LA FORCE DU DESTIN
(Card Captor Sakura, l'origine)
NATHALIE
EPISODE 7
Ouvre les yeux
- Profess... Professeur Gauthier ? s’exclama Suzanne, interdite.
L’homme se retourna et lui adressa un faible sourire. La jeune fille se tenait sur le pas de la porte de la chambre de sa cousine. Elle ne savait que dire. Sa surprise était tellement grande qu’elle ne remarqua même pas qu’il avait la main posée sur celle de sa cousine. Un lourd silence planait dans la pièce, rompu uniquement par les "bip" de l’appareillage médical. Cette pulsation rappelait douloureusement à Suzanne que le temps s’écoulait inexorablement et qu’un jour ou l’autre...
- Suzanne !
La voix de sa mère la sortit de sa rêverie et elle se retourna.
- Suzanne, je crois qu’il faut qu’on parle. Ça te dirait une petite ballade rien que toi et moi ?
Béatrice regarda intensément sa fille et celle-ci hocha imperceptiblement la tête pour marquer son accord. La jeune femme jeta un regard circulaire dans la chambre et offrit un signe de tête aimable à l’homme qui veillait sa nièce. Puis elle entraîna Suzanne à l’extérieur du bâtiment.
Mère et fille marchèrent longtemps dans les rues de la ville. Béatrice expliqua à Suzanne que même si l’entreprise familiale ne connaissait aucun problème majeur, le fait qu’elle soit privée de PDG, même pour un court laps de temps, entraînait forcément des conséquences, dans une corporation de cette importance. Il allait falloir assurer l’intérim.
- Et puis...
La jeune femme marqua une légère hésitation avant de reprendre. Suzanne sentit sa gorge se nouer et inspira profondément.
- Le médecin nous a demandé de passer ce matin. Ton oncle... enfin... Il... il est peu probable qu’il s’en sorte... Son coma a atteint un point critique... Il faut garder l’espoir ma chérie. Il le faut !
Suzanne leva les yeux et vit des larmes sur le visage de sa mère. Elle se jeta dans ses bras en sanglotant et elles restèrent longtemps ainsi, tandis que la nuit tombait progressivement sur Tomoeda.
Le lendemain, Suzanne se réveilla quelque peu rassérénée par la conversation qu’elle avait eue avec sa mère. Elle se leva et fit le tour de sa chambre. Son manteau était sagement posé sur sa chaise de bureau. La jeune fille eut un mouvement de surprise en constatant que quelque chose dépassait d’une des poches. Elle voulut vérifier de quoi il s’agissait.
La lettre d’Angleterre ! Suzanne l’avait complètement oubliée... Elle la tenait entre ses mains, ne sachant que faire... Evidemment, elle mourait d’envie de l’ouvrir mais... elle n’en avait pas le droit. Finalement la curiosité prit le pas sur la raison et la jeune fille décacheta avec précaution la lettre adressée à sa cousine. L’écriture était fine et un peu courbée, facile à déchiffrer. Mais ce que Suzanne y lut la bouleversa. Elle était signée : « Brian ». Suzanne resta un long moment immobile, à se représenter ce qu’elle venait de lire. Sa cousine adorée... avec un garçon ? Amoureuse ? Ce n’était pas possible ! Et pourtant... Elle repensa tout à coup au jeune professeur qui se trouvait dans la chambre aux côtés de Nathalie. Pourquoi était-il là celui-là ? Il l’avait accompagnée à la chasse aux papillons... Et si... Elle tenta de repousser l’idée qui venait de lui venir. Elle était vraiment trop absurde mais celle-ci s’imposa clairement à elle, obsédante.
La voix de Grand-père la fit redescendre sur terre. Elle attrapa vivement ses affaires. Il fallait qu’elle se dépêche, elle voulait voir Nathalie avant d’aller en cours.
« Ou suis-je ? » Nathalie ouvrit difficilement les yeux et regarda autour d’elle. Elle se sentait en coton. Que lui était-il arrivé ? Elle tenta de forcer sa mémoire mais celle-ci semblait désespérément vide. Elle renonça et esquissa quelques pas.
L’endroit où elle se trouvait dégageait une atmosphère étrange. Il ne semblait n’avoir ni murs ni limites et une sorte de brouillard recouvrait tout. Au loin, elle avait l’impression de distinguer comme une faible lumière. L’endroit n’était pas très accueillant mais elle n’avait pas peur. Elle sentait une présence bienveillante... Oui, quelqu’un était avec elle pour la protéger. Elle continuait à avancer, quand la brume qu’elle avait devant les yeux ondula harmonieusement et se sculpta jusqu’à faire apparaître une sorte de passage, une arche qui se mouvait dans le décor sans fond. Nathalie fut plutôt effrayée par le phénomène mais, mue par son instinct, elle passa à travers la porte de fumée.
