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La mystification démocratique - suite


5.3.2. DEMOCRATIE EN DOMINATION FORMELLE DU CAPITAL

5.3.2.1. Période de 1789 à 1848

5.3.2.1.1. Avant d'envisager la période de domination formelle proprement dite il est nécessaire de se préoccuper de la période où le capital n'est pas encore parvenu à la domination, période où l'on a la formule A-M-M'-A', celle de l'argent dans sa troisième détermination, argent devenant capital. Cette période est celle des premières révolutions bourgeoises ( la Réforme en Allemagne, par exemple ). Or, dès ce moment-là surgit une position qui n'emprunte pas à la démocratie mais exprime la volonté de structurer à nouveau soit le communisme primitif, soit le christianisme primitif, lui-même essai de retrouver le premier.

Pour comprendre cette période il faut tenir compte à la fois de la puissance de la communauté féodale, de celle agraire et de l'existence de l'Etat en tant qu'équivalent général similaire à l'or. ( Cf. Grundrisse )

Cf. Bécheux, niveleurs, et divers mouvements similaires.

5.3.2.1.2. Au début donc le prolétariat est au sein du peuple, il n'en émerge pas; il défend donc la démocratie ( la revendique ), il lutte pour elle car c'est le mouvement même de sa propre production. Le prolétariat est tout au plus une classe mobilisée mais non mobilisatrice. Pourtant malgré ce, en pleine révolution française, il y a un courant qui va au-delà de la démocratie ne serait-ce qu'en posant la question de la réalisation de la vraie démocratie.

« Loin de nous cette pusillanimité qui nous ferait croire que nous ne pouvons rien par nous-mêmes et qu'il nous faut toujours avec nous des gouvernants. Les gouvernants ne font des révolutions que pour toujours gouverner. Nous voulons en faire une pour assurer à jamais le bonheur du peuple par la vraie démocratie. Sans-culottes ! écartons nos idées d'une simple animadversion contre quelques homes; c'est pour du pain, l'aisance et la liberté que nous nous échauffons. » Babeuf, ( p. 63 ).

Babeuf dénonce la déclaration des droits de l'homme :

« que chaque article de la constitution soit pur des expressions et des définitions, à la portée du plus gros bon sens, sans ambiguïté, sans possibilité de commentaires ou d'interprétations, sans la moindre laissée aux arguties des fabricateurs de pernicieuses doctrines, des embrouilleurs de textes, des chercheurs de juristes de faux-fuyants.

En observant la racine de mes principes, vous aurez pu deviner que je serais d'avis que les successeurs de l'Assemblée Constituante refondissent son oeuvre de fond en comble, sans épargner même la déclaration des droits, selon moi trop incomplète, trop peu substantielle et rédigée dans des termes trop peu précis et trop peu nets. Il y a abondance de mots, mais sous cette prolixité par trop métaphysique se cache le perfide moyen de neutraliser ou de réduire à de simples apparences qui s'annoncent d'abord comme une réalité. L'appât et le piège s'y confondent si bien qu'en étudiant cette déclaration, on ne tarde pas à s'apercevoir qu'elle est un leurre, tel que devaient le concevoir les endormeurs du peuple. Leur déclaration n'a que la valeur d'un hochet. » ( pp. 57-58 )

En voulant la vraie démocratie, en poussant à bout les données, en généralisant, il anticipe les mesures que prendra la Commune de Paris.

« La possibilité du retrait de mandat est une menace utile, indispensable; elle est avec la publicité de tous les votes une des meilleurs garanties pour le peuple. » ( p. 59 )

D'autre part, il dénonce l'incapacité, l'infirmité du principe démocratique pour régler des questions essentielles ( par exemple celle de l'insurrection - sur ce point Blanqui est son disciple ).

« Ce sophisme, cette théologie subtile qui établit la nécessité de la réunion du peuple à voter pour légitimer une insurrection, est une manière heureuse d'avoir l'air de rendre hommage aux principes, lorsqu'on sait que par la forme, l'impossibilité certaine assure le règne éternellement paisible des oppresseurs. »

Enfin il arrive à remettre en cause la société du droit, et toutes les illusions idéologiques.

« La valeur de l'intelligence est une question d'opinion, il faut examiner si la force purement naturelle et physique ne la vaut pas. »

5.3.2.1.3. Quelques années plus tard, certains chartistes répondirent affirmativement. Ce furent les adeptes de la force physique. Cependant ils furent supplantés par les partisans de la force morale qui, en prônant et en réalisant l'alliance avec les radicaux bourgeois, firent du mouvement ouvrier anglais un appendice de la bourgeoisie; le mouvement chartiste s'enlisa dans le marais démocratique. La revendication, l'agitation pour le mois saint, mois au cours duquel s'effectuerait l'expropriation des expropriateurs, était encore une revendication antidémocratique.

5.3.2.1.4. Même les théories surgissant sur la base de la faiblesse numérique du prolétariat ne sont pas imprégnées de démocratie. Cela est surtout vrai pour Fourier. Le but est la constitution d'une nouvelle communauté. Il en est même pour toute la tradition des utopistes à partir de T. Morus, Campanella en passant par Mably. Ces utopies sont tout au plus remplies du principe égalitaire, un des fondements de la démocratie idéale; la démocratie en tant que conciliation entre les classes est en dehors de leurs préoccupations, ne serait-­ce que parce que le conflit entre celles-ci n'a pas atteint une acuité suffisante pour pouvoir être extériorisé en une utopie et parce que toute utopie est une vision nivellatrice de l'humanité; elle se situe en dehors du champ démocratique parce que tendance à rupture avec l'ordre établi.

5.3.2.1.5. L'oeuvre qui exprime au mieux l'état du prolétariat en domination formelle du capital, sa volonté de se constituer en classe, donc d'émerger tant de la société féodale que de celle bourgeoise, est celle de Flora Tristan­ : « L'Union ouvrière », 1843.

  1. Constituer la classe ouvrière au moyen d'un Union complète, solide et indissoluble.

  2. Faire représenter la classe ouvrière devant la nation par un défenseur choisi par l'Union ouvrière et salarié par elle, afin qu'il soit bien constaté que cette classe a son droit d'être, et que les autres classes l´acceptent.

  3. Réclamer, au nom du droit, contre les empiétements, les privilèges.

  4. Faire reconnaître la légitimité de la propriété des bras. ( En France, 25 millions de prolétaires n'ont pour toute propriété que leurs bras. )

  5. Faire reconnaître la légitimité du droit au travail pour tous et pour toutes.

  6. Examiner la possibilité d'organiser le travail dans l'état social actuel.

  7. Elever dans chaque département des palais de l'Union ouvrière où l'on instruira les enfants de la classe ouvrière intellectuellement et professionnellement, et où seront admis les ouvriers et les ouvrières blessées en travaillant et ceux qui sont infirmes ou vieux.

