5.1 Introduction
La grande nouveauté des Tercio au début du XVI siècle est la présence dans une même unité tactique, de piquiers pour repousser la cavalerie lourde et de tireurs pour réduire la capacité offensive de l’infanterie ennemie. Au XV siècle les Suisses montrent qu’une infanterie disciplinée et organisée en carrée pouvait battre la cavalerie lourde médiévale, comme le montre leurs victoires de Grandson (2 mars 1476) et de Morat (22 juin 1476) contre la cavalerie du duc de Bourgogne Charles le Téméraire.
Les Espagnols vont améliorer le système en introduisant, la puissance de feux des arquebuses, et une organisation tactique qui combine les deux armes, ce sera le Tercio.
Par la suite, toute une école de l'art de la guerre se développera en Europe, en particulier aux Pays-Bas (avec par exemple, Maurice de Nassau, Wilhelm Dilich, Johann Jacob Von Walhaussen), afin de contrer cette terrible infanterie espagnole.
5.2 La tactique des Tercios (XVI siècle)
5.2.1 L'escadron de Batailles
Sur un champ de bataille, les Tercio étaient déployés en un ou plusieurs escadrons. Un escadron regroupait les piquiers au centre, formant un carré et les tireurs sur les ailes, au quatre coins de ce même carré. Grâce à cette disposition les tireurs pouvaient harcelaient l’infanterie ennemie et les piquiers formaient une forteresse ou les arquebusiers se réfugiaient des charges de la cavalerie ennemie.
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Schéma tactique d'un escadron d'un Tercio de 3000 hommes. Les piquiers forment un carrée avec les piquiers au centre. Les deux garnisons d'arquebusiers sont placées sur les ailes. Les arquebusiers sont déployés dans 4 mangas de 240 soldats qui peuvent combattre de forme indépendante.
Les mousquetaires n'avaient pas de place prés-définie, mais comme dans ce cas, ils pouvaient se tenir en avant pour tirer, à longue distance, sur la formation ennemi. Les drapeaux sont placés au centre du carré de piquiers.
L’escadron typique, le Cuadro de Terreno (ou Carré de Terrain) est représenté ci-dessus. On estimait que chaque homme était au centre d'un carré de 0,32 m x 0,32 m. Chaque piquier avait ses voisins à 0,64 m, sur les cotés et 1,92 m devant et derrière, par contre pour les tireurs on avait respectivement 0,96 m et 1,92 m . De ce fait les piquiers de l'escadron sont déployés sur un front de 56 m sur une profondeur de 54,1 m + 4,8 m pour les étendards. Les étendards des compagnies étaient placés au centre du carré sur une même ligne qui occupait 2 rangs. Les deux garnisons d'arquebusiers étaient déployées, en générale, sur un front de 5 hommes. Les arquebusiers étaient regroupés généralement en quatre blocs ou "Mangas" de 150 à 300 hommes, qui étaient situés au quatres coins du carré de terrain. Enfin les mousquetaires devaient renforcés les mangas d'arquebusiers ou formaient eux-même des mangas indépendantes.
Cet escadron avait plusieurs variantes comme:
- celui dit de "El gente",
- celui dit de "El prolongado",
- celui dit de "El prolongado de gran frente".
Dans la réalité l’organisation de l’escadron dépendait de la situation tactique, le Mestre de Camp organisait ses compagnies et le capitaine ses sections ou escadres. Suivant l’adversaire, la situation tactique, le terrain et le nombre d’homme disponible, le sergent major, qui avait la tache d’organiser l’escadron, tenait compte de tous ces facteurs avant de placer ses troupes.
Déploiement de deux tercios :
i) Carré de terrain "El Prolongado de Gran Frente" avec 650 piquiers et 800 mousquetaires et arquebusiers sans compter les officiers.
ii) Carré de terrain "El Gente" avec 600 piquiers et 890 mousquetaires et arquebusiers sans compter les officiers.
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Avec le temps le gros escadron de 3000 hommes disparue pour laisser la place, vers la fin du XVI siècle, à un escadron de 800 à 1500 hommes ne comptant plus que 300 à 600 piquiers.5.2.2 Les mangas d'arquebusiers
Les mangas d'arquebusiers étaient beaucoup plus mobiles que les piquiers et les officiers espagnols utilisaient abondamment cette caractéristique. Alors que les garnisons d'arquebusiers restaient avec les piquiers, les mangas étaient le plus souvent détachées du gros des troupes pour combattre en avant-garde ou sur les flancs à la façons de l'infanterie légère du XVIII - XIX siècles. De nombreuses bataiilles (cf. Jemmingen ) montrent que la décision fut obtenue par ces avant-gardes d'arquebusiers, bien avant l'arrivée des escadrons de piquiers.
