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Chronologie d'une négation


Troisième génération : 1980-1990

La troisième génération est assez restreinte et politiquement dissemblable puisqu'elle est issue du mouvement révolutionnaire des années 1960 et tout particulièrement de 1968. Nous nous concentrerons sur la France, même si d'autres pays européens ont pu présenter une situation similaire (en particulier l'Italie avec Carlo Mattagna).

Pierre Guillaume en est la figure emblématique, tant pour lui-même que pour d'autres individus issus de l'ultra-gauche. Il est clair qu'il a connu les écrits de Paul Rassinier très tôt (dès la fin des années 1960 selon lui) mais ce n'est qu'à la fin des années 1970 qu'il va les utiliser et c'est finalement sous ses hospices que va se faire la rencontre avec R. Faurisson.

Au même mouvement, on peut associer Serge Thion, né en 1942, charge de recherches et militant actif des luttes de libération nationale, ainsi que J.-G. Cohn-Bendit. Cependant ces deux hommes n'auront pas la même évolution durant les années 1980, S. Thion demeurant une figure majeure du courant négationniste français tandis que J.-G. Cohn-Bendit a nettement rompu avec le faurissonisme. Enfin, cas à part, Alain Guionnet qui se prétend d'extrême-gauche sans que soit évident autre chose que son antisémitisme. Alain Guionnet représente assez bien la dérive vers l'obsession et la provocation d'une fraction de l'ultra-gauche. Membre de La Guerre Sociale au tout début de son existence, il disparaît quelques années et ne réapparaît qu'en 1986 avec une série de tracts négationnistes et antisémites signés pour la plupart l'Aigle Noir ou Attila Lemage. Cette démarche aboutit à la création de la revue Révision en mars 1989. Le contenu est outré jusqu'à la caricature et rappelle les provocations du néo-nazi Olivier Mathieu. Jusqu'à la disparition de la revue, il n'y aura eu que le Choc du Mois, François Brigneau et National-Hebdo pour lui accorder quelque crédit. Alain Guionnet a par ailleurs été le seul à être condamné à une peine de prison ferme pour ses écrits.

Une étude un peu plus exhaustive permettrait d'étudier les cas du dessinateur Konk, des maîtres de conférence André Delaporte (Nantes) et Bernard Notin (Lyon), tous deux engagés politiquement à l'extrême-droite et enfin des anciens étudiants de Caen (dont principalement Vincent Reynouard) ayant formés l'ANEC/Nouvelle Vision.

On le voit, la double grille de lecture « génération «  et « importance internationale » permet de comprendre l'apparition successive de négationnistes apparemment fort différents mais finalement assez semblables. Elle nous montre trois choses :

* La France n'est que l'un des pays parmi d'autres où le phénomène existe.

* La popularisation des thèses de R. Faurisson n'est due qu'à son apparition à la une des journaux français en 1978. Il suffit pour s'en convaincre de comparer cette situation avec celle réservée en son temps à P. Rassinier.

* Il n'y a pas de quatrième génération...

Cette dernière remarque n'est pas une simple tautologie : les activités récentes da négationnistes sont là pour le confirmer.

Côté édition, ces trois dernières années ont vu une série de publications ou de disparitions à la fois d'ouvrages anti-négationnistes et de revues négationnistes. Cela est étroitement lié au cinquantenaire de la libération du camp d'Auschwitz. Le livre de Jean-Claude Pressac a provoqué une grosse agitation, tant au niveau de la presse écrite que des milieux négationnistes. Dès sa sortie, le livre avait bien sûr été attaqué dans la Revue d'Histoire Révisionniste [5]. D'une part, l'auteur de l'article considérait que loin d'être des preuves les éléments avancés par Pressac n'étaient que des indices et que ceux-ci étaient déjà connus des négationnistes. D'autre part, il considérait que le livre de Pressac renforçait finalement le point de vue négationniste car son auteur était obligé de faire des « concessions », c'est-à-dire d'admettre que toute une série de documents, témoignages ou même constructions utilisés auparavant par les historiens de la shoah étaient faux. En ce qui concerne le cinquantenaire de la libération d'Auschwitz, le traitement par les médias s'est avéré plus ou moins historiquement fiable, une certaine presse habituée au sensationnalisme n'étant de fait pas la mieux placée pour évoquer ce genre de sujet [6]. Les auteurs négationnistes ont néanmoins perçu tous les avantages qu'ils pouvaient tirer de cette surabondance médiatique et R. Faurisson a ainsi utilisé en défense lors de son procès de mai 1995 un article [7] du journaliste de L'Express Éric Conan dans lequel celui-ci faisait le point sur la chambre à gaz d'Auschwitz et rappelait qu'elle avait été détruite et reconstruite après-guerre, en 1948, lorsque le musée fut créé dans le camp.

Le cinquantenaire de la Libération a été l'occasion pour certains individus ou groupes négationnistes de reprendre leurs diffusions de tracts que la presse écrite s'empresse en général de rapporter. Cela a été le cas en juillet 1994 dans la région parisienne puis en janvier 1995 à Strasbourg où ce sont des lycéens ayant visité Auschwitz qui ont été visés. On est très loin cependant de l'ampleur des envois de tracts consécutifs au procès Barbie au printemps 1987 [8].

Par ailleurs, des procès se sont déroulés récemment : en mai 1995, R Faurisson est comparu sur citation du ministère public devant la XVIIdeg. chambre du tribunal correctionnel de Paris pour avoir contesté dans son livre Réponse à Jean-Claude Pressac « l'accusation selon laquelle les Allemands auraient, pendant la seconde guerre mondiale, pratiqué une politique d'extermination physique des Juifs notamment par l'emploi, à Auschwitz, de chambres à gaz homicides qui auraient fonctionné à l'insecticide Zyklon-B ». Le substitut du procureur a requis une peine de trois mois de prison sur le fondement de la loi Fabius-Gayssot de juillet 1990. En juin 1995, la XXXIe chambre du tribunal correctionnel de Paris a condamné Pierre Guillaume et Michel Gandilhon (ancien vendeur de la Vieille Taupe, qui a depuis clairement rompu avec le révisionnisme et avec Guillaume) à des peines de travail d'intérêt général et à une amende de 20000 francs pour la diffusion en novembre 1991 des affichettes plagiant celles produites à cette époque par l'Agence Française de Lutte contre le Sida pour lutter contre cette maladie. Parfaitement reproduites, celles des négationnistes remplaçaient le mot « séropositif «  par « révisionniste ».

Enfin, dernier épisode en date, la publication par P. Guillaume de deux numéros de La Vieille Taupe, revue dont le deuxième numéro constitué par un texte de R. Garaudy a connu la médiatisation que l'on sait...

Notes

[5] Revue d'Histoire Révisionniste, no. 2, août-septembre-octobre 1990.

[6] On n'évoquera même pas ici certains propos comme ceux tenus à l'antenne de la radio commerciale Fun Radio le 27 janvier 1995 par un petit crétin surnomme Cauet dont la qualité d'« animateur » est un bon reflet de celle de ces « machines à décerveler » que sont ces radios.

[7] L'Express, 19-25 janvier 1995, p.54-73.

[8] Tract du « comité lycéen Lyon-Nancy-Strasbourg » envoyé à Paris, Lyon, Tours.

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