  8. Reconnaître l'urgente nécessite de donner aux femmes du peuple une éducation morale, intellectuelle, et professionnelle, afin qu'elles deviennent les agents moralisateurs des homes du peuple.

  9. Reconnaître en principe, l'égalité en droit de l'homme et de la femme comme étant l'unique moyen de constituer l'Unité humaine.

Tout en incluant en son sein des revendications de type démocratique ( droit, égalité, etc., ), c'est l'affirmation du monopole de classe, des bras, de la force vivante vis-à-vis du capital. Il n'y a donc pas de démocratie; cela va au-delà. C'est d'autre part l'affirmation complémentaire, came le monopole est le complément de la libre-concurrence. De même les syndicats à l'origine tout en effectuant une contestation de la plus-value de type démocratique, sont en définitive des éléments de constitution du monopole de classe, et entraient en contradiction avec la libre concurrence. Ce sont les éléments mènes de la constitution d'une démocratie sociale.

« Si nous voulons que la classe ouvrière devienne une force ... notre premier devoir et la première nécessité sera l'organisation des ouvriers. » S. Born : Programme de la « fraternité des ouvriers ». ( S. Born fut membre de la Ligue des communistes )

5.3.2.1.6. Ces propositions de F. Tristan rencontrent en grande partie celles du manifeste. L'immense différence c'est que dans ce dernier ( et surtout dans les oeuvres antérieures de Marx ) il y a l'affirmation de la nécessité de la destruction du prolétariat, la grande tâche du XIX. siècle. Le Manifeste revendique :

  • Organisation du prolétariat en classe, donc en parti.

  • Erection du prolétariat en classe dominante et, pour la réalisation de ceci de façon effective, généralisation de la condition de prolétaire à l'ensemble des hommes; accroissement des forces productives.

  • Négation des classes, suppression du prolétariat, affirmation du communisme.
Autrement dit développement des forces productives ( ce que réalisera le capital ) sous le contrôle du prolétariat, tel est le sens de l'érection en classe dominante. Ceci implique obligatoirement la conquête de la démocratie puisque cette dernière nécessite la généralisation du libre-échange, de la concurrence avec la destruction des antiques rapports sociaux; conquête de la démocratie afin de diriger ce mouvement. En revanche avec la domination du capital on aura affaire à un mouvement autonomisé par rapport aux homes.

« Nous avons vu plus haut que la première étape de la révolution ouvrière est la constitution du prolétariat en classe dominante, la conquête de la démocratie.

« Le prolétariat se servira de sa suprématie politique pour arracher petit à petit tout le capital à la bourgeoisie, pour centraliser tous les instruments de production entre les mains de l'Etat, c'est-à-dire du prolétariat organisé en classe dominante, et pour augmenter plus vite la quantité des forces productives. » ( pp. 45-46 )

Etant donné que le capitalisme et le communisme ont pour base la socialisation de la production et des homes, il apparaît que dès que le processus est enclenché, le prolétariat peut le diriger. En conséquence il ne développera pas le communisme, mais il élargira les bases favorables à son développement. Voilà le pourquoi des mesures suivantes :


  1. Expropriation de la propriété foncière et affectation de la rente foncière aux dépenses de l'État.

  2. Centralisation du crédit entre les mains de l'Etat, au moyen d'une banque nationale dont le capital appartiendra à l'Etat, et qui jouira d'un monopole exclusif.

  3. Centralisation entre les mains de l'Etat de tous les moyens de transport.

  4. Multiplication des manufactures nationales et des instruments de production; défrichement des terrains incultes et améliorations des terres cultivées, d'après un plan d'ensemble.

  5. Travail obligatoire pour tous, organisation d'armées industrielles, particulièrement pour l'agriculture.
Le Manifeste est par là relié à la situation immédiate non pour l'interpréter mais pour transformer. Or, cette transformation implique l'utilisation de la démocratie;, sa généralisation qui est le premier temps de sa négation. mais en même temps, en posant la nécessité de la destruction du prolétariat, il va très au-delà. il prévoit les données de la domination réelle, disons celles qui ne pourront se développer qu'en elle.

« Elle ne peut plus régner ( la bourgeoisie, n.d.r ) parce qu'elle est incapable d'assurer l'existence de son esclave dans le cadre de son esclavage, parce qu'elle est obligée de le laisser dé choir au point de devoir le nourrir au lieu de se faire nourrir par lui. La société ne peut plus vivre sous sa domination, ce qui revient à dire que l'existence de la bourgeoisie n'est plus compatible avec celle de la société. » ( p. 35 )

L'utilisation de la démocratie c'est le moment où la politique peut encore avoir une efficacité sur une période assez longue; c'est celle de l'exercice de la volonté sur une société non encore dominée de façon intime par le capital. Car la volonté dans sa forme et son contenu variera avec la variation de la domination du capital.

On a donc trois points à analyser : le libre-échange, les mouvements d'indépendance nationale, la démocratie et, liée à celle-ci, une question militaire d'importance exceptionnelle : la destruction du tsarisme.

5.3.2.2. La période révolutionnaire : 1848-1850

5.3.2.2.1. Le déroulement de la révolution de 48 confirme le Manifeste. En France dans un premier temps ( février 1848 ) : « Ce qu'il ( le prolétariat n.d.r ) avait conquis c'était le terrain en vue de la lutte de son émancipation révolutionnaire, mais nullement cette émancipation même.

Dans un deuxième temps ( juin 48 ) le prolétariat est écrase par la réaction bourgeoise. Le secret de la lutte du XIX. siècle est dévoilé. D'autre part : « Au lieu de quelques fractions seulement de la bourgeoisie c'étaient toutes les classes de la société française qui se trouvaient soudain projetées dans l'ordre du pouvoir politique. » ( p. 45 )

Tandis que le prolétariat en revendiquant le droit au travail ( cf. Luttes de classe en France, p. 70 ), comme le voulait F. Tristan, réclamait alors sa propre généralisation, son accession à une réalité assurée, au-delà de son existence immédiate; dans le même temps perce la revendication du contrôle sur le capital qui deviendra plus tard celle du contrôle ouvrier.

La faiblesse du prolétariat reconnue après sa défaite de juin 48 conduit à l'alliance avec la petite-bourgeoise, c'est alors que naît le parti social-­démocrate.