Bien que nous manquions de détails pour savoir qu'elle était la tactique de feux des arquebusiers, il est probable qu'ils tiraient en rang en marche et que les mangas étaient déployées de 3 à 12 rangs, suivant le type de feux désiré. Les escarmouches étaient l'action par excellence des arquebusiers espagnols.
Chez les piquiers, les hallebardiers étaient plus mobiles que les hommes armés de la pique et ils étaient souvent associer aux mangas pour soutenir les tireurs contre la cavalerie quand ceux-ci étaient loin de l’escadron. Lors des charges de cavalerie, pour éliminer ces avant-gardes, les hallebardiers formaient un cercle ou venaient se réfugier les tireurs.Occasionnellement, plusieurs compagnies étaient organisées en Tropas, nous dirions régiment de marche en français. Ces tropas servaient à amener des compagnies de renforts qui étaient dissoutes une fois arrivée à destination. Quelque fois les tropas étaient utilisés en campagne.
La supériorité du Tercio résidait sur une combinaison des différentes armes mais plus sûrement sur une discipline de fer et sa capacité à constituer des groupes de combat, comme les mangas (avec ou sans piquiers/hallebardiers) ou les tropas, très mobiles pour l'époque.
5.2.3 Le Tercio en Mouvement
Lors d’un déplacement d’un Tercio espagnol fin du XVI siècle début du XVII, on avait: En tête, l’une des deux compagnies d’arquebusiers, avec ses mousquetaires et ses hallebardiers / piquiers. Elle était suivit par tous les mousquetaires réunis des compagnies de piquiers, puis par la moitie des arquebusiers de ces mêmes compagnies. Ensuite nous trouvions une partie des piquiers, puis les bannières au centre de la colonne, le reste des piquiers et l’autre moitie des arquebusiers des compagnies de piquiers. Enfin les non-combattants et l’équipage suivaient le Tercio, et la 2° compagnie d’arquebusier fermait la marche en arrière-garde, récupérant les traînards et éventuellement les déserteurs. Des éclaireurs, protégeaient les flancs et éclairer l’avance du Tercio. Cette disposition pouvait se modifier suivant que la marche s’effectuait en terre amis ou ennemis, en particulier la position des non-combattant qui marchaient en avant-garde en temps de paix. Si la nécessite tactique le demandait, l’ordre de laisser les bagages et les non-combattants était donné et le Tercio marche avec uniquement ses combattants.
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Représentation schématique de l'ordre de marche d'un Tercio de 1500 hommes (2 compagnies d'arquebusiers et de 13 compagnies de piquiers). les compagnies d'arquebusiers ont environ 10 officiers, 10 piquiers, 20 mousquetaires et 60 arquebusiers. Note: les officiers marchaient avec leurs soldats ou étaient à cheval s'ils en avaient une monture.
5.3 Les modèles Hollandais et SuèdoisVers la fin du XVI siècle et le début du XVII de grands capitaines comme Maurice de Nassau ou le fameux roi de suède Gustave – Adolphe proposent de nouveaux modèle tactique. L’idée était d’augmenter la puissance de feux et la mobilité des unités.
5.3.1 Le modèle Hollandais
Suite au revers essuyer contre les espagnols en Flandres, le nouveau chef militaire de la rébellion hollandaise, Maurice de Nassau, cherche de nouveaux modèle pour contrer l'avantage tactique des Tercios.
Dans le modèle hollandais on a réduit le nombres d’homme par compagnie (150 hommes en 1600, puis 113 hommes par la suite), augmenter le nombres de tireurs par rapport aux piquiers (60% du total) et augmenter la proportion d'officiers. Ensuite les hollandais vont réduire le nombres de rangs à 10 rangs pour présenter un front plus large. Tactiquement, les compagnies sont organisés en régiments provisoires de 800 à 1000 hommes subdivisés en 4 sous unités, ou "Hopen" en flamand, de piquiers ou de tireurs. En générale, un escadron ou division avait 1 hopen de piquiers à l'avant et 1 hopen de tireurs derrières les piquiers, qui pouvait ce déployer sur les ailes.
