LA FORCE DU DESTIN
(Card Captor Sakura, l'origine)
 
 
 

NATHALIE

EPISODE 6
Portés par le vent



L’orage avait éclaté quelques minutes après leur départ, avec une force qui les avait surpris. La pluie battait inlassablement le toit de la voiture, emplissant leurs oreilles d’un "plic-ploc" lancinant. Des éclairs zébraient régulièrement le ciel couleur d’encre. Le brouillard, qui était également tombé sur eux avec une rapidité surprenante, ne leur facilitait pas la tâche. Nathalie était assise à l’arrière. Elle voyait son père, déjà fatigué par sa journée de travail, écarquiller les yeux pour se concentrer sur la route. Il avait réduit son allure et la lueur des plein-phares illuminait la chaussée. Le ronron des essuie-glaces complétait la mélancolique rengaine qui régnait dans l’habitacle.
Philippe battit des paupières et la jeune fille le sentit sur le point de s’assoupir. Elle détacha sa ceinture et le secoua le plus fort qu’elle put :
- Papa, réveille-toi ! On est sur la route !
Son père tourna lentement la tête vers elle et lui adressa un pauvre sourire :
- Ne t’inquiète pas ma puce, ça ira...
Nathalie releva la tête à cet instant et aperçut l’animal dans la lumière blafarde des phares.
- Papa, attention ! s’exclama-t-elle.
Philippe donna un violent coup de volant et les pneus émirent un crissement sinistre en dérapant sur le bitume. Nathalie poussa un soupir de soulagement en constatant dans le rétroviseur central que l’animal n’avait pas été blessé. Son père tentait de reprendre le contrôle du véhicule, toujours sur la file de gauche, quand une forte lumière l’aveugla. Un Klaxon retentit, recouvrant l’orage lui-même et Nathalie poussa un cri de terreur en distinguant la silhouette massive du camion. Il roulait trop vite pour pouvoir les éviter.
- Couche-toi Nathalie ! ! ! lui hurla son père.
La jeune fille s’empressa d’obéir. Le choc fut d’une violence inouïe malgré les tentatives des deux conducteurs pour s’éviter. La voiture ne résista pas à l’impact et fit plusieurs tonneaux avant de s’arrêter.
Nathalie ne ressentait plus rien, si ce n’est une douleur sourde qui envahissait insidieusement chaque parcelle de son corps. Elle ne pouvait plus bouger, elle ne savait pas exactement pourquoi. Elle tenta d’appeler son père, dont elle entrevoyait la forme non loin d’elle mais elle n’y parvint pas. Sa vision se brouilla et le silence s’empara d’elle. Elle se sentit partir. Tout devint noir.

La blancheur. Une blancheur crue et aseptisée. C’est ce qui marqua Suzanne lorsqu’elle pénétra dans la chambre d’hôpital. Les murs peints à la chaux étaient nus et le mobilier quasi inexistant. Le soleil qui inondait la pièce renforçait cette impression de halo lumineux. Pourtant, la jeune fille ne put s’empêcher de frissonner. Elle s’approcha doucement, s’assit au bord du lit et contempla son occupant.
Nathalie avait le visage livide et de multiples tuyaux semblaient comme jaillir de son corps. La machinerie qui surveillait son état émettait des "bip" réguliers et rassurants. Suzanne posa sa main sur celle de sa cousine et la caressa doucement. « Je t’en prie, reviens-nous vite ! » En formulant cette supplique muette, elle ferma les yeux et le film de la veille s’enclencha : Ils avaient été prévenus par l’hôpital vers 18 heures. Ensuite, tout s’était passé si vite qu’elle avait du mal à y remettre de l’ordre. « Coma léger » avait déclaré le médecin en contemplant Nathalie. Ses paroles avaient été encourageantes : « Elle est jeune, elle s'en sortira » En ce qui concernait son oncle, les pronostics étaient plus pessimistes, il était gravement touché et les médecins craignaient le pire...
Suzanne secoua la tête pour chasser les images désordonnées qui envahissaient son esprit et elle se mit à pleurer, à se vider de toutes les larmes qu’elle retenait depuis la veille, dans cette chambre blanche et silencieuse. Une fois calmée, elle se leva et déposa un baiser sur le front de Nathalie. Elle inspira un grand coup, regarda une dernière fois sa cousine et sortit précipitamment de la bâtisse. Elle avait tout à coup un grand besoin d’air. L’hôpital se trouvait assez loin de Seijo mais Suzanne préférait s’y rendre à pied, elle savait que cela lui permettrait de réfléchir à la situation. Elle marchait d’un pas décidé, sans prendre garde au paysage. Elle tournait et retournait les derniers événements dans sa tête et, malgré tous ses efforts, elle avait du mal à se persuader de leur réalité. Ou plutôt, elle s’y refusait. Comme si le fait d’en rejeter rien que l’idée pouvait permettre aux choses de changer. Elle soupira. Un vent vif lui fouettait le visage et une petite bruine tombait doucement mais sans discontinuer, de plus en plus pénétrante. La jeune fille sortit un instant de ses pensées et leva les yeux vers le ciel gris.
« Le temps s'accorde parfaitement à mon humeur », songea-t-elle, morose.

