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DOSSIER :
l'interprétation en langue des signes (Février et Mai 2001)
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La
langue des signes française (L.S.F.) Article d'un collectif d'enseignants de l'Ecole française de langue des signes. " Tout ce que je puis dire de la langue des gestes, cest que peu de parlants, encore aujourdhui, savent précisément en quoi elle consiste et quel est son génie particulier. Loin dêtre aussi compliquée dans lexpression de la pensée quon se limagine communément, elle ne se compose que dun petit nombre déléments constitutifs, combinés à linfini, et animés, vivifiés par le jeu de la physionomie ; " (Ferdinand BERTHIER). 1. La L.S.F. est une langue. La L.S.F. est une langue, comme langlais ou le chinois, avec sa propre grammaire et sa propre syntaxe. Une langue nest pas inventée par quelquun, elle nest pas née un beau jour elle se forme toute seule, avec le temps, dans une communauté humaine, parce que les membres de cette communauté ont un besoin fondamental de communiquer entre eux. Lhistoire de la communauté et lhistoire de la langue sont inséparables. Cest lhistoire dune langue minoritaire, parfois acceptée par la communauté majoritaire des entendants au sein de laquelle elle vit, mais souvent aussi ignorée par elle, sinon même interdite et persécutée. Une langue comporte des variations régionales (dialectes) mais aussi des niveaux de langage différents en fonction des types de situations vécues, tels que le langage courant, le langage officiel, le langage écrit, pratique, les jargons, largot Cette richesse et cette diversité expriment exactement ce que les membres dune communauté ont à dire, en détail, partout, à tout âge, et dans toutes les situations de la vie. 2. Bref historique 1. Jusquau milieu du XVIIIe siècle, à la suite de quelques précurseurs, des sourds ont pu être éduqués avec succès. On a découvert quils sont intelligents et quils peuvent apprendre un langage pour exprimer leur pensée ! Mais il nest pas question que ce langage puisse être autre que la langue orale des enseignants qui les éduquent. Certains pensent toutefois quil serait utile dapprendre les " gestes naturels " des sourds et lusage quon pourrait en faire. 2. Cest labbé Michel de LEPEE (1712-1789) qui exprime une idée nouvelle : les gestes pourraient exprimer la pensée humaine autant quune langue orale. Il crée chez lui une petite école et il y développe un système quil appelle " signes méthodiques ", les mêmes que ceux utilisés par les sourds entre eux. Les signes méthodiques étaient une méthode efficace de dictée visuelle mais en aucune manière une langue. Ceux-ci ont été créés artificiellement. Il était vain de vouloir enseigner quoi que ce soit aux sourds, sans tenir compte de leur identité culturelle, cest-à-dire sans passer par la langue maternelle qui lexprime. Il a réussi à imposer à lopinion lidée que les sourds sont des hommes comme les autres. BEBIAN (1749-1834) propose une éducation véritablement bilingue. Il soutient et prouve que, pour lenseignement des sourds, le recours à la langue des signes est irremplaçable. La reconnaissance de la langue des signes comme langue denseignement a entraîné la reconnaissance de la communauté des sourds comme telle, et celle de la langue des signes comme langue de cette communauté. 3. Le milieu du XIXe siècle va être lépoque dun formidable développement du " mouvement sourd " en France. Création de nombreuses associations. Ferdinand BERTHIER, professeur sourd, est le " mobilisateur " de la communauté sourde. 4. Querelle des oralistes et des gestualistes Pendant toute cette période de développement de la communauté des sourds, les querelles continuèrent entre, dun côté, les éducateurs qui font appel à un enseignement gestuel lié à la culture et à la communauté des sourds, et, de lautre, ceux qui lexcluent pour concentrer tous leurs efforts sur lenseignement de la parole. Plusieurs raisons vont faire que les oralistes vont lemporter : la majorité denseignants entendants, linstruction obligatoire de Jules FERRY qui appelle luniformisation des méthodes déducation et létouffement des langues minoritaires, le progrès technique qui apporte aux sourds, avec le début de lappareillage, lespoir de rejoindre en toutes choses le monde des entendants. Lusage des signes est supprimé peu à peu en France. Paris et Lyon restent les derniers bastions de léducation gestuelle en France. Le Congrès de Milan, en 1878, est laboutissement final dune évolution, après des années de conflits : " la méthode orale pure doit être préférée ". Le retour à loralisme pur est dans la logique des prétentions du XIXe siècle de fondre les sourds dans la société des entendants. Le XXe siècle en a ajouté dautres : la révolution et la miniaturisation des prothèses, la chirurgie, lorthophonie veulent faire croire que la rééducation de la parole dont on parle aujourdhui pourra obtenir de meilleurs résultats que léducation dont on parlait alors. Cest la confusion entre la " déficience " dont il appartient à la science de venir à bout si elle le peut, et la " différence " constituée par son originalité culturelle et socio-linguistique dont tout mode déducation devrait tenir compte. Linterdiction de la langue des signes a été prononcée et appliquée dans les écoles. 