|
![]() |
||
Point Com |
|
|
DOSSIER : l'interprétation en langue des signes
(Février et Mai 2001)
|
Première page Dossiers Archives Revue de presse Infos sur Point Com
|
Entretien
avec Jean-François Labes, Directeur de l'Ecole française de langue des signes Propos recueillis par Isabelle Croix. Vous dirigez actuellement lEcole française de langue des signes. Pourriez-vous nous présenter la formation dispensée par cette école ? La formation de LSF (500 heures sur 5 mois en continu) est dispensée uniquement aux personnes entendantes, car il est évident quune personne sourde ne pourra jamais être interface de communication ni interprète de LSF. Cette formation est destinée aux personnes travaillant en contact direct avec des sourds dans un organisme public ou privé (collègues, chefs de service, secrétaires daccueil bilingues, etc). Elle sadresse également aux enseignants décoles spécialisées, aux parents et à la fratrie denfants sourds et aux personnes souhaitant devenir linterface de communication (uniquement entre deux personnes, linterface sadapte au niveau intellectuel de la personne sourde). Cette formation sadresse également aux étudiants souhaitant obtenir la Maîtrise de Sciences et Techniques dinterprète en langue des signes française, en les préparant au concours dentrée à lESIT (cours préparatoires 1ère et 2ème année). Notre effectif est de 9 formateurs de LSF. Nous enseignons uniquement cette langue et ne dispensons pas un enseignement général aux personnes sourdes. Par contre, il nous arrive denseigner la LSF aux sourds oralistes ou sourds tardifs ayant découvert cette langue sur le tard. De même, pour faire face à la pénurie de formateurs de LSF, nous avons monté depuis trois ans une formation intitulée " Pédagogie de lenseignement de la LSF ", dune durée de 780 heures à destination de tout public pratiquant la LSF.
Non, la langue des signes nest pas suffisamment enseignée en France. Il y a plusieurs raisons à cela : lobby du corps médical, crainte des parents davoir un enfant muet (alors quun sourd gestuel peut très bien parler), enseignants ne pratiquant pas la LSF. Depuis une dizaine dannées, il y a un net regain en faveur de cette langue : le Molière pour lactrice Emmanuelle Laborit, des pièces de théâtre et des films sur la LSF, la loi Fabius promulguant le libre choix des parents dans léducation de leur enfant sourd. Il existe trois écoles de LSF à Paris. En province, certaines
associations de sourds dispensent des cours La solution serait la reconnaissance de la LSF comme langue à part entière et lexistence dune option LSF au baccalauréat. Certains pays dEurope sont beaucoup plus avancés que nous à ce sujet. Estimez-vous que le système éducatif français offre les mêmes chances de formation et par conséquent dinsertion professionnelle aux personnes sourdes quaux personnes entendantes ? Handicapés par leur surdité, les élèves sourds partent avec moins de chances que les élèves entendants. Tous les moyens pour réussir ne sont pas fournis à tous les élèves dans les mêmes conditions (du fait de la multitude des structures et des méthodes éducatives). Sans une aide permanente (interprètes - pour les signeurs -, codeurs LPC*, cours de soutien, lecture labiale), les élèves éprouvent des difficultés à sinsérer professionnellement après la fin de leur cursus. Souvent surprotégés, ils nont développé aucun sens de lautonomie. Cette caractéristique, entre autres, rend leur insertion socio-professionnelle aléatoire. A noter que les enseignants de certaines écoles dites " spécialisées " dans léducation des sourds, en France, ne connaissent pratiquement pas la LSF, ce qui est aberrant. La raison principale en est que la LSF a longtemps été proscrite. Résultat : 80 % des personnes sourdes sont illettrées. En Europe, la France est à la traîne en matière déducation. Quelles sont les possibilités offertes aux personnes sourdes qui désirent suivre une formation supérieure ? Les universités françaises ont-elles prévu des interprètes en LSF ou dautres moyens pour permettre aux personnes sourdes de suivre leurs cours sans discrimination par rapport aux personnes entendantes ? Les universités ont, en général, réfléchi à laccessibilité aux études des étudiants handicapés. Des aides techniques et pratiques leur sont proposées. La présence dun interprète nest pas systématique ; létudiant sourd doit souvent sen préoccuper lui-même, soutenu par des associations travaillant avec les sourds. En général, il est proposé une aide technique, notamment sonore (boucle magnétique haute fréquence, photocopieuse, transcripteur, preneur de notes, tutorat sous forme daide par des professeurs ou dautres étudiants). Seules les formations universitaires sadressant directement aux sourds se destinant à lenseignement font appel régulièrement à des interprètes ou à des professeurs pratiquant la LSF, mais elles sont très peu nombreuses. Nous ne pouvons pas parler de discrimination par rapport aux personnes entendantes, mais dun problème dadéquation et dimportance des moyens mis à la disposition des étudiants sourds. En Suède, 200 interprètes de LS suédoise travaillent dans les universités ! Aux Etats-Unis, Gallaudet Université (Washington) est la seule université au monde réservée aux sourds et dispensant des cours uniquement en langue des signes américaine (ASL).
Oh oui ! Cétait fabuleux pour la communauté des sourds quand elle apprit que la directrice de lESIT de lépoque, Mlle Seleskovitch, décida, en 1993, quun organisme aussi mondialement réputé dispenserait une formation dinterprète de LSF, bien que cette langue ne soit pas officiellement reconnue. Je devine quil fallait beaucoup daudace pour prendre une telle décision. Désormais, tôt ou tard, lEtat et lEducation nationale devront se faire une raison. La reconnaissance est en cours. Il est aberrant que lEtat ne reconnaisse pas la LSF tout en faisant appel à des interprètes de LSF pour des interprétations auprès des tribunaux. Vous avez bien voulu nous transmettre le texte dune proposition de loi tendant à la reconnaissance de la Langue des signes française. Pourriez-vous nous préciser qui a été à linitiative de ce projet et quel enjeu il représente pour la communauté sourde ? Depuis des années, deux associations nationales de sourds manifestent ensemble pour la reconnaissance de la LSF : la Fédération Nationale des Sourds de France (FNSF) et le Mouvements Des Sourds de France (MDSF)**. Le projet de loi a été élaboré par le président (sourd) du MDSF, Patrick Liger, et son secrétaire général, René Bruneau. Lenjeu est énorme, mais aussi très coûteux. Des centaines décoles devront revoir leur programme déducation, des enseignants devront être formés. Des centaines de postes dinterprètes devront être créés aussi bien dans les organismes publics et privés que dans les universités. Cest un moindre mal au regard de léradication de lillettrisme des personnes sourdes. * Le LPC (langage parlé complété) est une technique daide à la lecture labiale. Pour en savoir plus à ce sujet, visitez le site www.wanadoo.fr/alpc/ ** www.multimania.com/fnsf et www.visuf.org/mdsf/ © Copyright 2001 - Association des Anciens Elèves de l'Ecole Supérieure d'Interprètes et de Traducteurs de l'Université de Paris - Tous droits réservés. |
La langue des
signes française Entretien avec Jean-François Labes, Directeur de l'Ecole française de langue des signes Le quotidien d'une interprète de LSF en province Tour d'Europe de la langue des signes
|
![]() |