« Nous avons vu peu à peu les paysans, les petits-bourgeois, les couches moyennes en général passer aux côtés du prolétariat, poussés à l'opposition ouverte contre la république officielle... » ( p. 113 )

Le prolétariat minoritaire a besoin d'autre part d'un allié : les paysans. Ainsi l'impossibilité de réaliser la transcroissance - à cause de données historico-sociales - oblige le prolétariat à recourir à la démocratie. D'autre part la victoire de la démocratie en France présenterait un avantage considérable :

« Car la victoire de la république en France est la victoire de la démocratie dans toute l'Europe. » ( Werke, t.4, p. 456 )

« La démocratie ne peut vaincre en Europe que si la prolétariat l'emporte à Paris. » ( Neue Rheinische Zeitung. Werke t.4, p. 456 )

« Il faut d'abord que la réaction en France soit elle-même vaincue avant qu'elle puisse être anéantie en Italie et en Allemagne. Il faut donc d'abord que soit proclamée la république démocratique et sociale, il faut d'abord que le prolétariat français ait réduit à sa merci sa propre bourgeoisie avant de penser à une victoire durable de la démocratie en Italie, en Allemagne, en Pologne, en Hongrie, etc. . . » ( Neue Rheinische Zeitung, cf. Ed. Sociales, t.1, p. 456 )

5.3.2.2.2. En Allemagne se posait la nécessité d'une double révolution parce que dans ce pays la faiblesse, la lâcheté de la bourgeoisie autochtone imposait au prolétariat de prendre le pouvoir et de réaliser les tâches de celle-ci, donc à développer les forces productives.

En premier lieu se pose la question de l'unité allemande, la formation de la nation allemande. or, ceci nécessitait l'indépendance de la Pologne : « l'instauration d'une Pologne libre démocratique est la condition première de l'instauration d'une Allemagne démocratique. »

En domination formelle, le capital n'a une domination que dans des aires fort limitées, d'où il faut soutenir le mouvement de libération nationale ( cf. Werke, t.6, p. 298; il faut s'allier même avec l'ennemi ) : la lutte pour la démocratie à l'échelle internationale signifie lutte pour développer les forces productives. Cela impliquait la destruction du tsarisme, donc la guerre contre la Russie et l'élimination des petits peuples slaves.

« La prochaine guerre mondiale ne verra pas seulement l'élimination de la surface de la terre des classes et des dynasties réactionnaires mais aussi celle de peuples réactionnaires. » ( t.6, p. 176 ) ( cf. aussi lutte capital-­prolétariat et guerre mondiale, 6, p. 397 )

« Les grands pays agricoles entre la Baltique et la mer Noire ne peuvent se libérer de la barbarie patriarco-féodale que par une révolution agraire qui transforme les paysans serfs ou corvéables en propriétaires fonciers libres, une révolution qui soit à la campagne exactement la même que la révolution française de 1789. La nation polonaise a le mérite d -être la première, parmi les peuples agricoles ses voisins, a l'avoir proclamé.

( ... ) Du jour où ils furent opprimés, les polonais agirent en révolutionnaires et enchaînèrent ainsi d'autant plus solidement leurs oppresseurs à la contre-révolution. Depuis 1846 la Pologne « lutte pour l'indépendance » et pour « la démocratie agraire » - la seule possible en Europe orientale contre l´absolutisme patriarco-féodal. » ( Neue Rheinische Zeitung, 20.08.1848, Ed. Sociales, p. 407 )

« dans le fait que l'instauration de la démocratie agraire est devenue pour la Pologne une question vitale non seulement politique mais sociale ». ( idem, p. 421 )

Pour obtenir l'unité allemande, il faut détruire l'Autriche, la Prusse.

Cependant toutes ces luttes importantes et nécessaires ne faisaient pas perdre de vue ( ne voilaient pas, ne masquaient pas ) le point central, c'est-à-dire la nécessité de détruire la puissance de l'Angleterre pour que la révolution socialiste triomphe : « L'Angleterre n'accepte pas la révolution du continent, l'Angleterre dictera, quand son heure sonnera, la révolution au continent. » ( Werke, t. 6. p. 149 )

Donc au cours de cette grande phase révolutionnaire, ce qui fut : surtout à l'ordre du jour, parce que dans l'ordre des possibles qui pouvaient être effectués, ce fut la démocratie.

« Les quelques cent membres de la Ligue disparurent dans la masse subitement projetée en mouvement. Le prolétariat allemand apparut donc ainsi pour commencer sur la scène politique comme le parti démocratique extrême. »

« Lorsque nous fondîmes en Allemagne un grand journal, le drapeau nous était tout donné de soi. Ce ne pouvait être que celui de la démocratie, mais d'une démocratie qui mettait partout en évidence le caractère spécifiquement prolétarien que nous ne pouvions pas encore inscrire une fois pour toutes sur notre drapeau. » 13.03.1884

Ceci ne contredit en rien cette affirmation du 31.08.1848 dans La Neue Rheinische Zeitung : « Nous n'avons jamais ambitionné l'honneur d'être l'organe de quelque gauche parlementaire que ce soit. Avec les éléments disparates composant le parti démocratique en Allemagne, nous avons au contraire estimé qu'il était absolument nécessaire de surveiller les démocrates plus étroitement que quiconque. » ( Engels )

Ainsi Neue Rheinische Zeitung : organe de la démocratie, c'est absolument logique, puisque l'émersion du prolétariat est tout juste possible et que ce journal doit exprimer - non d'une façon nationale, mais de façon internationale comme l'est le processus révolutionnaire - la montée de la démocratie, sa nécessité. Il s'agissait d'appuyer les forces productives qui devaient engendrer le capital mais, au fond, sans une conscience erronée, comme ce fut le cas pour les révolutionnaires français de 1789-95, en sachant qu'est-ce qu'on émancipait, et quelle devait être l'émancipation véritable. Le prolétariat intervient pour accélérer un processus sans perdre son autonomie et ce même à l'intérieur de la coalition démocratique. voilà pourquoi cette position démocratique allait au-delà de la démocratie.

