III. LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION

Mao a déclaré que l’Homme doit "conquérir la nature et ainsi en être libéré". Comme le souligne cette citation, la relation entre la Chine et son environnement est depuis longtemps tendue. Durant ces derniers vingt ans, l’impact qu’a eu une expansion économique moyenne de 9% par an n’a fait que croitre.

Le gouvernement a donc récemment été incité à agir. En 1998, l’APE (Administration de la Protection de l’Environnement) fut élevée au rang ministériel et trois ans plus tard, le dixième Plan Quinquennal pour la Protection de l’Environnement émit des objectifs ambitieux et augmenta le budget environnemental à 700 milliards de RMB pour la période 2001-2005 - l’ équivalent de 1.3% du PIB, comparé à 0.8% dans les années 1990 (bien que cela soit toujours en dessous des 2% suggérés par la Banque Mondiale). Le président et premier ministre actuels, Hu Jintao et Wen Jiabao, stressent aussi un développement équilibré à la place d’ une simple expansion économique.

Les bonnes intentions du gouvernement central, cependant, n’ont jusqu’à maintenant eu qu’un impact limité, à cause de la vaste bureaucratie chinoise et d’une application non-homogène des politiques centrales. L’APE, l’ "arme" choisie par le gouvernement central pour combattre la pollution, a des ressources limitées malgré son statut élevé, ayant 300 employ és au niveau central et un budget qui laisse souvent à désirer. A Pékin, elle doit lutter contre d’autres agences (telles que le Ministère des Construction, qui s’occupe du traitement des eaux usées) pour obtenir plus d’influence. Ces rivalités bureaucratiques emp êchent donc une coopération et une mise en commun de l’information qui est collectée avec un financement limité, note Bruce Murray, le représentant de la Banque du Développement Asiatique en Chine.

Les Bureaux de la Protection Environnementale, branches de l’APE réparties dans tout le pays, sont censés surveiller la pollution, renforcer les standards et imposer des amendes. Mais les priorités des gouvernements locaux, qui consistent à maintenir le développement et les emplois sous leur juridiction, viennent souvent avant celles de Pékin. Il n’est donc pas rare d’observer qu’un bureau impose une amende à une entreprise locale (remplissant ainsi sa fonction), puis donne l’argent à l’administration locale, qui rembourse la compagnie par le biais d’une exemption fiscale. Pan Yue, directeur de l’APE, dit que son administration ne peut pas faire passer les édictes centrales de facon efficace parce qu’ elle n’emploie pas de personnel environnemental au niveau local.

L’impotence de l’APE est une des raisons pour lesquelles les pénalités, même quand elle peut les imposer, restent très légères. M. Sun du bureau de Shanghai dit que la pénalité maximale qu’il peut imposer à une compagnie polluante à Shanghai est 100 000 RMB. Ce problè me pourrait venir du fait que le peuple Chinois a parfois du mal à comprendre que celui qui pollue doit payer. L’héritage d’une économie anciennement planifiée est le fait que l’eau est considérée comme un bien dont le cout est minimal. Le gouvernement central hésite donc parfois à hausser le prix des commodités les plus basiques qui pourraient cependant troubler sa population.

Ainsi, même si le prix de l’eau a été élevé dans certaines villes telles que Pékin ou Dalian, l’eau reste très peu chère en Chine. Selon la Banque Mondiale, l’eau utilisée dans l’agriculture, qui constitue les trois quarts du total utilisé, a un prix de 0.03 RMB par m ètre cube, soit environ 40% du cout de production. Sans l’introduction de prix réalistes, la Chine ne sera donc pas capable de financer sa lutte contre la pollution de facon optimale, notamment quand il s’agit d’utiliser des technologies étrangères. Cependant, un système ordonnant des réparations plus lourdes reste dur à imposer et à appliquer. Le ministre de l’environnement de Hong Kong, Sarah Liao dit aussi que le gouvernement central a une attitude ambivalente lorsqu’il s’agit de laisser les étrangers l’aider. On lui refusa à maintes reprises le droit d’enquêter sur les effets de la pollution du delta de la Rivière des Perles sur Hong Kong, même quant elle proposa de payer pour l’équipement elle-même.

La situation actuelle de la Chine donne cependant beaucoup à espérer. Au fur et à mesure que des pays en voie de développement s’enrichissent, ils polluent généralement moins. Plusieurs villes en Chine ont droit à un nombre augmentant de jours ensoleillés et le taux de pollution dans les rivières est globalement en baisse. D’un point de vue environnemental, dans plusieurs régions, la Chine a peut-être déjà passé son nadir. Le gouvernement est en train d’augmenter son budget environnemental et l’attitude plus concernée des autorités les plus hautes pourraient se répandre à travers la hiérarchie si la performance des officiers était jugée sur des critères en rapport avec l’environnement. L’opinion de sa propre pollution pousse Pékin à agir promptement. Au fur et à mesure que les Chinois urbains s’enrichissent matériellement, de plus en plus d’entre eux s’inquiètent pour l’environnement, tandis que les plus pauvres voient leurs propres inquiétudes "manipul ées" par des organisations vertes non-gouvernementales. Même si ces dernières restent relativement faibles (le nombre de leurs membres constituants est souvent peu élevé, et elles requièrent toutes une sorte d’affiliation gouvernement), M. Wen dit en 2004 qu’il avait mis en pause des projets de construction de treize barrages le long de la rivière Nu dans la province du Yunnan partiellement à cause des inquiétudes de ce groupes-ci.

La pression du monde extérieur est encore plus grande. Malgré quelques hésitations, les compagnies étrangères s’installent en grand nombre en Chine, y voyant un marché grandissant pour leurs technologies et aptitudes environnementales. Des agences internationales associent maintenant le financement aux critères environnementaux, tandis que les gouvernements étrangers commencent à se plaindre des tempêtes de sable (le Japon et la Coré e du Sud prétendent avoir recu de grandes quantités de sable suite aux tempêtes ayant eu lieu à Pékin en 2001) et des répercussions de sa pollution à l’échelle de la planète. Tout ceci aiderait sans doute à répandre les meilleures pratiques en matière de "dépollution".

Les problèmes environnementaux et le cout nécessaire pour mettre en place des solutions efficaces freineront certainement le développement de la Chine. Les tentatives qu’elle met en place pour rendre plus propre ne sont cependant pas sans mérites.






Xavier Moys, Tanguy Mercier, William Zhang