On peut en venir assez vite à de petites habitudes, une forme de routine, même dans (par) l'écriture. La routine, certes, laisse entendre quelque chose de péjoratif, en ce qu'elle suggère quelque encroûtement dans un ou plusieurs rituels. Mais il y a une distinction à établir entre routine et rituel. Voici comment je l'entends.

Considérons le rituel religieux, par exemple — car ma religion, je l'ai souvent dit, réside dans l'écriture, ou plutôt : elle est l'écriture (je suis relié à elle ; elle m'habite). Religion = écriture ; rituel = écrire ; routine = commencer chaque journée par l'acte d'écrire. Ainsi la journée commence-t-elle bien. Si je dois déroger à cette routine (ou habitude), déroger au rituel surtout, je me sens contrarié.

En fait ça ne me dérange pas trop, dans la mesure où je reviendrai bien vite au rituel dès que j'en aurai l'occasion. En ce sens, le rituel étant là quelque part, je peux quand même déroger à mes habitudes (ou à la routine) sans trop me sentir mal. Écrire en après-midi au lieu du matin, par exemple.

Mais revenons un moment à l'aspect religieux de tout cela. Religion = (foi) Catholique, par exemple (peu importe, en fait) ; rituel = prière ; routine = aller à la messe le dimanche, faire une prière avant de manger, avant de dormir, & cætera. Or voilà, on peut avoir la foi et prier chez soi, quand on veut. La routine en ce sens ne constitue pas un sine qua non au rituel (dans les religions occidentales, du moins), et il en va de même pour l'écriture.

Enlevez la routine, il reste le rituel, et jusque là tout va. Enlevez le rituel, il ne reste que la religion. Or, sans pratique, sans rituel, quel sens a la foi ?  Elle nous habite, nous suit, mais jamais elle ne trouve l'espace pour s'exprimer, pour qu'on l'exprime. Ainsi je me sens un peu contrarié quand on destorbe mes routines, mais bien plus quand je n'ai pas de temps pour le rituel. La religion demeure, certes, mais un malaise se fait bien vite sentir.

Enlevez au fumeur sa première cigarette du matin. Plongez-le (ou la) au travail en état de sevrage. Ne vous avisez alors surtout pas de le (ou la) contrarier. Mieux vaut garder vos distances, car le besoin (ou le sevrage) est à la fois physique et psychologique. En ce sens, l'écriture a tout d'une drogue. Religion, routine et rituel, les trois “ R ” distincts mais inter-reliés. C'est, à propos, de ce fil de pensée que m'est venue l'idée des “ mot's ” entourant l'accoutumance.

©  Yann Ropers, 2003-2008