A noter justement cette remarque : « La volonté de tout le peuple est la volonté de la classe dominante. »

Enfin on ne peut comprendre la position de Marx et d'Engels, ainsi que celle de la majorité des membres de la Ligue, si on ne tient pas compte de cette remarque fondamentale : « Les classes travailleuses sont nécessairement un instrument dans la main de la bourgeoisie, aussi longtemps que la bourgeoisie est elle­-même révolutionnaire, ou au moins progressive. » II. 580

5.3.2.2.3. La double révolution impliquait partout la conquête de la démocratie et pour cela une guerre mondiale était nécessaire : « Soulèvement révolutionnaire de la classe ouvrière française, guerre mondiale tel est le contenu de l'avertissement de l'année 1849. » ( Werke, t.6, p. 506 )

« Les combats de Juin à Paris, la chute de Vienne, la tragédie-comédie de Berlin en novembre 1848, les efforts désespérés de la Pologne, de l'Italie et de la Hongrie, l'épuisement de l'Irlande par la famine - tels furent les moments principaux où se concentra en Europe la lutte de classe entre la bourgeoisie et la classe ouvrière et nous permirent de démontrer que tout soulèvement révolutionnaire, aussi éloigné que son but puisse paraître de la lutte des classes, doit nécessairement échouer jusqu'au moment où la classe ouvrière révolutionnaire sera victorieuse, que toute réforme sociale reste une utopie jusqu'au moment où la révolution prolétarienne et la contre-révolution féodale se mesureront par les armes dans une guerre mondiale. » ( Marx « Travail salarié et Capital », p. 19 )

C'est peut-être dans ce texte que s'exprime le mieux la volonté de dépasser le capitalisme, d'escamoter sa phase de développement. On est loin du prétendu fatalisme économique de Marx. Seulement quand le capital aura triomphe, il ne sera plus possible d´avoir un tel langage et c'est le nouveau langage que les adversaires du communisme relèveront et en feront le matérialisme historique ultra-déterministe, fataliste !

Le triomphe de la révolution bourgeoise réclamait encore la lutte pour la démocratie afin de purifier les rapports sociaux dans la nation où cette révolution s'était produite, et à l´échelle internationale afin de généraliser le mode de production capitaliste. Mais cela n'impliquait pas obligatoirement un appui inconditionné aux démocrates. Il y avait eu la phase où le prolétariat était immergé dans le peuple et sa défense de la démocratie fut immédiate et lui permit d'émerger; ultérieurement le prolétariat s'individualise mais n'est pas assez puissant pour réaliser seul la transformation; alors il soutint les forces de destruction du féodalisme, celles qui permettent la structuration de la société capitaliste, donc la démocratie.

Au contraire au moment de l'enraiement de la vague révolutionnaire vers 1850 se pose la nécessité nette et précise de rompre avec la démocratie parce que : « le suffrage universel avait accompli sa mission. La majorité du peuple avait passé par l'école du développement que seul le suffrage universel pouvait donner dans une époque révolutionnaire. Il fallait qu'il fût aboli par la révolution ou par la réaction. » ( « Les luttes de classe en France », p. 125 )

« La défaite des insurgés de juin ( ... ) avait montré que la République bourgeoise signifiait ici le despotisme absolu d'une classe sur les autres classes. » ( idem, p. 180 - Cf. aussi la suite concernant la comparaison avec les E.U )

« La meilleure forme d'Etat est celle où les conditions sociales ne sont pas estompées, ne sont pas jugulées par la force, c'est-à-dire artificiellement et donc en apparence seulement. La meilleure forme de gouvernement est celle où les contradictions entrent en lutte ouverte, et trouvent ainsi leur solution. » ( Neue Rheinische Zeitung, p. 184 )

Dans la lutte contre le féodalisme le prolétariat peut prendre momentanément le pouvoir, exercer le terrorisme et en finir plus vite avec la vieille société. D´autre part quand la bourgeoisie prit la pouvoir, la lutte du prolétariat contre cette dernière fut une lutte pour l'obliger à réaliser sa propre fonction historique.

« Les prolétaires prennent la bourgeoisie au mot : l'égalité ne doit pas être établie seulement en apparence, seulement dans le domaine de l'Etat, elle doit l'être également dans le domaine économique et social. Et surtout depuis que la bourgeoisie française a pris le pouvoir la lutte du prolétariat contre celle-ci à partir de la grande révolution a mis au premier rang l'égalité civile, le prolétariat français lui a répondu coup pour coup en revendiquant l'égalité économique et sociale; l'égalité est devenue le cri de guerre spécialement du prolétariat français. »

« La revendication de l'égalité dans la bouche du prolétariat a ainsi une double signification. Ou bien elle est - et c'est notamment le cas au début - la réaction spontanée contre les inégalités sociales entre riches et pauvres, maîtres et esclaves, dissipateurs et affames; comme telle elle est simplement l'expression de l'instinct révolutionnaire et c'est en cela - en cela seulement - qu'elle trouve sa justification. Ou bien née de la réaction contre la revendication bourgeoise de l'égalité, dont elle tire les revendications allant au-delà, qui sont plus ou moins justes, elle sert de moyen d'agitation pour soulever les ouvriers contre les capitalistes et, en ce cas, elle tient et elle tombe avec l'égalité bourgeoise elle-même. Dans les deux cas le contenu réel de la revendication prolétarienne d'égalité est la revendication de l'abolition des classes. Toute revendication d'égalité qui va au-delà tombe nécessairement dans l'absurde. » ( Engels : Anti-Dühring, p. 138-139 )

Ceci recoupe parfaitement ce que dit Marx dans la Sainte-famille au sujet de Proudhon : l'apport de celui-ci est de prendre la bourgeoisie au mot ( à propos de « La propriété c'est le vol » ).

D'autre part, on voit ici le danger de la première partie : en rester à vouloir terminer la révolution française, réaliser l'égalité, la fraternité qui, de moyens, deviennent des fins.

5.3.2.2.4. Il y eut nécessité sur le plan théorique de défendre la démocratie contre les théoriciens réactionnaires qui voulaient le retour au féodalisme ( Cf. critique d'Engels à « Past and Present » de Carlyle ).

Cependant il y a une ambiguïté parfois, surtout si la question n'est pas abordée dans sa totalité. En effet les réactionnaires dé fendent une communauté où la démocratie n'a pas de place, mais c'est une communauté aliénée ( les hommes aussi, pas de dichotomie ) et de ce fait il faut montrer comment le procès de dissolution peut conduire à la formation de la vraie Gemeinwesen humaine.

Il faut tenir compte de la ressemblance avec la polémique des populistes, mais tenir compte simultanément de l'énorme différence dérivant de la possibilité de greffer le communisme sur le mir.

5.3.2.3. La période de recul : 1852 - 1864

D'un point de vue général on peut caractériser cette période par.

1. Coupure avec la démocratie, c'est-à-dire coupure avec le mouvement démocratique ayant pour base le prolétariat.

2. Soutien à tous les mouvements démocratique dans la mesure où ils luttent réellement contre le féodalisme. On a donc en quelque sorte utilisation de la démocratie en dehors de la classe, c'est-à-dire qu'on a une tactique indirecte. C'est toute la question nationale qui est importante ici.

3. Marx et Engels envisagent toujours les possibilités d'exploitation du suffrage universel de la part du prolétariat, en Angleterre.