Quelques minutes plus tard, elle arrivait au lycée. Suzanne s’engouffra mécaniquement dans la masse grouillante des élèves. Elle gardait la tête baissée et espérait que personne ne viendrait l’importuner. Alors qu’elle arrivait à sa salle de classe, une main se posa sur son épaule.
- Bonjour Suzanne. Tu vas bien ? lança Sandra d’une voix enjouée. Où est Nathalie ?
L’intéressée la darda d’un regard si douloureux que Sandra n’insista pas. Elle venait de décider de la laisser seule, quand Suzanne la retint.
- Je t’en parle à la pause, lui chuchota-t-elle, la voix rauque d’émotion.
Sandra hocha la tête et sourit à son amie. La sonnerie retentit alors et les cours commencèrent. Pour Suzanne, cette matinée se passa comme dans un rêve. Une sorte de flou recouvrait tout ce qui se passait. Elle avait l’impression que rien ne l’atteignait : elle faisait tout de façon mécanique, sans réfléchir. C’était comme si tout son être était resté auprès de Nathalie, dans cette chambre d’hôpital. Pendant le cours d’Histoire, elle remarqua néanmoins le regard inquiet que lui adressait le professeur mais elle détourna la tête et l’ignora. Après un temps qui lui parut extraordinairement long, on les libéra enfin pour la pause déjeuner. Elle attendit Sandra et les deux jeunes filles refusèrent de se joindre à leurs camarades pour manger. De toute façon, Suzanne n’en avait aucune envie. Son grand-père lui avait préparé une boîte-repas le matin même mais elle savait pertinemment qu’elle n’y toucherait pas, malgré les recommandations de celui-ci.
Les deux amies marchèrent un moment en silence. Le vent soufflait toujours avec autant d’ardeur. Suzanne voyait Sandra essayer de dompter sa chevelure brune, qu’elle avait laissée détachée, mais des mèches lui revenaient immanquablement dans la figure. La jeune lycéenne finit par renoncer à son entreprise. Elle se tourna alors vers Suzanne, lui sourit et prit délicatement ses mains dans les siennes.
- Je t’écoute, dit-elle simplement.
Suzanne se sentait la chaleur de ce contact amical l’envahir doucement et la confiance lui revint. Elle dévisagea longuement son amie puis se lança, comme on saute d’un plongeoir. Elle lui dit le peu qu’elle savait de l’accident, l’état dans lequel se trouvait Nathalie et les angoisses dont elle n’arrivait pas à se défaire. Elle tenta de lutter contre les larmes mais elles déferlèrent sur ses joues aussi brusquement et violemment que l’orage de la veille.
- Je n’étais pas là, hoqueta-t-elle entre deux sanglots, je n’étais pas là pour la protéger...
Sandra la regarda avec tendresse et la prit dans ses bras sans dire un mot. Suzanne n’aurait su dire combien de temps exactement elle demeura dans ce cocon protecteur, à se vider de son chagrin. Mais quand elle releva la tête, elle se sentait plus légère. Elle savait que quelqu’un était là pour l’aider à surmonter cette épreuve. Et pour la première fois depuis l’annonce de l’accident, elle sourit. Faiblement certes, mais elle sourit.
- Merci Sandra, murmura-t-elle en déposant un baiser sur sa joue.
Sa camarade rougit légèrement et lui répliqua que les vrais amis servaient à ça.
- Je suis heureuse d’avoir pu t’aider, ajouta-t-elle.
- Je crois que je vais rentrer chez moi, l’avertit Suzanne. C’est très difficile pour moi dans ces conditions. Tu pourras prévenir les professeurs ?
Sandra lui répondit par l’affirmative et Suzanne se dirigea vers la sortie du lycée après avoir adressé un signe de la main reconnaissant à sa déléguée. Dans sa hâte, elle ne remarqua même pas qu’un individu s’approchait de celle-ci.