On pourra ajouter que les hollandais vont mettre au point une méthode d'entraînement pour leurs fantassins qui sera largement exporter en europe. Cette méthode s'appuie sur une décomposition des mouvements du mousquetaire et des piquiers qui sont appris par cœur par les soldats.
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Disposition tactique d'un régiment provisoire Hollandais de 1 000 hommes, subdivisé en deux division ou escadron.
Déploiement en losange d'une "brigade" hollandaise formé par 4 régiments provisoire.
Généralement l'infanterie hollandaise était déployée en trois "brigades" de 4 régiments provisoire dénommé: avant garde, bataille et arrière garde. Le reste des mousquetaires devait garder les bagages ou des positions particulières. Dans le système hollandais le déploiement des brigades permettait d'avoir 3 lignes de régiments provisoire qui pouvaient se soutenir horizontalement et verticalementLors de la première bataille des Dunes en 1600, Maurice de Nassau mettra en pratique ses "hopens". Ces 9 000 fantassins seront subdivisés en 18 escadrons/divisions (9 régiments provisoires), organisés sur 10 rang, cette disposition lui donnera une grande flexibilité de manœuvre (note: lors de cette bataille, les Tercios sont eux-même organisés sur 12 rangs). De même sur une gravure de Dilich (cf. B. Colson ) montrant un ordre de marche de l'armée de Maurice de Nassau, on peut distinguer 28 hopen de tireurs, 10 hopen de piquiers et 20 escadrons de cavalerie.
En 1610 lors de la revue précédent l'expédition de Julich la brigade de l'arrière garde est composée de troupes française provenant des régiments de Châtillon et Béthune et regroupant 3320 hommes et 4 régiments provisoire (830 hommes par régiments provisoire).
En fait, l'œuvre majeur de Maurice de Nassau sera de créer une armée de campagne permanente, disciplinée et bien entraînée, dont la fidélité était assurée par une paye régulière. Nous pourrions ajouter que les hopens hollandais étaient parfaitement adaptés aux conditions de guerre dans les Pays Bas, une terre humide entrecoupée de canaux, de marias, de rivières et de grand fleuve.
5.3.2 Le modéle suédois
En montant sur le trône en 1617, le nouveau de Suède doit faire face à une série de guerres contre la Pologne, le Danemark et la Russie. Pour réformer son armée, Gustave Adolphe va amélioré une version allemande du modèle hollandais, le landesdefension. Le landesdefension est un modèle de défense qui n'était pas trop cher et qui utiliser largement des troupes levées localement.
Chez les Suédois, le ½ régiments de 600 hommes va remplacer les régiments provisoires hollandais. Tactiquement, le ½ régiment regroupait 3 lignes: une 1º ligne de piquiers, une 2º ligne de mousquetaires et une 3º ligne de mousquetaires de réserve. Le "carré" de piquiers a une profondeur de 6 voire 5 rangs et les mousquetaires sont placés sur une profondeur de 6 rangs.
Disposition Tactique d'un ½
régiments Suédoise de 504 soldats sans les 64 Officiers
et sous-officiers.
Afin de soutenir les piquiers, les mousquetaires, de la 2º ligne, pouvaient se déployés de part et d'autres des piquiers ou seulement sur l'un des flancs. Enfin, la 3º ligne de mousquetaires, ou reserve, pouvait fournir des hommes pour les détachements de mousquetaires qui appuyaient la cavalerie.
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Chez les suédois (du moins à l'époque de Gustave Adolphe) les ½ régiments sont ensuite regroupés en "brigade" de 1500 à 2000 hommes. Les Brigades étaient ensuite déployaient sur deux lignes, ainsi lors de la bataille de Lützen (1632) la première et la deuxième lignes Suédoise avaient chacune 4 brigades.Une des principales influences de Gustave – Adolphe est sa vision de la puissance de feux sur le champs de bataille. Les mousquetaires Suédois avaient pour instruction de retenir le feux jusqu'a 30-50 m. Les trois premiers rangs tireraient une volées de balles sur la formation ennemi, puis ensuite les trois derniers rangs tiraient. Après, la formation ennemi était attaquée au corps à corps. L'introduction de pièces d'artillerie de 3 - 4 livres au niveau du ½ régiment renforçait la puissance de feux des mousquetaires (ces canons étaient servis par deux hommes).
