LENINE COMBAT LA GAUCHE ALLEMANDE![]() « La chance particulière des bolchéviks en Russie était qu'ils avaient quinze ans pour mener à bien un combat préparé et conséquent contre les menchéviks ( c-à-d. les opportunistes et les centristes ) et les gauches, et donc tout le temps pour préparer la lutte inévitable des masses pour la dictature du prolétariat. En Europe et en Amérique, nous devons exécuter la même tâche très rapidement ». Voilà ce qu'écrivait Lénine dans un article de 1920. ![]() Pendant la même année, il fit paraître sa brochure Le gauchisme, maladie infantile du communisme qui devait préparer et fonder cette lutte. Dans les premières éditions, elle portait le sous-titre osé et discutable qui fut pour cette raison abandonné par la suite de : « Essai pour une présentation populaire de la stratégie et de la tactique marxistes ». ![]() La circonstance qui a indiscutablement en premier lieu donné l'impulsion à ce travail était que le parti bolchévik n'avait pas été capable en trois ans ou presque de construire un véritable système des soviets. Il avait sans doute conquis le pouvoir politique avec l'aide du mouvement des conseils, dont l'essence lui était pourtant étrangère, il avait proclamé la dictature prolétarienne, mais il n'avait pas avancé d'un pas dans la stabilisation du pouvoir et dans la, construction de son économie. Surtout, il n'était pas parvenu à inclure le système des conseils dans l'ensemble des mesures, tenues pour socialistes, concernant la structure politique de l'Etat, et ce parce que son essence lui était précisément étrangère. Il espérait passionnément pendant tout ce temps l'avènement de la révolution mondiale, dont il pensait qu'elle était la seule à pouvoir assurer sa puissance. Mais la révolution mondiale n'était pas aux ordres de la dictature russe et elle ne s'était pas produite. ![]() Lénine reconnut alors qu'il était nécessaire et urgent de gagner enfin le prolétariat mondial à la théorie et à la pratique, à la stratégie et à la tactique des bolchéviks. Il s'inquiétait de voir que celui-ci ne montrait visiblement pas le moindre penchant pour les méthodes bolchéviques, en dépit du triomphe éclatant que le bolchévisme avait atteint en Russie. Plue inquiétant encore était que la 3deg. Internationale, créée uniquement comme instrument de propagande pour la Russie, avait échoué ou peu s'en faut, ou les masses restaient dans le sein de la social-démocratie, ou leur activité révolutionnaire les poussait à rejoindre le mouvement des conseils, et plus particulièrement en Allemagne, en Hollande et en Angleterre. ![]() Ce mouvement des conseils, Lénine ne pouvait l'utiliser en Russie. Il s'opposait à tout effort visant à le rallier à un mouvement révolutionnaire de type bolchévik. Une machine géante de propagande avait bien été mise sur pied à Moscou, mais les agitateurs radicaux d'extrême-gauche -- et Lénine lui-même en témoigne -- connaissaient mieux leur affaire que les émissaires du Parti Communiste. Ils étaient certainement moins payés, mais beaucoup plus convaincus et de meilleure foi. Le Parti Communiste est ainsi toujours resté un petit groupe bruyant et gesticulant entre les deux grands camps. A sa droite, la social-démocratie a gagné la plus grande partie des déchets prolétarisés de la bourgeoisie, du moins ceux qui n'ont pas grossi les ligues réactionnaires et revanchardes; à sa gauche, le mouvement des conseils a exercé sur tous les éléments révolutionnaires du prolétariat un attrait irrésistible. ![]() Il fallait donc donner plus de vigueur à la propagande bolchévique. Il fallait surtout faire feu de tout bois pour réduire l'extrême gauche. Car depuis que celle-ci avait été exclue et couverte de boue et d'outrages à la manière bolchévique, elle avait gagné la confiance et la considération des masses. Le