Pour comprendre la position de Marx et d'Engels comme celle des autres révolutionnaires, il faut tenir compte du caractère de cette époque. En Europe il y a freinage du développement par suite de l'action de la Sainte-Alliance. Ce ne sera que vers la fin de cette période que de nouveau on aura un boom de l'économie, surtout de l'industrie, qui remettra le prolétariat en selle. La société dans son ensemble parait liquider encore les séquelles de la révolution française de 1789. Le capital ne parvient pas à donner forme à la société. C'est le règne du flou, de l'imprécision et donc de la confusion, avec toutes les utopies possibles tant dans leur sens péjoratif que positif. Enfin, un dernier élément dont il faut tenir compte pour comprendre l'affaiblissement du prolétariat, c'est l'immigration qui, si elle permet d'étendre immédiatement le réseau révolutionnaire, détruit en fait la force vive du mouvement.

Pour Marx et Engels : « Si nous avons été battus, il ne nous reste qu'à reprendre par le commencement » ( « Révolution et contre-révolution en Allemagne », Ed. Costes )

Etant donné que « la fraction la plus progressiste » de la bourgeoisie, les grands industriels, n'a pas conquis le pouvoir politique et remodelé l'Etat selon leurs besoins, le grand problème du XIX. siècle, la suppression du prolétariat, ne peut pas encore être mis au premier plan, ni ne peut apparaître sous son vrai jour. Etant donné d'autre part que l'expérience pratique faite durant la révolution de 1848-49 confirmait le raisonnement théorique, qui aboutissait à la conclusion suivante : « la démocratie des petits commerçants devait avoir son tour d'abord, avant que la classe ouvrière communiste pût espérer s'emparer définitivement du pouvoir et détruire ce système de l'esclavage salarié qui la plie sous le joug de la bourgeoisie. » ( « Révolution et contre-révolution en Allemagne », pp. 182-183 ), il était nécessaire, après la défaite, de rompre avec la démocratie, avec le mouvement démocratique qui, en cas de victoire, se serait retourné contre le prolétariat et qui, dans la défaite, ne pourra fournir aucune aide à ce dernier.

C'est avec la circulaire de 1850 qui « n´était au fond qu'un plan de bataille contre la démocratie » ( Marx à Engels, 13.07.1851 ) que la rupture avec cette dernière est conseillée, revendiquée. Il y est déclaré qu'il faut se méfier des démocrates, que le parti démocratique est plus dangereux pour les ouvriers que l'ancien parti libéral.

Avec le triomphe de la contre-révolution tout rapport avec la démocratie est devenu absolument inutile, surtout pour les membres de la Ligue.

« Cet isolement répond tout à fait à notre position et à nos principes. Le système a cessé maintenant qui consistait à se fai­re des concessions réciproques, à tolérer, par politesse, des fai­blesses, à se partager avec ces ânes, devant le public, le ri­dicule qui rejaillit sur le parti ». ( Marx à Engels, 11.02.1851 )

Toutefois, si le parti ( ici la Ligue qui a été dissoute ) ne peut pas intervenir, il est bon tout de même de suivre le mouve­ment réel et d'étudier comment le prolétariat agit et lutte dans une phase de réaction.

« Le prolétariat dont le combat autonome pour ses propres intérêts contre la bourgeoisie industrielle peut seulement commencer que le jour où la suprématie politique de cette classe est assurée, le prolétariat devra dans tous les cas tirer aussi quelque avantage de cette réforme électorale. » ( Engels, 1852, Werke t.8, p. 218 )

Là nous trouvons le réformisme révolutionnaire de Marx. il se­ rait important d'étudier ici l'opposition Marx-Proudhon, en particulier au sujet des oeuvres de ce dernier telles que « Idée généra­ le de la révolution au XIX. siècle » ( cf. lettres de Marx à Engels du 08.08.1851 et suivantes ainsi que les réponses d'Engels ). Tout d'abord la position vis-à-vis du suffrage universel en Angleterre.

« Voyons maintenant les chartistes, la -fraction active, au point de vue politique, de la classe ouvrière britannique. Les six points de la Charte qu'ils poursuivent ne renferment autre chose que la revendication du suffrage universel et des conditions sans lesquelles ce suffrage serait illusoire pour la classe ouvrière, telle que le vote secret, les diètes pour les membres du parle­ ment, les élections générales annuelles. Mais, pour la classe ou­vrière anglaise, suffrage universel et pouvoir politique sont synonymes. Les prolétaires forment en effet la grande majorité de la population; par de longues guerres civiles, parfois secrètes, ils ont acquis la conscience de leur situation de classe et les di­stricts eux-mêmes ne connaissent plus de paysans, mais des propriétaires fonciers, des capitalistes producteurs ( fermiers ) et des salariés. L'obtention du suffrage universel général en Angle­terre serait donc une conquête où il y aurait plus d'esprit socia­liste que dans n'importe quelle mesure qui, sur le continent, a été honoré de ce nom. »

Elle aurait pour conséquence inévitable la suprématie politi­que de la classe ouvrière. » ( « Les chartistes » in Oeuvres politi­ques, Ed. Costes, t.2, pp. 18-19, Werke, t.8, p. 344 )

« A propos des tentatives faites en vue de créer un parti qui s'appelle lui-même national, Ernest Jones remarque très exacte­ment : « La charte populaire est le plus universel des essais de réforme politique, et les chartistes sont le parti vraiment national, qui puisse réaliser en Grande-Bretagne des réformes politiques ou sociales. » » ( « Les efforts faits pour créer un nouveau parti d'opposition. » p. 76 )

Et Marx ajoute, ( p. 77 ) : « Au cas d´une crise politique ou commerciale l'importance de l'activité qui, sans bruit, est actuellement déployée au quartier général du chartisme se fera sentir dans toute la Grande-Bretagne. »

Un autre aspect, en quelque sorte économique, est ensuite traite dans un autre article du New York Tribune du 28.12.1852, ( p. 94 ).

« Je résume. Le libre-échange pousse vers le système des impôts directs. L'impôt direct implique des mesures révolutionnaires contre l'Eglise, les propriétaires fonciers, et les porteurs de valeurs d'Etat. Les mesures révolutionnaires exigent une collaboration avec la classe ouvrière, et cette collaboration enlevé à la bourgeoisie anglaise les principaux avantages qu'elle attendait du libre-échange c'est-à-dire la main-mise absolue du capital sur le travail. »

Dans un article du 15.03.1853, Marx expose la nécessité de lut ter pour la journée de 10 heures et explique comment les propriétaires fonciers sont incapables de profiter de la lutte des prolétaires contre les capitalistes, et à plus forte raison de les soutenir, d'ou' entre autres arguments la nécessite de l'intervention de l'Etat.

Mais c'est en 1855 que Marx expose avec le plus de précision la nécessite de la lutte pour la généralisation du suffrage universel.