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Disposition Tactique d'une "brigade" Suédoise à 3 x ½ régiments de 1512 soldats et 328 officiers et sous-officiers
Le modéle suédois a vu sa consécration lors des batailles de Breitenfeld (17/09/1631) et de Lützen (16/11/1632) contre les forces Impériales du Saint Empire (note: Les Tercios espagnol n'ont pas participé à ses deux batailles). Lors de la bataille de Breitenfield, l'infanterie Suédoise était répartie en 21 ½ régiments (7 brigades) soit environ 12 700 hommes, plus environ 12 - 13 détachements de mousquetaires (~ 2 400 hommes) mélangées aux 28 escadrons de cavalerie (~ 8 000 cavaliers). Par contre, l'infanterie impériale est organisée à "l'espagnol", en 14 escadrons de 1500 hommes (50 files de 30 hommes). L'impact européen de cette bataille fut considérable. Par la suite la plupart des armées du vieux continent s'efforcèrent de copier le modèle suédois.
La tactique suédoise avait de nombreux avantage, mais également quelques inconvénients:
La victoire des Tercios espagnols à Nordlingen s'explique en partie par la solidité et la profondeur des troupes espagnoles (les espagnols sont sur 10 rangs de profondeur) face aux suédois dont la meilleure mobilité ne fut pas exploitée. De même une tactique particulière permis aux espagnols à résister aux salves de l'infanterie suédoise. Afin de réduire les pertes, les officiers espagnols obligeaient leurs hommes à mettre un genou à terre lorsque les Suédois tiraient leurs volées.
- Premièrement seule une troupe disciplinée et bien entraînée pouvaient effectuée toutes ses manœuvres et resister aux chocs du feux ennemi,
- Deuxièmement le dispositif en ligne avec peu de profondeur était excellent pour la défensive, il était par contre beaucoup moins bon pour une action offensive ou la ligne pouvait se disloquer. Pour palier cet inconvenient, Gustave Adolphe avait formé certain ½ régiment en colonne lors de la bataille de Breitenfeld en 1631.
- En dernier lieu, la formation de la brigade suédoise fut abandonnée après la mort de Gustave Adolphe à Lützen, elle demandait trop d'entraînement. Le ½ régiment ou "bataillon" de 500 hommes (ou moins) devint la formation tactique par excellence, avec plus de mousquetaires et moins de piquiers dans une proportion de 2 : 1. Ce bataillon déployait son bloc de piquiers au centre et les deux blocs de mousquetaires sur les ailes.
5.4 Evolution de la Formation Tactique des Tercios au XVII siècleBien que nous n'ayons pas beaucoup de renseignement sur l'organisation tactique des Tercios du XVII siècle, les Tercios se sont adaptés aux diffèrent progrès tactique introduit par ses ennemies. Par exemple, dans la formation dit "de Prolongado de gran frente" on réduisit le nombre de rangs à dix au maximum. De même, il est probable, qu'une partie des innovations de Maurice de Nassau ou de Gustave - Adolphe étaient déjà en pratiques dans les Tercios, mais peu de grands capitaines espagnols ont écrit sur le sujet.
Déploiement possible d'un Tercio de 153 officiers (15 compagnies) et 1057 soldats vers 1625 -1635. Les piquiers sont déployés sur 10 rangs sans compter les portes drapeaux et les tireurs sur 9 et 3 rangs.
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Il faut également tenir compte du fait, que les compagnies des Tercios comportaient en moyenne de 80 à 150 hommes, avec une forte proportion de tireurs (de 60 à 70 %). On retrouve ainsi, des effectifs plus proches des compagnies hollandaise et suédoise. Avec l'habitude des espagnols de détacher une partie des mangas de tireurs pour harceler les forces ennemies, les escadrons comptaient un maximum de 1 000 hommes et plus généralement 800 - 900 hommes, suivant Hardy de Périni.
Lors de la bataille de Rocroi en 1643, les 4 500 espagnols étaient regroupés en 5 "bataillons" de 900 hommes. De même, suivant de la Cuesta, le gros Tercio de Garcies formait deux bataillons ce qui indique que les espagnols ne voulaient pas d'unité avec trop d'hommes.
A la même époque, lors de la bataille de Montijo (campagne du Portugal, 1644), les escadrons des Tercios étaient déployés sur 6 rangs et avaient un effectif moyen de 600 hommes. On a ainsi des formations tactiques proches de celle de l'infanterie Suédoise. La figure suivante montre les 3 déploiements tactiques, sur 6 rangs, les plus courants dans l'armée espagnole au milieu du XVII siècle.
