Ramón Mercader del Río

Ramón Mercader del Río est pour moi un des hommes les plus étranges de ce siècle.
En deux mots, il est l'espion soviétique qui assassina Trotski à Mexico en 1940. De lui, on sait souvent qu'il utilisa un pic à glace, mais son nom est rarement évoqué dans les livres d'histoire. On entendra plutôt celui de Jacques Mornard ou même de Frank Jacson. Ses pseudonymes.

Pourquoi m'attarder dans la grenouille sur la vie d'un personnage aussi obscur ? Ce n'est pas par curiosité morbide. On verra que l'assassinat de Trotsky n'est qu'un événement parmi d'autres dans la vie de cet homme .
 
ramon mercader rio Avant le Mexique
Né le 7 février 1914 à Barcelone, Ramón part en 1925 pour la France. C'est sa mère, Caridad, qui suit son amant français. Elle devient membre du Parti Communiste Français, avant un retour vers 1933. Elle se disait communiste fervente mais ne pouvait admettre la différence de niveau de vie entre Paris et Moscou. En 1935 il est arrêté puis libéré en 1936 quand arrive le Frente Popular. Sa mère commence alors une relation avec Kotov, qui l'emmène à Moscou. A cette époque il est considéré comme le leader des Jeunesses Communistes de Catalogne. Il retourne ensuite en France en 1937 pour sa mission. Via Ruby Weil, agent soviétique, on lui fait rencontrer Sylvia Agelof, qui fait partie de l'entourage proche de Trotsky. Son seul but devient à partir de ce moment de collecter le plus d'informations possibles sur Trotsky ; il dit n'avoir aucun intérêt pour la politique. Sylvia n'a pas beaucoup de succès auprès des garçons. Ramón est séduisant et elle tombe amoureuse facilement.
Il part pour New York, où il dit avoir trouvé un poste de correspondant sportif. De New York il "trouvera" un poste au Mexique chez un importateur britannique. A cette époque il avait probablement appris l'anglais en secret de ses proches, pour se préparer à sa mission.
trotsky mexico Arrivée au Mexique
En mars 1939 Staline avait décidé d'éliminer Trotsky. C'est l'opération CANARD. En janvier 1940 Sylvia Agelof arrive au Mexique. Le lieu de travail de Ramón n'existe pas mais elle ne s'en rend pas compte. Il commence à feindre un intérêt pour la politique, mais à cette époque son rôle est de collecter des informations sur la villa fortifiée où habite Trotsky. Il devient ami avec les amis de Trotsky, le couple français Rosmer, et comme il a une voiture, tous les quatre partent en ballade le week-end. En mars il entre pour la première fois dans la villa fortifiée, et sa mémoire photographique l'aide à collecter des informations. Il fera quelques visites de plus, puis le 24 mai 1940, une première tentative a lieu : vingt hommes armés jusqu'aux dents et déguisés en policiers s'introduit par la force chez Trotsky. Il en réchappe, indemne, malgré les moyens mis en oeuvre : mitrailleuses, grenades, bombes incendiaires. David Alfaro Sisqueiros et des complices seront arrêtés : tous sont d'anciens volontaires communistes de la Guerre Civile Espagnole. A cette époque le fils de Trotsky meurt à Paris dans des circonstances étranges.
Le 28 mai, Ramón fait la connaissance de Trotsky et de sa femme. Ils se rencontreront plusieurs fois. Il est décidé qu'il exécutera la deuxième tentative au piolet : méthode silencieuse qui lui donnerait le temps de partir.
Le 20 août 1940, Ramón a rendez vous avec Trotsky. Il passe les gardes (qu'il connaît maintenant bien). Il porte un premier coup, Trotsky pousse un cri horrible qui alerte les gardes. Il agonisera 24 heures. Arrêté, il prétend être un trotskiste déçu à qui Trotsky aurait demandé de commettre des actes de sabotage en Union Soviétique. Ce mensonge le fait apparaître comme un individu isolé et un peu bizarre. Il se dit belge, se fait appeler Jacques Mornard.
Condamné à 20 ans de réclusion en 1943, on parviendra à déterminer qu'il n'est pas belge, mais sans savoir (jusqu'en 1953, grâce à des empreintes digitales, une cicatrice et une chansonnette sifflottée par mégarde) quelle est sa véritable identité. Il est torturé physiquement et moralement, mais n'avoue pas sa véritable identité ni pour qui il travaille. Sa mère fera échouer un plan d'évasion, et les docteurs de la prison remarqueront chez lui des aptitudes psychotechniques surprenantes : il est capable de déchiffrer des codes secrets, a une mémoire prodigieuse et un sens tactile hyperdéveloppé. Il lancera un programme d'apprentissage chez les prisonniers.

