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DOSSIER : la traduction littéraire (Août 2000)
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L'expérience
d'une traductrice de polars Article de Florence Vuarnesson. Si je suis traductrice, c'est un peu, et peut-être même beaucoup par hasard. L'inclination que j'avais pour la traduction littéraire et l'envie d'en faire un métier étaient bien là, mais leur aboutissement concret est le fruit du hasard, ou plus exactement de hasards. A une époque pourtant pas si éloignée où la filière de la traduction littéraire était loin de correspondre au niveau universitaire à un tracé net et précis, et encore plus loin d'être expliquée voire conseillée aux étudiants, il fallait sans doute un peu de flair mais surtout une certaine dose d'optimisme - ou d'inconscience - pour envisager de se lancer dans cette voie. A l'époque, il n'existait qu'une " option " traduction et seulement à partir de la maîtrise (LVE), à la fac où je poursuivais à la fois mes études et ce rêve professionnel. Il faut bien dire que l'activité et le statut du traducteur littéraire s'entourent, dans les mentalités du moins, d'une sorte d'aura de prestige et de mystère relativement compréhensibles ; dans un domaine aussi magique et aussi varié que celui de la littérature, quelle responsabilité, en effet, de traduire ne serait-ce que l'histoire la plus simple dans une autre langue. De là à ce que la traduction littéraire soit et reste pour une grande part un domaine réservé et souvent difficilement accessible, quel paradoxe, en France en tout cas, vu la richesse de la littérature générale et l'augmentation constante des ouvrages publiés. Cette aura prestigieuse liée au métier de traducteur, lui-même, dans bien des cas, ne la perçoit déjà plus de la même façon au bout de quelques mois d'activité, sans doute en raison du flou relatif, voire du manque de considération dans lequel est tenue la profession à certains niveaux - administratif, financier, littéraire. Sans l'ATLF (Association des traducteurs littéraires de France), à qui l'on doit des avancées significatives, la profession serait encore scandaleusement bâillonnée. Sans vouloir noircir le tableau, certaines mises au point, qui feraient l'objet d'un article à part entière, sont quand même nécessaires. Personnellement, en dépit des difficultés et des manques, je me réjouis d'avoir pu - avec beaucoup de chance - accéder à ce métier qui continue de me donner beaucoup de satisfactions. En parlant de chance, je veux dire que les collaborations qui m'ont permis de m'installer dans la place se sont quasiment présentées d'elles-mêmes (c'est ce qui s'appelle tomber dans de bons créneaux) et m'ont à chaque fois un peu plus ouvert la voie. Il y a dix ans, c'était une annonce dans Le Monde qui me permettait d'entamer un travail de longue haleine en lexicologie avec la librairie Larousse, un bagage visiblement apprécié par la suite, qui m'a sans doute permis d'arriver à une certaine assise aujourd'hui. Peut-être fallait-il également en passer par l'étape traumatisante de la collaboration ratée pour cause d'éditeur peu respectueux de " ses " traducteurs et de leurs conditions de travail, dont on ressort sonné mais parfois aussi aguerri. Certains traducteurs connaissent plusieurs expériences de ce genre, ce qui est quand même très décourageant. Personnellement, un certain épanouissement professionnel, à défaut d'être financier, n'aurait sûrement pas été possible sans cette table ronde de 1990 à mon ancienne fac, à laquelle participait la directrice littéraire des éditions du Masque, en quête de nouveaux traducteurs. Pour plusieurs d'entre nous, cela a été le point de départ d'une période " polar " à la fois très formatrice et très agréable. Il se trouve qu'en la matière, les femmes ont assez vite pris le devant de la scène, récemment surtout. De Joséphine Tey à Barbara Neely en passant par Ruth Rendell, elles se sont définitivement, en tant qu'auteurs, emparées d'une grande partie de la littérature dite policière, plutôt d'ailleurs du polar et du roman à suspense psychologique que du roman noir, apanage traditionnel des auteurs masculins, même si là aussi les choses changent. 70 à 80 % du lectorat de littérature policière est, paraît-il, constitué de femmes ; cela a-t-il une incidence sur l'augmentation de leur nombre en tant qu'auteurs ? Toujours est-il que cette littérature d'évasion très particulière jouit d'une considération de plus en plus grande, étant de plus en plus perçue comme proche de la réalité - même la réalité la plus noire. Alors, lorsqu'en plus les choix littéraires sont judicieux, comme c'est le cas du Masque, traduire le polar non seulement chasse l'ennui mais pousse à se renouveler dans un genre littéraire qui, bien que codé, ne supporte pas la linéarité. C'est peut-être la partie la plus " pro " et la plus difficile de l'histoire policière bien sûr. © Copyright 2000 - Association des Anciens Elèves de l'Ecole Supérieure d'Interprètes et de Traducteurs de l'Université de Paris - Tous droits réservés. |
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