Déploiments possible d'un Tercio d'environ 80 officiers/sous-offficiers et 630 soldats (1/3 piquiers et 2/3 tireurs) au milieu du XVII siècle. ![]()
a) les piquiers sont au centre flanqués par deux mangas de mousquetaires
b) les mousquetaires sont en 1° ligne avec les piquiers et leurs garnisons de mousquetaires en arrière près a les appuyés
c) les piquiers sont en avant sur trois rangs avec les mousquetaires en arrières.
L'ordonnance de 1685, modifia la composition des compagnies et codifia également la disposition tactique d'un "escadron" de 432 hommes et de 36 à 72 officiers. Les soldats sont déployés sur 4 rangs et réparties en 18 "sections": 4 x Mangas d'arquebusiers, 6 x Mangas de Mousquetaires, 6 x Blocs de piquiers et 2 x Garnisons d'Arquebusiers. Comme auparavant les mangas pouvaient combattre loin des piquiers, alors que les garnisons ne devaient pas les quitter. A plein effectif (ce qui était très rare), un Tercio pouvait former deux escadrons (ie bataillons) de 6 compagnies. Le maintient des garnisons d'arquebusiers est une spécification très espagnole.
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Déploiement d’un escadron de 432 hommes (sans les officiers et les musiciens d'un Tercio suivant l'ordonnnace de 1685.
La tactique de feu est la suivante:
Les soldats du premier rang tiraient, ensuite ils s'agenouillaient pour recharger, les soldats du deuxième rang tiraient par-dessus les soldats du premier rang, puis s'agenouillaient à leur tour. Lorsque les soldats du dernier rang avaient tiré, les tireurs du premier rang étaient prés pour faire feux. Cette ultime formation montre que les Tercios ont su évoluer au changements tactiques qui ont été introduits au cour du XVII siècle.
S'il y eu retard dans la tactique des Tercios, il vaut mieux la rencontrer dans l'utilisation tardive d'arquebuses ou "mousquet léger" qui avait une porté plus faible que les mousquets à silex de la fin du XVII siècle. La raison semble être plus un facteur économique que tactique.
5.5 La formation tactique de l'infanterie française sous Louis XIVA la fin du XVII siècle l'armée française devient progressivement la plus puissante d'europe. En 1690, la France avait une armée de 343 000 hommes, en comptant les différentes milices (milice royale, milice garde - côte et milice locale) et l'armée de la mer on a 600 000 hommes en tout, dont 500 000 français.
Suivant l'évolution tactique des suédois, l'armée de Louis XIV s'organisa en bataillon permanent de 80-90 officiers / sous-officiers et 600 - 850 hommes.
Tactiquement ces bataillons étaient regroupés en Brigade de 2 à 6 bataillons ( normalement 2 régiments). Ainsi lors de la bataille de la rivière Ter en 1694, l'infanterie française est organisée en 6 brigades d'infanterie regroupant 30 bataillons.
Le déploiement des bataillons s'effectuent sur deux lignes, séparées par 80 m ou chaque bataillon couvrait un front de 96 à 162 hommes (suivant les effectifs disponibles) sur 8, 6 rangs puis sur 4 rangs avec l'introduction du mousquet à silex. A partir de 1670, les grenadiers gardaient les flancs de la formation.L'armée espagnole de Philippe V utilisera se déploiement lors de la guerre de succession, à partir de 1702.
Le feu par rang et le tir par file
La figure suivante montre le tir par "file" et le tir par "rang". Cette figure représente deux compagnies de mousquetaires de 80 hommes (10 files de 8 hommes) qui couvrent un front de 40 pas (20 mètres) sur 8 rangs. Ce type de feu permet de maintenir un feux constant de 40 balles/minutes (si on tient compte que la manœuvre prends 15 - 20 secondes).
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(i) Dans le tir ou Feu par file, la file désignée avance mèche allumée pour dépasser le front de la compagnie, s'aligne face à l'ennemi, tire et revient à sa place par un mouvement inverse pour recharger. Pendant ce temps une autre file (en orange) se prépare à faire mouvement.