Au fur et à mesure que ses pas la ramenaient vers la demeure familiale, des craintes revinrent l’assaillir avec une vigueur nouvelle. L’ambiance qui régnait dans la maison était très lourde, presque palpable et chacun était très tendu. Suzanne osait à peine engager une conversation et marchait sur des œufs. Sa tante Claudia était complètement effondrée et s’exilait dans sa chambre. Elle n’en sortait que pour se rendre à l’hôpital. Ses parents étaient rentrés précipitamment du Canada dans la nuit et elle les savait sur les nerfs après les avoir croisés le matin avant de se rendre à l’hôpital. Quant à Grand-père, il était inconsolable, c’était évident, car il adorait Nathalie et son fils, mais il tentait de garder le contrôle de la situation, en patriarche. La jeune fille songea qu’elle en avait sûrement appris bien plus sur sa famille au cours des dernières 36 heures qu’elle ne l’avait fait durant les quinze années de sa jeune vie.
Elle arriva enfin en vue de la propriété. Le bâtiment ne lui avait jamais paru aussi triste. Elle fit un détour par la boîte aux lettres et s’aperçut que le courrier n’avait pas été ramassé. Dans la forêt habituelle des lettres adressées à la Amamiya Corporation, une lui sauta aux yeux. Elle venait d’Angleterre et était adressée à Nathalie. La curiosité commença à la titiller, sa cousine ne lui ayant jamais fait mention d’une quelconque correspondance. Elle pourrait peut-être l’ouvrir et... NON ! Elle repoussa cette idée d’un geste impérieux. Elle n’avait pas le droit... Elle reposa la lettre sur le dessus du paquet en secouant la tête.
Un silence imposant occupait la demeure. C’est du moins ce que crut d’abord Suzanne, puis elle perçut des éclats de voix qui filtraient à travers la porte du salon. Elle n’en revenait pas. Les disputes étaient quelque chose de rarissime dans sa famille ! Elle s’approcha de la pièce et se rendit compte que la porte n’était pas complètement fermée. Elle l’entrouvrit avec d’infinies précautions et glissa un œil à l’intérieur. Son grand-père semblait avoir une discussion orageuse avec ses parents. Sa tante était également présente mais elle ne prenait visiblement pas part à la conversation.
- Comment peux-tu dire des choses pareilles ? tempêtait le grand-père en direction de Franck.
- Mais Père, protestait celui-ci avec véhémence, il en va de la survie de l’entreprise...
- Je refuse, le coupa sèchement son interlocuteur. Je suis trop âgé à présent. Philippe reste à la tête du groupe tant qu’il sera vivant !
- Mais tu as entendu les médecins... Ils disent qu’il est condamné...
- Les médecins ne sont que des incompétents ! ! ! explosa le patriarche. Tout est encore possible...
- Mais...
- Ça suffit ! La voix de Claudia avait éclaté avec une violence inouïe et les deux hommes s’étaient tus instantanément.
La jeune femme se leva avec difficulté. Elle était très pâle mais maîtrisait parfaitement sa voix.
- L’entreprise n’a plus aucune importance pour moi. Faites-en ce que vous voulez ! La seule chose qui compte pour moi à présent c’est de retrouver mon mari et ma fille !
Elle sortit ensuite en ouvrant violemment la porte. Suzanne, depuis son poste d’observation, eut tout juste le temps de s’écarter, mais elle se retrouva, impuissante, face aux adultes, totalement estomaqués par sa présence.
La jeune fille bouillonnait littéralement. Elle en pleurait de rage. Les propos qu’elle venait d’entendre l’avaient retourné. Elle ne put se contenir :
- Je vous déteste tous autant que vous êtes ! Vous êtes là, à vous lamenter sur le sort d’une entreprise qui fonctionne parfaitement pendant que la personne que j’aime le plus au monde est entre la vie et la mort !
Avant que quiconque n’ait pu articuler un mot, elle était partie, emportant avec elle la missive d’Angleterre.
Le soleil était revenu sur Tomoeda mais la jeune fille n’y prêta guère attention. Elle courait aussi vite qu’elle le pouvait en direction du centre hospitalier. Elle avait le souffle court et le visage écarlate en s’adressant à l’hôtesse d’accueil pour demander à voir sa cousine. Elle grimpa en un temps record les deux étages qui la séparaient de la chambre et poussa vivement le loquet. Elle ne put retenir un cri de surprise.


A SUIVRE...


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