5. La secousse de Mai 1968 a éveillé une sensibilité nouvelle à la diversité des cultures en France et rendu leur droit de parole aux minorités linguistiques (bretonne, basque, occitane ). Le droit à la différence est invoqué, aboutissant à la prise de conscience collective dans ces dix dernières années de la langue des signes comme source et instrument de la culture source (Congrès de Paris, 1971). Des expériences bilingues sont tentées dans quelques institutions, écoles et centres déducation précoce. Le temps séloigne où lon ne voulait plus entendre parler de gestes 3. Fonctionnement de la LSF Comment se sert-on de la L.S.F. pour exprimer ce quon a à dire ? De même que les entendants ne sexpriment pas oralement au hasard, les sourds qui sexpriment en L.S.F. nutilisent pas des gestes au hasard. Les sourds, comme les entendants, obéissent, chacun pour leur propre langue, à un ensemble de règles quon appelle grammaire. Pour la L.S.F., la grammaire règle la formation des signes, la conception des phrases gestuelles. Cette grammaire gouverne lusage du corps : comment les mains et les bras bougent dans lespace et quelles expressions du visage et mouvements de tête et dépaules les accompagnent Lapprentissage de la L.S.F. par les entendants qui lapprennent comme une seconde langue sera aussi difficile que lapprentissage de toute autre langue étrangère. Pour la L.S.F., les enfants auront aussi à shabituer à la modalité corporelle et visuelle. Pour parler une langue, il faut fréquenter les gens qui la parlent et la pratiquer avec eux pour devenir familier de son fonctionnement. Chaque signe est construit par la combinaison de cinq éléments ou paramètres qui se font tous en même temps (à la différence des phonèmes, voyelles et consonnes, en langue parlée, qui se suivent lun après lautre) : 1. la configuration (la forme de la main) : 35 formes environ ; 2. lorientation (de la main et des bras) ; 3. lemplacement (lendroit où le signe se fait : sur le corps, une quinzaine, dans lespace, trois endroits principaux) ; 4. le mouvement (de la main ou des bras) ; 5. lexpression du visage. Ce sont les éléments de base de la grammaire de la L.S.F. Les signes construits avec ces paramètres vont senchaîner pour faire des phrases gestuelles. Dans la formation dun signe, la combinaison des paramètres ou éléments est simultanée (tous en même temps), alors quavec la voix, lenchaînement des sons est linéaire (lun après lautre) puisquon ne peut faire quun son à la fois. La voix a donc le désavantage de ne pouvoir émettre plusieurs sons en même temps, mais lavantage de les faire très vite lun après lautre. De son côté, la langue gestuelle, dont les mouvements sont plus longs à faire que les sons à émettre, a lavantage doffrir une très grande variété dexpressions simultanées. Pour ces raisons, une proposition entière en L.S.F. ne prend, en moyenne, ni plus ni moins de temps à signer quune proposition en français à dire. La L.S.F. est faite pour être vue, le français pour être entendu. La L.S.F., par la simultanéité et les petits changements des paramètres, va concentrer plus dinformations dans un seul signe que ne le peuvent les organes vocaux dans un seul mot. 4. Le français signé Entre sourd et entendant qui ne maîtrisent pas la langue de lautre, se développe une sorte de mélange entre les deux langues qui sappelle le " français signé ". Il sagit de trouver un territoire commun entre les deux langues et que chacun y trouve son compte. Le français signé va essayer de calquer les signes sur les mots français et donc privilégier lordre des mots (on parle en même temps ; cest la communication bi-modale). Il ny a presque plus de nuances dutilisation de lespace, dexpressions du visage comme en L.S.F. Pour compenser ces manques, on sera amené à épeler beaucoup de mots en dactylologie ou même à créer des mots artificiels. La phrase risque de devenir très longue, visuellement surchargée et fatigante. Avec le français signé, sajouteront aussi plus ou moins de lecture labiale, de communication non verbale et même éventuellement décrit. Si le français signé a des limites, il demeure cependant très utile pour des rencontres entre sourds et entendants. Si ce moyen de communication est un peu fatigant pour les uns et les autres, il est plus efficace et bien moins épuisant que la parole et la lecture labiale seules. © Copyright 2001 - Association des Anciens Elèves de l'Ecole Supérieure d'Interprètes et de Traducteurs de l'Université de Paris - Tous droits réservés. |
La langue des signes française Entretien avec Jean-François Labes, Directeur de l'Ecole française de langue des signes Le quotidien d'une interprète de LSF en province Tour d'Europe de la langue des signes
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