Le décor se modifia alors autour de la jeune fille. Elle se trouvait à présent dans une immense prairie inondée de soleil. La bise lui caressait joyeusement le visage et l’air était chargé d’odeurs printanières. Nathalie aperçut alors deux personnes qui batifolaient non loin d’elle. La fillette semblait âgée d’à peine trois ou quatre ans et un homme la poursuivait en riant. Il eut tôt fait de la rattraper et ils s’ébattaient maintenant dans l’herbe fraîche. La jeune fille les considéra d’un œil attendri.
- Je t’aime Papa, gazouilla la fillette.
- Moi aussi, ma petite Nathalie.
Nathalie eut un sursaut en attendant son prénom. Et puis, ce lieu ne lui semblait pas inconnu. Elle scruta les alentours et aperçut une maison qui lui était familière dans le lointain. Elle reconnut sans peine leur résidence secondaire où toute sa famille se rendait en vacances chaque année, à la même période. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? Etait-elle en train de rêver ? Est-ce que c’était elle, cette fillette ?
Elle se tenait immobile toute à ses réflexions, quand, venue de nulle part, une musique emplit l’espace. C’était une mélodie très douce, aérienne. Le son du piano emplissait la jeune fille de nostalgie. Cette musique... elle la connaissait, elle en était sûre à présent. Elle ferma les yeux et se laissa guider par les notes égrenées pour en trouver la source. Elle avait l’impression que la mélodie l’enveloppait, la portait. Elle était bien. Quand elle rouvrit les yeux, elle se trouvait dans le salon de sa maison. Elle se vit, âgée d’une dizaine d’années, assise devant le superbe piano noir que lui avait offert son père. Il était assis à ses côtés et leurs mains couraient sur le clavier avec harmonie, produisant cette musique céleste. La mélodie ralentit et se fit encore plus douce. Elle stoppa alors. Son père se tourna à cet instant vers son "double" et la dévisagea avec tendresse :
- Ce morceau est pour toi, mon ange. Je l’ai appelé "Nathalie".
La fillette lui sauta au cou en murmurant :
- C’est le plus beau cadeau d’anniversaire que j’ai jamais eu...
Le bruit d’une foule se superposa soudain à la scène et Nathalie se retrouva comme par enchantement à l’aéroport de Tokyo. Elle n’avait plus aucun doute à présent : c’était ses souvenirs qu’elle voyait défiler. Celui-là était assez récent : c’était le jour de son départ pour l’Angleterre. La jeune fille disait au revoir à son père, quand celui-ci lui remit un petit paquet enrubanné.
- Tu l’ouvriras dans l’avion, lui avait-il souri.
Nathalie se revit ouvrir le présent et en extraire un magnifique bijou argenté, composé d’une chaîne et d’un médaillon gravé d’un œillet. En ouvrant celui-ci, elle découvrit qu’il contenait deux petites photographies : une de son père et une de sa mère. Le collier était accompagné d’un message : « Pour que tu nous gardes près de toi durant cette année... Affectueusement. Papa et Maman. »
La scène s’estompa progressivement et Nathalie se retrouva dans le brouillard irréel. Une faible lumière clignotait toujours au loin et la présence bienveillante était toujours à ses côtés. Par contre, il régnait un silence opaque, pesant. Au bout d’un moment il devint insupportable. La jeune fille voulait le briser. Elle prit sa respiration et hurla le premier mot qui lui vint à l’esprit :
- Papa ! ! !
Sa voix résonna longtemps dans le vide, comme amplifié par une sorte d’écho. Nathalie n’y comprenait plus rien. Où était-elle ? Que lui était-il arrivé ? Une fois encore, elle tenta de se concentrer et se mit à fouiller sa mémoire. Rien. Elle se souvenait de son retour au Japon, de la chasse aux papillons, de l’orage... Et puis c’était tout. Le trou noir.
- Je peux peut-être t’aider, lança une voix derrière elle.
- Papa !
La jeune fille se jeta dans ses bras et recula, surprise. Son père était si... froid.
- Papa, que s’est-il passé ? l’interrogea-t-elle.
- Tu veux vraiment le savoir ?
La jeune fille acquiesça.
- Très bien...
Philippe s’agenouilla pour être à la hauteur de sa fille et posa sa main droite sur son front. Nathalie frémit : elle était glacée. Après quelques instants, des images s’imposèrent à son esprit et elle revécut, impuissante, l’accident tel qu’il s’était passé. Son père retira alors sa main et lui sourit.
- Mais alors, réussit-elle à articuler, terrifiée, nous sommes...
- Non, ma chérie. Que dirais-tu de te promener un peu ? Il y a tellement de choses que tu ne m’as pas raconté... A commencer par cette chasse aux papillons...