« Après les expériences qui, en 1848, ont sape le suffrage universel en France, les gens du continent sont portes à sous-estimer l'importance et la signification de la charte anglaise. lis oublient qu'en France la société se compose pour les deux tiers de paysans, et pour un tiers de citadins, tandis qu'en Angleterre plus des deux tiers de la population habitent les villes et moins d'un tiers la campagne. En Angleterre, les résultats du suffrage universel seront donc nécessairement en proportion inverse des résultats de ce même suffrage universel en France, tout comme la vil le et la campagne le sont dans les deux pays. C'est ce qui nous explique le caractère diamétralement oppose que la revendication du suffrage universel a revêtu en France et en Angleterre. Là, ce fut la revendication formulée par les idéologues politiques et à laquelle tout « intellectuel » pouvait plus ou moins prendre part, suivant ses convictions. Ici, c'est la large ligne de démarcation entre l'aristocratie et la bourgeoisie d'une part et les classes populaires d'autre part. Là ce fut une question politique, ici, ce est une question sociale. En Angleterre l'agitation pour le suffrage universel a parcouru une évolution historique, avant de devenir le Shibboleth de la masse. En France, on commença par établir le suffrage universel qui commença ensuite son évolution historique. En France ce fut la pratique du suffrage universel qui échoua, en Angleterre ce fut l'idéologie. Dans les premiers temps du XIX. siècle, avec sir Francis Burdett, le major Carwright, Cobbett, le suffrage universel avait encore absolument le caractère idéaliste et imprécis qui en faisait le vain désir de toutes les fractions de la Population n'appartenant pas directement aux classes dirigeants. Pour la bourgeoisie, ce n'était en effet qu'une expression excentrique, généralisant ce qu'elle avait obtenu par la réforme parlementaire de 1831. Encore en 1838, la revendication du suffrage universel n'avait pas pris, en Angleterre, son caractère spécifique réel. La preuve Hume et O'Connell figuraient parmi les signataires de la charte. En 1842, les dernières illusions disparurent. C'est à cette époque que Lovett fît une dernière et vaine tentative de formuler la revendication du suffrage universel comme la revendication commune des soi-disants radicaux et des masses populaires. A partir de ce moment, il n'existe plus le moindre doute sur la signification du suffrage universel ni sur l'appellation même. C'est la charte des classes populaires et le sens en est : acquisition de la puissance politique en tant que moyens de réalisation de leurs besoins sociaux. Compris en France en 1848, comme le mot d'ordre de la fraternisation universelle, le suffrage universel devient en Angleterre un cri de guerre. En France, c'est le suffrage universel qui constitue le fond immédiat de la révolution; en Angleterre, c'est la révolution qui constitue le fond immédiat du suffrage universel. Quand on passe en revue l'histoire du suffrage universel en Angleterre, on s'aperçoit que le suffrage universel y dépouille son caractère idéaliste au fur et à mesure que la société moderne s'y développe avec ses contradictions infinies, telles que les produit le progrès de l'industrie. A côte des partis officiels, ou semi-officiels, came à côte des chartistes, on remarque en Angleterre une « clique » de sages, aussi mécontents du gouvernement et des classes dirigeantes que des chartistes. Que veulent les chartistes s'écrient-il. Rehausser et élargir la toute-puissance parlementaire en en faisant le pouvoir populaire; ils la lèvent à une puissance supérieure. La vérité c'est de briser le système représentatif. » ( pp. 79-82 )

Dans un article du 21.08.1853, la question du parlement ouvrier est à nouveau évoquée. ( Werke, t.10, p. 395 )

Il y a donc un rejet du mouvement démocratique organise par les divers démocrates, d'où les pamphlets comme « les grands hommes de l'exil » ( Werke, t.8, pp. 233 seq. ) et soutien du mouvement démocratique.

Tout ceci concerne directement le prolétariat. C'est l'utilisation directe de la démocratie par le prolétariat. Mais il y a un autre mode d'utilisation que l'on peut appeler indirect. C'est le soutien aux mouvements d'émancipation contre l'absolutisme; le soutien de la démocratie comme moyen de permettre un développement du capital donc du prolétariat.

Luttes contre le tsarisme et contre le panslavisme dans la mesure où celui-ci apporte en définitive son soutien au tsar.

Exemple net : soutien des anglo-français lors de la guerre de Crimée.

Toutefois Marx n'a probablement pas perçu un élément fort important traité par les panslavistes, c'est celui de l'obchtchina. Marx, à cette époque là, voyait trop un devenir unilinéaire et donc la nécessité de passer partout par le mode de production capitaliste. D'autre part il était trop préoccupé par le problème de la formation de l'unité allemande vis-à-vis de laquelle le tsar jouait un rôle de frein indéniable Le mouvement révolutionnaire est des lors pensé comme continuateur de la révolution française et non réellement en tant que mouvement prolétarien.

Liée a la question de l'unité allemande on a celles de l'indépendance de la Pologne et de l'unité italienne.

En ce qui concerne l'Inde et la Chine, Marx et Engels pensent à un développement rapide du MPC dans ces régions. En règle générale il y a l'idée que le MPC va rapidement se développer et donc créer les conditions de la révolution prolétarienne.

Pour en revenir à l'Inde et à la Chine, ce n´est qu'au cours des années 50 et même après 1860 que Marx parviendra à comprendre que le schéma unilinéaire n'est pas valable; le MPC n'est pas fatal.

Enfin dans les oeuvres non publiées du vivant de Marx : Urtext, Fondements, etc., on trouve un dépassement de la démocratie, car la ce dernier ne raisonne pas en fonction de l'immédiat.

5.3.2.4. Période de 1864 à 1871

En plus de l'utilisation indirecte de la démocratie comme ce fut le cas dans la période précédente, nous avons son utilisation à l'intérieur de la classe et, par là, réalisation en quelque sorte de la démocratie prolétarienne grâce à l'AIT ( Association internationale des travailleurs ) où tous les courants affectant la classe ouvrière étaient représentés; la direction centrale, le Conseil général de Londres tendant à établir une autorité sur l'ensemble du mouvement. Il y a un certain dépassement du centralisme et du fédéralisme ainsi que des sectes.

La reprise d'un mouvement révolutionnaire date en fait de la fin des années 50. Elle reçut une impulsion de la crise de 1857. La création de l'AIT est le point culminant de cette période. Toutefois nous préférons partir de 1864 pour envisager toute l'his­toire de l'AIT, étant donné que sa création marque une coupure dans la vie de la classe. Ce mouvement a deux causes : une interne au processus même de formation de la classe en tant que classe : résister à la pression des capitalistes, s´unir pour abolir l'état de choses existant, trouver une théorie, etc.; une externe : la lut­ te pour l'indépendance de la Pologne ( donc rapport avec le vieux mouvement de 1848 et par là avec la démocratie, dernier apport de ce pays ).

