel qui rédigent ou supervisent les textes à traduire qui sont à notre avis nos sources d’information les plus précieuses.

Le travail de terminologie incombe surtout aux traducteurs français, sauf sur le transport spatial (4) ; dans ce domaine en effet, les textes sont souvent rédigés en français. Le principal problème rencontré en néologie française est lié au fait que chercheurs et ingénieurs travaillent et publient le résultat de leurs travaux en anglais. La traduction des termes nouveaux demande donc un effort particulier, d’autant plus que, dans notre expérience, les articles de vulgarisation en langue française se font plus rares. L’Internet ne contient pas non plus autant de documentation française que nous pourrions le souhaiter.

Grâce aux moyens électroniques de communication interne
- et au téléphone - il nous est possible de travailler avec les chercheurs et ingénieurs de l'Agence. Ce sont eux qui, le plus souvent, inventent les néologismes. Dans certains cas, les premières traductions des termes ne sont pas définitives et tiennent plus de la définition ou de la description que de l’invention d’un terme proprement dit. On crée souvent aussi, dans un premier temps, des équivalents " transparents " des termes d’origine. Dans la plupart des cas, ce sont les traducteurs qui, après consultation de sources fiables ou des rédacteurs, transmettent des projets de fiches qui sont alors mises en forme par la gestionnaire de la base de données.

Les traducteurs devant se tenir au courant de l’actualité technique, la lecture des coupures de presse diffusées aux membres du personnel et des revues en circulation sont un autre moyen d’enrichir notre base de données. Les articles étant tirés de la presse de plusieurs pays européens, il est possible d’enrichir la base de données ou de contrôler les fiches existantes dans nos trois langues.

En outre, l’équipe de traduction française a fait un solide travail de révision et d’enrichissement de la base de données au cours des années 90 en se réunissant régulièrement. Ces réunions sont un lieu d’échange d’idées utiles permettant d’améliorer la qualité des fiches.

La base de données étant régulièrement mise à jour, les néologismes sont revus et corrigés. Il arrive que l’on mette plusieurs mois ou quelques années à trouver un terme qui contente tous les intéressés et qui ait une chance de trouver place dans le vocabulaire technique et scientifique français ou allemand. Toutefois, même dans le cas où les premières traductions sont satisfaisantes, certains termes sont modifiés au gré de la mode, qui joue aussi dans notre domaine.

L’une des difficultés posées par la néologie est que, par crainte d’ambiguïté, les ingénieurs n’acceptent pas toujours d’ajouter de sens nouveau à un terme existant. Il préfèrent créer un terme univoque. Le seul exemple a contrario que nous connaissions concerne les mots alunir et alunissage qu’il a été recommandé de supprimer de l’usage malgré leur commodité. Il est donc désormais recommandé aux francophones de dire " atterrir sur la Lune " ou de parler " d’atterrissage sur la Lune ", termes curieux puisqu’à notre connaissance il n’y a pas de " terre " sur notre satellite.

Comme celui de l’aviation, le langage astronautique a fait, et continue de faire, de nombreux emprunts au domaine de la navigation, qu’il s’agisse des moyens d’observation ou d'exploration de l’espace, de navigation interplanétaire ou des textes juridiques internationaux. Mais, autre curieux exemple de mode terminologique – et simple anecdote – le mot " spacecraft ", d’abord traduit par " vaisseau spatial ", se dit maintenant " véhicule spatial " en français. Par effet d’aller-retour entre les langues, les anglophones utilisent eux aussi le terme " space vehicle ", celui de " spacecraft " étant désormais réservé aux satellites et aux sondes d'exploration.

Le travail le plus intéressant, la rédaction de définitions, est celui que l’on fait le plus rarement. Il faut se contenter de créer des fiches contenant pour seules informations les termes en deux ou trois langues, la source et le contexte. Les traducteurs de l'Agence ayant rarement une formation d’ingénieur, pouvoir disposer de définitions ou de descriptions nous permet d’éviter de faire des erreurs. Là aussi, les ingénieurs et chercheurs de la maison sont sollicités et on arrive dans ce cas à faire un travail de lexicographie.

Normalisation

Si la terminologie est avant tout un " outil d’aide à la traduction ", la diffusion de notre base de données sur le réseau interne de l'ESA nous offrirait le moyen d’harmoniser et de normaliser notre vocabulaire. Dans le projet de mise en réseau cité plus haut, le glossaire en ligne contiendrait une boîte à lettres qui nous servirait à recevoir critiques et suggestions des spécialistes. Cela nous permettrait d’améliorer la qualité de notre outil et de normaliser la " langue " de l'Agence. En effet, si les rédacteurs de nos textes pouvaient facilement consulter le glossaire, les termes et expressions inscrits dans la Convention ou dans d’autres textes juridiques et financiers de référence ne subiraient pas, on ose l’espérer, de métamorphoses accidentelles et sources d’erreurs.

(1) L'ESA résulte de la fusion de deux organismes européens créés dans les années 1960 : l’ESRO/CERS avait pour mission d’établir et de promouvoir la collaboration entre États européens dans le domaine de la recherche et de la technologie spatiales à des fins exclusivement pacifiques, l’ELDO/CECLES celle de développer un lanceur qui permette à l'Europe de ne plus dépendre des moyens américains et du bon-vouloir des États-Unis.

(2) Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède et Suisse.

(3) ESRO scientific and technical aerospace glossary – mai 1973 – Oxford computer services Ltd

(4) En matière de transport spatial, la collaboration des interprètes nous est précieuse : ils assistent aux principales revues du lanceur Ariane et aux lancements.

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Traduction et terminologie à l'ESA

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