Un paysage se modela et ils se retrouvèrent dans le sanctuaire tsukimine. Nathalie savait que son père adorait cet endroit et qu’il venait souvent s’y promener. Ils discutèrent longtemps de tout et de rien, en marchant d’un pas lent à travers les allées du temple. Nathalie était heureuse. C’était la première fois qu’elle se sentait si proche de son père, lui qu’elle avait toujours considéré comme un éternel absent. C’était la première qu’ils avaient une vraie discussion, portant sur eux-mêmes et le monde qui les entourait. C’était la première fois qu’elle ressentait avec une telle intensité l’amour qu’elle lui portait...
Ils s’assirent enfin au pied du grand cerisier qui veillait sur le temple. Ils conversaient gaiement quand Philippe se dressa tout à coup, pris d’une sensation étrange. Il croisa le regard de sa fille, trop surprise pour proférer un seul mot : le corps de son père semblait perdre peu à peu de sa consistance, s’effacer. Philippe avait l’esprit serein. Il sentait son corps s’alléger, devenir souffle, se fondre dans le décor. Il prit prestement entre ses mains le visage torturé de sa fille et s’adressa à elle d’une voix qui devenait irréelle :
- Je dois partir ma chérie. Je ne peux rester avec toi, je vais rejoindre la lumière...
- Non Papa je t’en prie... Je veux venir avec toi...
La voix de la jeune fille était étouffée de sanglots. Elle s’agrippa à son bras.
Philippe se vit devenir transparent. Quand le processus atteignit le bras où était posée la main de sa fille, celle-ci fut atteinte. Elle le regardait avec un grand sourire aux lèvres :
- Je viens avec toi...
- NOOONN ! ! ! Tu dois rester. Tu dois continuer à vivre !
Il se subtilisa à son contact et s’éloigna d’elle. La main de Nathalie redevint chair. Elle vit à travers ses larmes son père entrer dans une lumière irradiante. Il arborait à présent deux magnifiques ailes transparentes. Il lui sourit avec tendresse et lui parla d’une voix si ténue qu’elle se demandait comment elle pouvait l’entendre :
- Adieu ma chérie. Je pars mais je serais toujours à tes côtés, quoi qu’il puisse arriver... Tu as encore tellement de choses merveilleuses à vivre... Retourne vers ceux qui t’aiment... Ils t’attendent...
Nathalie sentit à cet instant une intense chaleur l’envahir. La faible lumière qu’elle entrevoyait dans le lointain depuis son arrivée se mit à grandir avec une rapidité incroyable. La jeune fille fut bientôt prise dans le halo de lumière. La sensation de chaleur si intense provenait de ses lèvres... Oui... Quelqu’un était en train de...
Nathalie prit une soudaine inspiration et ouvrit d’un coup les yeux, figeant sur sa rétine l’image d’un homme penché sur elle. Qui était-il ? Elle ne savait qu’une chose : il l’avait embrassée. Elle sentait encore la présence de ses lèvres douces et chaudes sur les siennes. C’était lui qui l’avait appelée...
Au fur et à mesure que sa vision s’éclaircissait, l’image du jeune homme fut remplacée par celle d’un médecin en blouse blanche qui l’auscultait avec précaution. Ses sens reprenaient peu à peu le dessus et elle remarqua bientôt qu’elle se trouvait à l’hôpital.
- Votre cousine est sauvée, lança le médecin à Suzanne
Et le visage de celle-ci s’orna d’un sourire radieux et soulagé.
Nathalie entendit une personne quitter la chambre. Puis l’homme en blouse blanche s’adressa à elle :
- Vous avez été dans le coma pendant cinq jours, mademoiselle. Vous avez eu un accident, vous vous souvenez ?
La jeune fille acquiesça faiblement et le médecin lui sourit.
- Il faut la laisser se reposer maintenant.
La porte s’ouvrit alors à la volée et Claudia, échevelée, se précipita pour serrer son enfant dans ses bras :
- Ma petite fille... Ma toute petite fille...
- Doucement madame, murmura le médecin. Soyez sans crainte, elle est hors de danger.
- Nathalie... Ton père... Il...
Claudia avait du mal à respirer.
- Je sais maman, je sais...
La jeune fille releva la tête, qu’elle avait jusque là enfouie dans l’épaule de sa mère. Un ange se tenait à côté d’elles. Son père. Sa main se promena un instant sur le visage de sa femme et il sourit :
- Je serai toujours près de vous, quoiqu’il arrive.
Nathalie effleura son médaillon de sa main libre et lui rendit son sourire.
A SUIVRE...
Lire l'EPISODE 7 vu par Dominique
Lire l'EPISODE 8 vu par Nathalie ou vu par Dominique.
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