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(ii) Dans le tir en "rang", le premier rang tire, puis passe derrière pour recharger. Le deuxième rang fait un mouvement vers l'avant pour ce positionner et tirer, les autres rangs suivent le mouvement vers l'avant. Une des variantes du tir par rangs est le tire par rang en marche, dans ce cas le rang qui vient de tirer se décale pour laisser passer leurs camarades du deuxième rang et ainsi de suite. Cette tactique était développée et publiée par les hollandais (retour ), mais les espagnols (retour ) l'utilisait sûrement.Tir par rang de deux divisions (Infanterie Hollandaise)
Un autre sytème de feu utilisé par l'infanterie hollandaise, c'est le feu par rang par des sous-unités de 30, 40, 50 ou 60 hommes (3, 4, 5 ou 6 files de 10 hommes, voire plus). Chaque unité ou divisions étaient séparés par une distance de 2 mètres.
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La figure montre 3 divisions de 40 mousquetaires ou le deuxième rang (en rouge) de chaque division est en train de tirer alors que le premier rang marche vers l'arrière pour recharger. Avec des troupes entraînées, chaque sous-unité pouvait tirer 4 balles toutes les 15 secondes.
Le feu par volée ou salve:Dans le feu par volée il s'agit d'envoyer le maximum de balles en une volée, ce n'est pas un feu continu.
Lors d'une volée le 3º rang avançait vers l'avant et le 2º rangs se décalait sur la droite. Ainsi Le premiers rang était à genou, le deuxième rang voûté, et le troisième rang debout. Une formation de 60 mousquetaires pouvait tirer 2 volée de 30 balles.![]()
Dans le cas ou les trois derniers rangs se déployaient sur la droite le détachement pouvait tirer une volée de 60 balles toutes les 2 min.
La tactique de l'infanterie suédoise consistait à tirer une ou deux volées sur la formation ennemi puis ensuite à l'attaquer à l'arme blanche (épée et pique). (retour ).
Note: Ces mouvements se faisaient au commandement des officiers et seules des unités disciplinées et entraînées pratiquaient bien ces manœuvres. Le nombre de rangs diminua rapidement avec l'introduction des cartouches en papier et la simplification due la mise à feux du mousquet. On avait 6 rangs dans l'armée suédoise de 1631 et en 1673 le manuel de Jan Boxel ne montre plus que 4 rangs.
5.7 La guerre de siègeL'utilisation de l'artillerie à grande échelle lors des guerres d'Italie ont révolutionné l'art de la fortification, la muraille médiévale étant devenue une cible parfaite pour l'artillerie, avec son front lisse et sa hauteur de 10 à 12 m. Les italiens furent les premiers a modifier les murailles de leurs ville en rajoutant des fortifications plus basses, plus large, contenant une pente et ayant une forme triangulaire ou pentagonale pour couvrir tous les angles, ce sera le fameux rempart bastionné ou la trace italienne .
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Profile d'une place fortifiée,
suivant la technique du rempart bastionné au XVII siècle.
Le parapet principal était généralement couvert
de brique ou de gazon. La lisière servait à recueillir
les débris du rempart, afin de ne pas obstruer le fossé.
En Flandres, la plupart des places forte avaient un fossé
remplie d'eau, ce qui compliquaient les opérations de siège.
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Les guerres d'Italie achevées, les italiens exporteront la fortification bastionnée en Flandres, en France et puis dans le reste de l'Europe. Des lors l'art des fortifications devient une science qui progressera beaucoup dans la deuxième moitié du XVI siècles et tout au long du XVII siècle. En France Vauban sera l'architecte du système défensif de la France.
Diagramme montrant
les fortifications bastionnés de la ville de Stenvensweert
vers 1575, situé le long de la Meuse, ainsi que la vielle
muraille médiévale. Avec leurs canaux, les hollandais
faisait un usage intensif des fossés remplie d'eau.
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Avec ce nouveau rempart la prise d'une place peut prendre des mois, voire des années ce qui implique une concentration d'homme et de matériel jamais vue auparavant. Il faudrait aussi ajouter qu'avec la science de la fortification, la science de l'attaque d'une place fera également de gros progrès, Maurice de Nassau ou Vauban était aussi de redoutable preneur de forteresse.Pour ce qui concerne les Tercios d'infanterie, ils ont participé a de très nombreux sièges, dont certain ont marqué leur époque comme le siège de Haarlem en 1572-1573, le siège de Alkmaar en 1573, le siège de Leyden en 1574 ou celui de Breda en 1625 (cf. la peinture de Velasquez).
