Acte
Troisième
D'un
côté, et dans une partie du fond, le thèâtre
représente une mantagne garnie de rochers et d'arbres
touffus. Une grotte paroît au pied; il en sort une
source qui tombe avec rapidité. Sur la croupe de la
montagne, dans le fond, s'élève un temple dont la porte
est ouverte, et où l'on voit brûler une lampe. Un
escalier conduit à ce temple, et à la droite un chemin
tortueux et escarpé, conduit du temple au sommet de la
montagne. De l'autre côté, s'élève une aile du palais
de Créon, des jardins et des édifices.Introduction
|
Scène I - Médée
Le ciel est très obscur; on entend
gronder le tonnerre; le théâtre ne reçoit de lumière
que celle des éclairs qui brillent par intervalle.
Après un bruit d'orage, on voit Néris sortir du côté
du roi avec les deux fils de Médée; ils portent la
couronne et la robe destinées à Dircé. Quand ils sont
devant le temple, ils s'arrêtent et se saluent; ils
passent ensuite en silence au palais, où ils entrent.
L'orage continue, et après quelques momens on voit
Médée descendre lentement du sommet de la montagne. Sur
sa tête est attaché un voile noir, parsemé d'étoiles
d'argent, et qui flotte sur ses épaules; ses cheveux
sont épars, sa tunique est rouge et noire; elle a les
bras nus, et tient un poignard dans la main. |
- Médée
(seule devant le temple)
- Dieux, qui m'avez
prêté vos secours destructeurs,
Dieux du Styx, hâtez-vous d'accomplir vos
faveurs.
La mort sur ce palais va déployer ses ailes,
Et le couvre déjà des ombres éternelles.
Il me reste à frapper les plus terribles coups;
Venez, fils de Jason, je n'attends plus que vous.
C'est vous que j'ai choisis pour couronner mes
crimes.
Chers enfants, vous serez mes plus belles
victimes;
Mais ne m'accusez point de verser votre sang;
C'est Jason, c'est lui seul qui vous perce la
flanc.
L'univers apprendra comment je fus vengée;
Il saura ce que peut une femme outragée.
Et mon nom immortel va devenir l'effroi
Des indignes époux qui trahiront leur foi.
On vient...Filles du Styx, soutenez mon courage;
D'un reste de faiblesse affranchissez mon coeur;
N'y laissez régner que la rage.
Juste ciel! Quel frisson! Quelle subite horreur!
O nature! que vais-je faire?
Que vois-je!...
|
|
Scène II - Médée,
Néris, les deux fils de Médée |
- Néris
- Chers enfants, embrassez votre
mère.
- Médée
- Fuyez, fuyez...
- Néris
- Non, non,
jetez-vous dans ses bras;
C'est elle.
- Médée
- Malheureux! vous
courez au trépas.
Ah! Ne me touchez pas de vos mains innocentes.
- Néris
- Chers enfants
pressez-la de vos mains caressantes.
- Médée
- Je sens mon coeur
frémir et mon sang se glacer.
Ma vengeance est perdue; il y faut renoncer.
- Néris
- Qu'ai-je vu,
justes dieux! Quel dessein sacrilège?
- Médée
- Mes fils!
- Néris
- Faibles enfants,
que le ciel vous protège!
- Médée
- Mes fils! c'en est
donc fait, vous l'emportez sur moi!
La nature est plus forte, et je cède à sa loi.
- O moment
douloureux! O moment plein de charmes!
Douceur inexprimable! O mortelles alarmes!
Mon faible coeur en proie à mille sentimens,
S'ouvre à tous plaisirs, souffre tous les
tourmens.
|
|
Air - Médée |
- Du trouble affreux qui me dévore
Rien en peut égaler l'horreur!
Non! O chers enfants, je vous adore!
Et j'allois vous percer le coeur!
Dieux immortels! Sainte justice!
Vous avez désarmé mon bras!
Sauvez-moi; ne permettez pas
Ce détestable sacrifice!
Périsse le parjure auteur de mes souffrances?
Que sa mort, que son sang suffise à mes
vengeances,
La traître! Ah! son nom seul réveille mon
courroux!
Du trouble affreux qui me dévore
Rien en peut égaler l'horreur.
O chers enfants, je vous adore!
Et malgré moi je sens encore,
En vous voyant, renaître mes fureurs!
|
|
- Néris
- Ah! si vous fûtes
outragée,
Votre haine triomphe, et n'est que trop vengée:
Votre rivale touche à ses derniers momens.
- Médée
- Que dis-tu?
- Néris
- La princesse a reçu vos présens;
- Elle s'en est parée au lever de l'aurore,
- Et sans doute déja le poison la dévore
- Que ce trépas suffise à vos ressentimens
- Médée
- Est-ce assez de son sang pour laver mon injure?
- Est-ce assez d'une mort pour punir le parjure?
- Néris
- Ah! cherchons le moyen de sauver ses enfants!
- O reine infortunée!
ô ma chère maîtresse!
- Tandis que vos enfants sont encore avec vous
- Livrez votre âme à la tendresse;
- Je dois bientôt hélas! les rendre à votre époux.
- Médée
- Néris, mon oeil s'égare, et ma raison se trouble,
- Ma pitié s'est éteinte et ma rage redouble.
- Si mes fils te sont chers, éloigne-les de moi.
- Leur aspect me tourmente; il me glace d'effroi.
- Des plus noires fureurs mon âme dévorée,
- Par l'amour maternel est trop mal assurée.
- Cache-les...cache-les...
- Néris
- Hélas! Et dans quel lieux?
- La mort dans ce palais va s'offrir à leur yeux.
- Vous les avez partout environnés d'abîmes.
- Médée
- éloigne-les de moi, le temps est précieux.
- Redoute cette main accoutumée aux crimes;
- Conduis-les dans ce temple, au pied des saints
autels
- Obtiens-leur contre moi l'appui des immortels.
- Cache-les...
- Néris
- Malheureux! Hâtez-vous de me suivre
- Dieux! à ces innocens prêtez votre secours;
- Couvrez-les de votre ombre, et défendez leurs
jours.
|
|
Scène III - Médée |
|
|
Air - Médée |
|
|
Scène IV - Jason,
peuple de Corinthe en tumulte. |
|
|
Scène V - Jason,
Peuple, Néris.
Néris sort du temple avec le plus
grande précipitation, court à Jason, et lui dit d'une
voix tremblante et entrecoupée: |
|
|
Scène V - Jason,
Peuple, Néris, Médée, les Euménides.
A peine Jason a prononcé le dernier
vers, le temple s'ouvre; on en voit sortir. Médée qui
tient encore le poignard, et entourée des trois
Euménides qui se grouppent avec elle sur l'escalier du
temple; Jason s'arrête consterné, et le peuple recule
d'effroi. |
|
|