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DOSSIER : la traduction dans l'audiovisuel (Juillet 1998)

 

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ARTE : la chaîne des langues

Propos recueillis par Michèle Salvat (AAE-ESIT) auprès de Jean Rozat, Directeur des projets La Sept ARTE, et de Josie Mély, chargée de mission pour la communication linguistique à La Sept ARTE.

Organisation de la traduction à Arte

A Arte, il convient de bien distinguer les deux entités de traduction : d’une part celle qui s’occupe de toute la traduction/interprétation institutionnelle propre au fonctionnement de la chaîne et celle, plus directement liée au thème de ce dossier, et qui concerne le traitement linguistique des programmes.

Revenons en quelques mots sur la première, le service de traduction et d’interprétation, dont les activités ne sont pas négligeables au sein d’une entreprise qui, selon ses propres statuts, se définit " deux langues de commerce et de travail ", à savoir le français et l’allemand. Ce service, basé à Strasbourg, emploie une dizaine de traducteurs et de traducteurs/interprètes. Les traducteurs sont chargés de la traduction français/allemand de tous les courriers internes, procès verbaux en tous genres, documents financiers et autres, qui doivent obligatoirement être rédigés dans les deux langues de la chaîne. Les interprètes assistent à toutes les réunions institutionnelles de la chaîne qui se déroulent en majorité à Strasbourg.

Occasionnellement, lorsque la charge de travail est trop importante ou dans le cas de langues tierces (autres que le français et l’allemand), Arte peut confier ces travaux à des sous-traitants extérieurs.

Le traitement linguistique des programmes en tant que tels est géré par le service multilingue d’Arte, qui se trouve également à Strasbourg. Ce service qui compte une dizaine de personnes gère tous les projets de traduction des programmes. Aucune traduction de programme n’est effectuée en interne, tout est confié à l’extérieur. Le service récupère toutes les " contributions ", à savoir les programmes fournis par les deux pôles allemand et français de la chaîne. En fonction de la nature du programme et en concertation avec les chargés de programme, il est décidé de confier le traitement multilingue (la traduction) à une société extérieure de post-production, de doublage ou de sous-titrage. Arte travaille en moyenne avec une quinzaine de ces prestataires, situés en France (utilisés de préférence pour la traduction en français des contributions allemandes) et en Allemagne (pour la traduction en allemand des contributions françaises).

Après traduction, le service multilingue récupère les traductions, les communique aux chargés de programme qui les lisent, repèrent ce qui leur semble insuffisant ou incohérent. Leurs demandes de modifications sont répercutées aux prestataires pour rectification, avant l’enregistrement du texte par le comédien ou la validation des sous-titres, qui donne lieu à la signature d’un PAD (ou Prêt A Diffuser), l’équivalent télévisuel du bon à tirer de l’édition.

Exigences vis-à-vis des prestataires

Tous les travaux de traduction étant confiés à l’extérieur, Arte pose un certain nombre de conditions préalables : les traductions ne doivent être effectuées que par des gens de langue maternelle. Les traducteurs doivent visionner l’émission et ne pas se contenter du texte à traduire.

Les traductions ensuite sont remises aux chargés de programme qui ne maîtrisent pas forcément les langues, mais sont là pour soulever les problèmes en termes de niveau de langue, de technicité du vocabulaire et pour repérer tout ce qui peut sembler bizarre. Le prestataire est informé de ces remarques et doit rectifier le tir.

Programmes français/allemands

Tous les programmes sont systématiquement disponibles en deux langues. Les contributions (émissions) proposées par l’Allemagne sont traduites en français et vice versa. Par conséquent, la question principale qui se pose au service multilingue lors de la production d’un nouveau programme, ne concerne pas le fait ou non de traduire, mais porte sur le nombre de traductions à faire dans le cas d’un programme en langue tierce. Prenons l’exemple du pôle allemand qui aurait acheté un programme en bengali. L’Allemagne se charge de produire une version allemande du programme en question. C’est ensuite au service multilingue à Strasbourg d’en fournir une version française, ce dont il va charger un des prestataires. En général, le prestataire doit travailler à partir du texte source d’origine (dans cet exemple, du bengali en français), malgré la version déjà existante du programme en allemand. Dans certains cas, il peut arriver que le prestataire travaille à partir de la version allemande, sous réserve qu’elle soit excellente. Mais la présence d’un intervenant maîtrisant le bengali risque néanmoins d’être indispensable pour positionner correctement les sous-titres, par exemple.

Organisation du doublage

Dans le cas d’un doublage synchrone, les situations sont différentes selon la langue source. Dans le cas d’une langue courante comme l’anglais, le travail est confié à une société de doublage qui remet le travail à un traducteur/adaptateur. Une seule et même personne effectue à la fois la traduction et la synchronisation, les adaptations en labial et les autres opérations techniques.