La technique de siège était la suivante: L’attaquant devait dans un premier temps édifier son camp retranché et bloqué les communications de la place assiégée tout en protégeant les siennes. Ensuite un conseil de guerre devait établir qu'elle partit de la place était la plus vulnérable afin d'établir un complexe réseau de tranché (une tranché avait 1,6 m de profondeur et 3,2 m de large) entre le camp des assiégeants et la zone d'attaque. Le meilleur moyen d'ouvrir une brèche dans la place forte était d'amener une batterie à porté de tire et de canonner le rempart ou "battre la brèche". Cette ou ces batteries devaient être protéger contre les sorties des assiégés et être bien ravitaillées. De même, des travaux de sape et de mine étaient fréquents pour accélérer la reddition de la place. Lors du siège de Harlem en 1572, les espagnols avaient 18 canons repartis en trois batteries de 7, 9 et 2 pièces.
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Diagramme montrant l'attaque d'une place
forte par Fernandez de Mendrano , qui
était un officier des Tercios au cour du XVII siècle.
Le réseau de tranchée permettait de se déplacer
du camp fortifié vers la zone d'attaque. Ce réseau comprenant
des tranchées parallèles à la place forte et
des tranchées de communication perpendiculaire. Dans les batteries,
les cannons les plus lourd devaient détruire la muraille adverse
et les pièces les plus petites devaient réduire au silence
les pièces d'artillerie ennemie. Enfin des détachements
de protection assuraient la gardes des batteries et des ouvrages de
sapes.
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Une fois la brèche effectuée, on espérait que la place capitulerait avec les honneurs, dans le cas contraire il fallait lancer un assaut, qui en cas de succès provoquait généralement un bain de sang parmis les défenseurs et les habitants de la place.De manière générale un siège était une affaire coûteuse en vie humaine. A Harlem les deux assauts coûteront près de 350 tués aux Tercios engagés. De même lors du siège de Alkmaar, les deux assauts coûteront plus de 700 tués et blessés à l'infanterie espagnole, alors que les défenseurs ne perdront que 50 hommes. En fait un siège était une affaire coûteuse en hommes et en argent et un bon réseau de fortification pouvait efficacement protéger un pays ou une région (voir la ceinture de fer française créée par Vauban pour protéger le nord de la France).
Pour diverses raisons, que nous n’évoquerons pas ici, les Tercios espagnols ne sont pas aussi populaires que les brigades suédoises de Gustave Adolphe ou les Anglais de Cromwell. De ce fait il est beaucoup plus difficile de trouver des informations sur les tactiques qui ont été utilisées dans les Tercios.
De trop nombreux auteurs ont considéré la tactique des Tercios à travers un carré massif de piquiers soutenus par des manches d’arquebusiers sur les ailes. En fait, on s’aperçoit que ces escadrons ont été peu employés par les espagnols et que la plupart des grandes victoires (Mulhberg en 1547, Jemmingen en 1568, Mook en 1574 etc…) du XVI siècle ont été obtenues par des détachements d’arquebusiers soutenue par des piquiers.
De même, on oublie trop souvent que les Tercios de l’armée de Flandres n’avaient en moyenne que 1000 – 1200 hommes à la fin du XVI siècle et qu’ils avaient 60% de tireurs. La force des Tercios ce sont ses arquebusiers et ses mousquetaires qui étaient capable de maintenir un tir continu ou un tir de précision, suivant les circonstances.
Par la suite les Tercios ont suivi l’évolution tactique européenne et lors des guerres de la deuxième moitié du XVII siècle, leurs alliés Anglais, Hollandais ou Piémontais ne se sont pas plains de leur état de service lors des batailles de Seneffe, Steinkerque, Nerrwinden ou à la Marsaglia.
Si on veut comparer les modèles des hollandais ou suédois on peut dire que les Hollandais ont su créer une infanterie capable de lutter contre les Tercios, mais les tactiques de tirs étaient probablement semblables chez les uns comme chez les autres. La victoire des hollandais s'expliquent plus par la maîtrise de l'espace maritime, la topographie de la hollande, entrecoupé de canaux et rivière, la résistance opiniâtre des milices bourgeoise qui défendaient les villes et la présence de la France au sud des Flandres.
Concernant les Suédois, les Tercios espagnols les ont affrontés une seule fois en bataille rangée à Nordlingen en 1634 et ils ont gagné la confrontation.Le principal défauts de la tactique des Tercios, c’est qu’ils étaient peu nombreux et que la monarchie espagnole manquait trop souvent d'argent pour les payer.
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