« Plus je réfléchis à l'histoire, et plus je comprends que la Pologne est une nation foutue dont on ne peut se servir que jusqu'au jour ou la Russie sera entraînée elle-même dans la révolution agraire. A partir de ce moment, la Pologne n'aura plus de rai son d'être. Tout ce que les polonais aient jamais fait dans l'histoire ce sont des sottises qui attestent leur bravoure, mais aussi leur tempérament batailleur. »

Engels parle ensuite de la Russie et de son rôle civilisateur, puis de la prétendue immortalité de la Pologne, pour en arriver à :

« Par bonheur, nous n'avons, dans le Neue Rheinische Zeitung, contracte envers les polonais que l'inévitable engagement de rétablir le pays dans son autonomie avec une frontière acceptable; et cela même sous-la condition de la révolution agraire. Je suis certain que cette révolution s´opérera pleinement en Russie plus tôt qu´en Pologne à cause du caractère national et parce que les éléments bourgeois sont plus avances en Russie. » ( Lettre à Marx du 23.05.1851 )

Pour traiter ce point à fond il faudrait faire une histoire de l'AIT et utiliser tous les pamphlets ainsi que les diverses

lettres de Marx et d'Engels à son sujet. Rappelons simplement qu'il y a ici un dépassement du parti formel en tant que regroupement de avant-garde ( cf. lettre de Marx à Engels au sujet des ouvriers comtistes, 05.03.69 )

On a ici le réformisme révolutionnaire généralise et en acte par l'ensemble de la classe. On doit noter la différence avec Tolain : intégration du prolétariat; Lassalle : illusion de l'utilisation de l'Etat en place.

Deux moments dominent ( en dehors des faits propres de l'Internationale ) le mouvement populiste en Russie qui aurait dû permettre de poser progressivement le problème de la Pologne d'une toute autre façon; le mouvement d´émancipation des esclaves aux USA.

Avec la Commune de Paris on a à nouveau un dépassement de la démocratie. Dans l'oeuvre de Marx, il semblerait que cela soit définitif cette fois. L'Etat est dénonce avec virulence et Marx retrouve sa position juvénile lors de sa critique à Hegel, à Ruge, à Mill. Il semble que les oeuvres de jeunesse expriment un possible et que la Commune en sait une effectuation.

« Le parlementarisme en France était parvenu à son terme. Sa dernière période, son plein épanouissement ce fut la république parlementaire, de mai 1848 au coup d´Etat. L'Empire qui le tua fut sa propre création ( ... ) Le parlementarisme était alors mort en France et la révolution ouvrière n'allait certainement pas le fait renaître de ses cendres. »

Condamnation sans appel. Dès lors on peut se demander est-ce qu'après la défaite le prolétariat devra-t-il ressusciter le parlementarisme en participant au parlement, en réclamant à corps et à cris le suffrage universel ?

« La Commune est la reprise du pouvoir d'Etat par la société dont il devient la force vivante, au lieu d'être la force qui la domine et la subjugue. C'est la reprise par les masses populaires elles-mêmes, qui substituent leurs propres forces à la force organisée pour les opprimer; la Commune c'est la forme politique de leur émancipation sociale, substituant à la force artificielle ( appropriée par leurs oppresseurs ) ( leur propre force s'opposant à eux et s'organisant contre eux ) de la société, mise au service de leurs ennemis pour les opprimer. Cette forme était simple comme toutes les grandes choses. »

« Ce ne fut pas une révolution contre telle ou telle forme de pouvoir d'Etat légitimiste, constitutionnelle, républicaine ou impériale. La Commune fut une révolution contre l'Etat lui-même, cet avorton surnaturel de la société; ce fut la reprise par le peuple et pour le peuple de sa propre vie sociale. »

Il faudrait citer toute la page 212. Ce qui est essentiel c'est la mise en mouvement des masses qui accèdent à leur pleine détermination; elle agissent donc et créent leur conscience. Sans un tel mouvement aucune révolution ne peut se réaliser. Et là on voit qu'un parti défini dans son sens étroit voulant encadrer, organiser, limiterait en fait le mouvement. Il ne peut être qu´à l'intérieur de celui-ci dans la mesure où il a pu préexister au phénomène révolutionnaire et, des lors, il oeuvre à sa généralisation, à la constitution de la classe en parti, donc à son propre dépassement.

« Quant au parlementarisme il avait été détruit par ses ouailles et par l'Empire. La seule chose que la classe ouvrière avait à faire, c'était de ne pas le ressusciter. » ( p. 260 )

Il y a toutefois une utilisation réelle, non mystifiée de certains mécanismes démocratiques.

« ... le suffrage universel adapte à son but véritable, qui est de faire élire par les communes leurs propres fonctionnaires d'administration et de législation. » ( p. 214 )

« Au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante devait « représenter » et fouler aux pieds le peuple au parlement, le suffrage universel devait servir au peuple, constitué en communes... » ( p. 43 )

Les démocrates ont pu se sauver en disant qu'ils élisaient maintenant des représentants ouvriers. En quelque sorte ils pouvaient utiliser ce que disait Marx à propos du parlement ouvrier.

Au cours de la révolution à venir le phénomène politique sera encore moins important. Il n'y aura pas une révolution politique, si ce n'est la destruction du pouvoir actuel. L'émancipation se fera par des organismes qui directement se mettront à vivre selon le communisme. Il ne peut pas y avoir d'autres formes d'émancipation.

Cependant la plus grande gloire de la Commune c'est d'avoir non seulement mis fin à l'Empire mais encore d'avoir démasqué :

« Cette forme anonyme ou républicaine des régimes bourgeois, cette république bourgeoise, cette république du parti de l'ordre, est le plus odieux de tous les régimes politiques. Sa tâche directe, sa seule raison d'être, c'est d'écraser le peuple. C'est le terrorisme de la domination de classe.

« Cette révolution n'avait pas été faite contre Napoléon le petit mais contre les conditions sociales et politiques qui avaient engendre le second empire. » ( p. 181 )

La destruction d'une telle monstruosité ne fut hélas que temporaire. Après la défaite le prolétariat aurait dû rester sur ce terrain et non contribuer à sa réformation sous sa forme mystificatrice, mystifiée.

« La plus grande mesure prise par la commune, c'est sa propre existence. »

Mais la classe ouvrière ne peut se contenter de prendre telle qu'elle est la machine de l'Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte. Tout cela prouve que la Commune était l'affirmation d'un être nouveau. Ce n'est pas pour rien qu'Engels proposait de traduire Commune par Gemeinwesen. En ce sens les ouvriers firent bien ce que proposait Marx.

