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les révolutionnaires ont-ils
une contre-révolution de retard ?
(notes sur une classe impossible)

 

30. le mouvement communiste est celui qui tend vers l'au-delà du capital
Le mouvement communiste passe par la critique de ce qu'ont de commun toutes les variantes de la condition prolétarienne. Pour que le prolétariat existe au sens que nous donnons à ce mot, c'est-à-dire dans sa double dimension à la fois capitaliste et communiste, il faut une révolte contre ce qu'ont de commun les conditions de vie et donc de travail du travailleur stable, du travailleur, précaire, du sans-travail, du non-travailleur parce que trop jeune, trop vieux, etc. Organisation et désorganisation du travail sont donc l'un des terrains privilégiés de l'apparition et de l'action du prolétariat.
Le caractère collectif, ou violent, ou massif, ou anti-institutionnel, voire anti-marchand, ne suffit pas à faire d'un mouvement un mouvement communiste. Il y a des pillages qui ne préparent en rien la révolution et des grèves surgies d'un fait mineur et apparemment banal, qui contribuent à l'apparition d'une aspiration communiste.
Est communiste ce qui ne se contente pas d'affirmer une hostilité de principe au capital ou de s'en prendre à l'un de ses aspects, mais bien ce qui contient tendanciellement un autre rapport social que le capital. C'est par exemple une de ces grèves qualifiées de « révoltes anthropologiques » parce qu'elles s'en prenaient à la réduction du travail à des gestes séparés de leur intelligence et détachant le cerveau de la main. Mais dans ce type de grève il y a tendance à condition qu'il y ait affrontement (violent ou pas), c'est-à-dire opposition entre ce qu'offre le capital même amélioré par l'enrichissement des tâches ou par des droits ou par un collectif d'atelier etc., et une autre solution si différente qu'elle n'est pas acceptable par le capital. Ce qui n'empêchera pas le capital de réabsorber le cas échéant cet élan communiste. Rien n'est radical en soi, tout est le terrain d'une contradiction.
Inversement, la lutte contre le capital qui affirme simplement une opposition, même si elle sabote l'économie, met celle-ci en crise sans conduire ailleurs. Nous n'avons pas à nous réjouir particulièrement de ce qui se borne à amplifier la crise du capitalisme sans dessiner les contours d'un monde nouveau. Les luttes sociales importent pour le communisme quand elles font émerger la recherche d'une autre socialité que celle du capitalisme. Le critère unique n'est donc pas d'être contre le capitalisme mais de se diriger au-delà sans s'y croire déjà.
Quatre années de luttes sociales polonaises se soldent par un bilan qui n'a rien de réjouissant pour les révolutionnaires. Il ne fait guère de doute que jusqu'ici la contre-révolution a triomphé y compris à l'intérieur de la classe ouvrière parce que l'ampleur de la lutte n'a pas dégagé les premières formes d'une autre vie. Pas plus que l'ampleur, la violence d'un mouvement ne constitue un critère décisif. La combativité ouvrière n'est pas incompatible, par exemple, avec l'appartenance au parti stalinien. Des travailleurs étasuniens ont mené des grèves acharnées, fusil en main, tout en soutenant une direction syndicale raciste et chauvine.
En dépit de son ampleur, le mouvement de 1936 a abouti à une intégration des ouvriers à l'Etat. Celui de 1968, au contraire, a correspondu à une fracture. Pour que le mouvement immédiat prépare la révolution il faut qu'il y ait en jeu quelque chose de général. C'est au niveau le plus profond, celui d'un rejet dans les faits de la logique capitaliste que se nouent des liens communistes entre prolétaires.

 

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