La fin de sa vie
Revenu à Moscou en 1960, il est reconnu comme héros grâce à son silence. Puis il devient un souvenir encombrant, et lui et sa femme (Raquel Mendoza) s'adaptent mal à la vie froide de Moscou, aux queues. Il se pose aussi des questions sur ce régime et son succès matériel. Il part pour Cuba en 1974 (sous Andropov), entre autres parce qu'il est malade. Il travaille comme conseiller au Ministère des Affaires Intérieures. Il souffre d'un cancer des os et meurt le 19 octobre 1978.

Sur sa tombe à Moscou, un nom inventé : Lopes Ramon Ivanovitch, Héros de l'Union Soviétique. Mais nulle part ailleurs le régime soviétique ne lui donne d'existence. Sa mission, son crime, son dévouement. Mais c'est un souvenir trop embarrassant pour l'histoire soviétique.

Les théories trotskistes sur le fascisme, et la persécution du trotskisme par Staline
 

Pour Trotsky le fascisme est une phase de crise du système capitaliste dans son stade impérialiste. Le Capitalisme préfère la liberal-démocratie qui lui permet d'obtenir une légitimité et un appui, y compris des classes moyennes. Mais en cas de crise, par peur de révolution, le capitalisme devient fasciste (aggressif), mais cela implique la dépossession politique de la bourgeoisie.
Le fascisme a aussi pour but le démantèlement tous les points d'appui de la classe ouvrière, dans toutes ses expressions. Pour cette raison le fascisme est la dernière carte du capitalisme car cette escalade de violence peut dégénérer en guerre civile.

Trotsky n'avait pas vu le plein développement du nazisme allemand, et de ses différences avec le fascisme italien, qui exploitait un sentiment anti-riches sur les frustrations paysannes sans pour autant remettre en cause les fondements du capitalisme. Le nazisme allemand comprend des éléments incohérents et archaïques : le culte du surhomme (Wagner et Neitzche), le paysan pionnier, contrastent avec une société où la ville domine la campagne. Le culte de la race est incompatible avec l'idée d'un capitalisme mondial. Pour Trotsky, il s'agit d'ennivrer une classe ouvrière appauvrie de la supériorité affirmée de la race aryenne.

staline stalin
Ramon Mercader

Récit de son frère

Trotsky
 

 

Je pense que Trotsky écrivait à une époque où les acquis sociaux hérités de la relance Keynesienne n'étaient pas développés, et que ses écrits, comme ceux de tous les grands idéologues doivent être pris avec des pincettes historiques.

La persécution du trotskisme par Staline.
Cette persécution existe dès le milieu des années 30. Par des assassinats, des complots. Comme par exemple la propagande contre le POUM durant la Guerre Civile Espagnole : en mai 1937, l'opinion publique espagnole était convaincue que les POUM, parce qu'ils ne soutenaient pas Staline, étaient en fait des agents monarchistes à la solde de Franco.
Staline, en plus de cette persécution contre Trotsky et ses théories (entre autres choses Trotsky pensait qu'un système autoritaire n'était pas la réponse au fascisme) avait l'habitude d'éliminer ceux qui en savaient trop.

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