« Ils n'ont pas à recommencer le passe, mais à édifier l'avenir. »

Cette victoire de 1871 sur la démocratie bourgeoise ne peut être définitive. Elle n'est pas, probablement, compatible avec la maturité du mouvement international. Marx saisit nettement le moment de vie de la classe et la caractéristique de celle-ci : impulser le mouvement, le développement, même si dans l'immédiat elle doit en pâtir : ( cf. la citation des pp. 215-216 reportée dans Invariance, série I, no. 10 ). En outre :

« Elle devait être un corps agissant et non parlementaire, exécutif et législatif en même temps. Les agents de police au lieu de être les agents d'un gouvernement central devaient être les serviteurs de la Commune et devaient comme les autres fonctionnaires de tous les autres secteurs de l'administration, être nomes par la Commune en restant toujours révocables par elle. » ( p. 260 )

On voit par là la limite que nous avons dépassée. Il ne s'agit plus de prendre quelque chose et de le faire fonctionner au profit des homes et non au profit du capital, mais de créer quelque chose qui soit au delà de ce binaire négatif­-positif. Ceci existe potentiellement à l'heure actuelle dans le mouvement contre le capital en dehors des groupuscules divers.

« La fonction publique devait cesser d'être une propriété personnelle, conférée par un gouvernement central à ses instruments. » ( p. 261 )

C'était donc la dictature du prolétariat. Les anarchistes sont contre ce terme. Cependant, eux aussi, d'une façon ou d'une autre seraient amenés à exercer une dictature. La vraie question c'est celle de comment la réaliser; même chose en ce qui concerne la violence. Dans tous les cas, ici, il ne s'agissait pas de réaliser la démocratie, mais de :

« .. libérer les éléments de la société nouvelle que porte déjà dans ses flancs la vieille société qui s'effondre. » ( p. 46 )

En conclusion la Commune est la dernière révolution prolétarienne en période de domination formelle du capital sur la société. ( cf. Invariance, série I, no. 10 )

5.3.2.5. La période de 1871 à 1914

Marx et Engels ne sont pas demeures au niveau de la discontinuité de 1871. A partir de cette période vont surgir des polémiques ou Engels ne sera pas à même de sentir ce qu'il y a de nouveau. Le plus bel exemple est la question des jeunes au début des années 90. C'est de ce moment-là que date aussi la division avec les anarchistes. On peut dire aussi que la critique aux bakouninistes demeure dans les limites étroites du parti formel ( cf. le texte sur le congrès de Sonvilliers ), de même en ce qui concerne les blanquistes.

Tout est domine par la Commune de Paris. C'est le point central de la constitution du mythe du prolétariat ( d'autres l'ont dit avant nous, mais nous voulons montrer que cette affirmation s'articule dans une autre représentation théorique ). La problématique sera de reconstituer ce qui a été brise, l'unité de l'AIT plus affirmée que vraiment opérante.

Quelques affirmations : la république démocratique est la dernière forme en laquelle se fera la lutte pour le pouvoir. La dictature du prolétariat est réalisation de la démocratie, comme s'est affirme dans les critiques au programme de Gotha comme à celui d'Erfurt ( p. 87 ). Toutefois il y a un essai d´établir une périodisation rigoureuse du passage au communisme.

C'est le moment précis du réformisme révolutionnaire de Marx et d'Engels avec enlisement complet, à partir de là, de ce dernier, dans la démocratie ( cf. ses lettres des années 91-92 ).

La démocratie dans la classe et utilisation de celle-ci par la classe prolétarienne : cf. les Considérants du POF.

En ce qui concerne l'Allemagne : peur d'une saignée comparable celle de la Commune. L´abrogation des lois anti­-socialistes semble confirmer qu'il est possible de passer par une phase non violente pour accéder au socialisme, tout au moins qu'il est possible d'atténuer celle-ci et que dans tous les cas il est possible de se renforcer considérablement avant de donner l'assaut à l'Etat.

Il ne faut pas, non plus, ne pas tenir compte de l'idée d'Engels selon laquelle il faut encore terminer la révolution bourgeoise en Allemagne grâce à une poussée par le bas.

L'impulsion du mouvement russe n'est pas suffisante pour radicaliser en Occident et, d'autre part, la vison classiste est trop prédominante au sein du mouvement ouvrier pour que celui-ci soit capable de profiter de cette poussée.

Sur le plan théorique Marx a publie ses ouvrages fondamentaux. Il semble tourner en rond parce qu'il ne parvient pas à un dépassement.

En ce qui concerne le mouvement lui-même on a, à partir de 1889, la IIe internationale, mouvement intégré et intégrant simultanément. Les actes les plus révolutionnaires sont accomplis par ceux qui se placent en marge : les anarchistes effectuent les actes les plus irrécupérables. Cela désigne par là-même le déséquilibre, la discontinuité, le porte-à-faux qui se manifeste.

On peut dire qu'on est toujours à la recherche du prolétariat. A ce propos il convient de noter la convergence entre Kautsky avec son livre sur les origines du marxisme et Lenine avec « Que faire ? » qui théorise un parallélisme entre le mouvement socialiste et le mouvement ouvrier. De la nous en arrivons à l'affirmation que on ne doit pas tomber dans le traquenard : ce sont les chefs qui ont trahi, car, la classe ouvrière, que voulait-elle réellement ? Quand elle se manifesta au début de ce siècle ce fut pour le suffrage universel, en Belgique, en Allemagne, en Hollande, par exemple. En Russie nous sommes dans un autre cycle.

En ce qui concerne Bernstein, il ne fait qu'aller jusqu'au bout mais en perdant toute perspective révolutionnaire; il est discours direct du capital. A la même époque s'affirme la thèse que le capitalisme est un mieux en soi; cela conduit au soutien du colonialisme.

Remarque : il faut tenir compte toutefois du phénomène révolutionnaire mondial du début de siècle : avant 1905, avec apogée à cette date dans l'aire slave, qui concerne l'ouest européen ( Portugal particulièrement ), le Mexique, la Turquie, le Perse, la Chine ( 1911 ), mouvement de type capitaliste accompli par le prolétariat.

Correspondant à cette phase il y a eu une certaine radicalisation au sein de la IIe Internationale : il y a formation de gauches ( sans qu'il y ait une théorisation nouvelle ) comme en Italie; en Hollande cela aboutit à une scission, mais on reste dans le cadre du socialisme classique. En outre il n'y pas production d'une oeuvre théorique réellement marquante de la part des socialistes, comparable, à ce qui est produit par les théoriciens parti- sans de l'idéologie en place ( savants, philosophes etc.. ).



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