système des conseils avait échoué en Russie -- comment un mouvement concurrent pouvait-il avoir l'audace de prétendre prouver au monde que le mouvement des conseils était incompatible avec les méthodes bolchéviques, mais sûrement réalisable par d'autres méthodes ? Haro donc sur cette concurrence ! ![]() Furieux, Lénine s'assit dans son fauteuil et écrivit ce pamphlet vengeur. La peur enragée de perdre le pouvoir et la rage brûlante devant le succès des hérétiques guidaient sa plume. S'il avait été Staline, il les aurait déclarés ennemis publics et fait fusiller. C'est ainsi qu'il rédigea sa brochure : Le gauchisme, maladie infantile du communisme avec le sous-titre « Essai d'une présentation populaire de la stratégie et de la tactique marxistes » qui fut plus tard supprimé parce que le bluff faisait honte. Car s'appuyer sur Marx pour écrire cela, c'était du bluff et rien d'autre. ![]() La brochure de Lénine était un écrit polémique plein de poison et de bile, agressif, grossier, un tissu de fausses interprétations, de suspicion et de falsifications, haineux et en rage de persécution comme une bulle d'excommunication, un vrai régal pour tout contre-révolutionnaire. Mais c'est en même temps, parmi tous les écrits de propagande bolchévique, celui qui dévoile sans ménagement et montre le plus clairement l'essence du bolchévisme. Le bolchévisme sans masque ! Quand Hitler interdit en Allemagne en 1933 toute la littérature socialiste et communiste, ce fut le seul écrit dont il maintint la publication. Et il savait ce qu'il faisait. ![]() Il ne nous intéresse pas d'entrer ici dans ce que Lénine y dit sur la révolution russe, l'histoire des bolchéviks, les conflits avec les autres courants du mouvement ouvrier ou les conditions du succès des bolchéviks en Russie. Tout y est partial, discutable, contestable. Nous n'en n'avons pas la place. Nous voulons seulement insister sur les principaux points de la stratégie et de la tactique bolchéviques où s'expriment clairement les différences entre bolchévisme et extrême gauche. ![]() Pour Lénine, la portée immédiate de son travail résidait dans la présentation de ces différences, et il les a présentée à sa manière. De son côté, l'extrême gauche a pris position et éclairé le problème de son point de vue. Il était facile à la propagande soviétique, qui travaillait avec des moyens matériels énormes, d'occulter considérablement la réfutation que donnait l'extrême gauche des thèses léninistes. Il ne s'agissait pas d'une discussion franche et honnête, mais d'une censure brutale. Ce qui correspondait à leurs intérêts immédiats. [9] ![]() Mais les intérêts ont changé, pas en Russie, mais dans le reste du monde. A l'époque, une partie importante du public mondial a mis ses espoirs dans un avenir meilleur, dans la Russie bolchévique. Pour la plupart, cet espoir s'est aujourd'hui envolé et tourné vers le fascisme. Cela nous amène à comparer le bolchévisme et le fascisme. Que montre cette comparaison ? ![]() Une ressemblance stupéfiante dans les dispositions fondamentales des deux systèmes, la doctrine du pouvoir, le principe d'autorité, l'appareil de la dictature, la dynamique de la normalisation et les méthodes de contrainte physique : nous parlerons de tout cela plus en détail. ![]() Qu'il soit dit ici que l'écrit, de Lénine correspondant à un besoin politique momentané, celui de clarifier l'essence du bolchévisme avec le fascisme comme toile de fond. Lénine a rendu un très grand service à ce débat. En croyant abattre l'extrême gauche, Lénine pensait sauver le pseudo-socialisme du bolchévisme et, en sauvant ce pseudo-socialisme, il fonda le fascisme. Le livre épargné par la haine de Hitler témoigne contre lui. ![]() [9] cf. Hermann Gorter : Lettre ouverte au camarade Lénine. Berlin 1921. ( Cahiers Spartacus Serie B No. 27 ). |