Observations

Anecdotes quotidiennes en lien avec l'écriture.

Pour les fins et pour les fous

Il y a ces gens chez qui vous allez parfois. Arrive un moment où vous avez besoin d'écrire. Vous demandez un morceau de papier et un crayon, et là c'est tout comme si vous aviez demandé qu'on vous apporte un pou sur un plateau d'argent.

Votre hôte ouvre des tiroirs sans savoir où chercher. Il (ou elle) finit par trouver une vieille facture de livraison à domicile, agrafée au menu du restaurant. Il (genre neutre) vous demande : « Est-ce que c'est correct ? »  Vous acquiescez, réclamant à présent de quoi écrire. Alors les recherches se poursuivent. Votre hôte trouve enfin un stylo à bille. Il vous le tend. Ça n'écrit plus. Alors les recherches recommencent.

Après avoir fouillé tous les tiroirs, on trouve, par miracle, un vieux crayon de plomb qui porte des marques de morsures, une véritable relique. Encore faut-il un taille-crayon, car la mine est cassée. On vous donne un canif — ça, on sait où ça se trouve —, ou encore, à défaut d'un canif, un couteau à steak. Et tandis que vous commencez à griffonner ce qui vous est venu en tête — si vous ne l'avez pas déjà oublié —, vous vous sentez presque gêné(e) d'avoir donné tant de mal à votre hôte, qui, lui ou elle, se sent bien mal de n'avoir pas tout à fait ce qu'il vous faut (ou fallait).

Hé non, ça n'est pas tout le monde qui dispose d'outils pour écrire, même si tout le monde (ou presque) a fréquenté l'école. Vous devinez bien que, chez moi, c'est tout le contraire. Du papier et des crayons, il y en a pour les fins et pour les fous. Des poux et des plateaux d'argent, par contre, ça, n'en cherchez pas.

(2003)

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