Mais pour les langues plus rares, le travail va être divisé entre deux personnes : un premier traducteur effectue une traduction la plus brute possible, en collant au texte. Il ne se pose pas de problème de style, mais d’exactitude de l’information, de ton et reste très vigilant sur la longueur de sa traduction qui doit être très proche de celle de la langue originale. Intervient ensuite une deuxième personne, l’adaptateur qui ne comprend pas la langue d’origine, mais effectue tout le travail de synchronisation labiale à partir de la traduction brute. Plus le texte est complexe, plus les échanges entre ces deux personnes seront nombreux.

Budget consacré au traitement linguistique à Arte

Sur le budget total (1 706 M.F.) de la chaîne en 1997, 63 % sont consacrés aux programmes. Sur ces 63 %, 8 %, soit 86 M.F., vont au traitement linguistique des programmes.

Toutes les émissions sont disponibles en deux langues.

Choix entre sous-titrage et doublage

Trois raisons justifient le choix en faveur du doublage. La première tient au public. Le sous-titrage fait fuir une grande partie du public en France, et la totalité en Allemagne. Il n’existe pas ou très peu de tradition des films sous-titrés dans les cinémas allemands, par exemple. Lorsqu’on observe le public d’Arte, on constate que c’est un public dont la moitié n’a pas le bac, donc des connaissance insuffisantes en langue ; par ailleurs, il s’agit d’un public relativement âgé, qui n’aime pas les sous-titres car la lecture en est malaisée et fatigante.

Deuxièmement, il faut reconnaître que même lorsqu’on comprend relativement bien une langue étrangère, passer toute une soirée à lire des sous-titres devient un exercice réellement fatigant. La troisième raison tient à la nature de l’oeuvre. Certaines se prêtent mieux que d’autres au sous-titrage qu’au doublage et vice versa.

Quand on compare la situation entre la France et l’Allemagne, on peut dire que le sous-titrage est plutôt la règle en France, alors qu’il reste une exception en Allemagne.

Certes, le public est plus habitué à voir des émissions en anglais qu’en allemand. Néanmoins, à Arte, ce n’est pas la langue source du programme (anglais, allemand, espagnol, italien ou mongole) qui donne matière à réfléchir. La véritable question à résoudre est bien celle de choisir entre diffusion en V.F. ou en VO, quelle que soit la langue source.

Les séquences d’interprétation

Pour les informations, toutes les équipes sont bilingues. Dans le cas du " 8 et demi ", les mêmes images sont soumises à un journaliste français et à un journaliste allemand. Chacun rédige ensuite son commentaire avec son adaptation, selon sa propre sensibilité et ses spécificités culturelles. En général, le journaliste français va ajouter une note d’humour ou faire un clin d'oeil dans son commentaire, là où l’allemand restera plus plat et factuel.

En plateau, l’interprétation d’un invité est généralement entendue en voice-over. De préférence, la chaîne procède à un casting de voix, préférant une jeune femme ou un monsieur plus âgé pour interpréter les réponses d’un invité selon l’âge et le sexe de celui-ci. Se pose alors le problème de la disponibilité des interprètes au moment voulu. Dans le cas des langues de petite diffusion, il est parfois difficile de trouver plusieurs personnes disponibles, alors qu’il est souhaitable, pour des raisons de clarté, de disposer d’un interprète par intervenant. La question des coûts peut aussi entrer en ligne de compte.

Langues utilisées

En ce qui concerne les combinaisons de langue, le couple français/allemand est le plus fréquemment utilisé, mais l’anglais abonde aussi. Depuis sa création, en 1990, Arte a eu recours à pas moins de 150 langues ou dialectes et en utilise, en moyenne, une cinquantaine par an, à des fréquences très variables, bien entendu.

Exigences de maîtrise des langues au sein du personnel de la chaîne

Les journalistes, c’est-à-dire ceux que l’on ne voit pas à l’antenne, sont tous bilingues, au sens où ils maîtrisent parfaitement le français et l’allemand. La situation est plus délicate avec les animateurs. La chaîne a du mal à recruter des animateurs qui offrent des compétences linguistiques satisfaisantes. Or la présence d’un interprète aux côtés d’un animateur est parfois préjudiciable au bon enchaînement d’une émission (situation d’expectative, perte de la rapidité d’intervention et de relance). Parallèlement, Arte est une chaîne qui compte peu d’animateurs par rapport à d’autres chaînes.

Quantification du travail

Les programmes présentent des degrés de difficulté très différents. Un commentaire de niveau moyen permet de traiter environ 70 sous-titres en une heure. Mais, dès que l’on rencontre des problèmes de texte inaudible (si l’on n’a pas de texte écrit) ou de sujet très technique pour lesquels une recherche documentaire s’impose, on passe à 20 sous-titres à l’heure.

En général, les praticiens de la traduction audiovisuelle ne sont pas spécialisés " sous-titreur ou doubleur ". Les contraintes des deux activités sont différentes, mais chez Arte, on a souvent affaire à des programmes mixtes qui incluent les deux, et même du voice-over.

© Copyright 1998 - Association des Anciens Elèves de l'Ecole Supérieure d'Interprètes et de Traducteurs de l'Université de Paris - Tous droits réservés.

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