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DOSSIER : la traduction dans l'audiovisuel (Juillet 1998)

 

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Agnès, adaptatrice

Propos recueillis par Isabelle BOURET, membre AAE-ESIT.

Agnès ELKAIM est diplômée de 1992 (anglais en B allemand en C). Elle travaille à VIDEOADAPT depuis octobre 1992 en tant qu'adaptatrice.

 Comment es-tu arrivée au sous-titrage, et en quoi cela consiste ?

Je fais du sous-titrage et du doublage pour des émissions de télévision. Je voulais faire du sous-titrage avant même de rentrer à l'ESIT – j'aimais beaucoup le cinéma, j'étais une inconditionnelle de BERGMAN – mais tout le monde me disait que c'était bouché et j'avais pratiquement renoncé.

A quelle porte as-tu frappé ?

A aucune, on est venu me chercher. J'ai eu beaucoup de chance, j'en ai bien conscience. La responsable du service du sous-titrage de VIDEOADAPT est une ancienne de l'ESIT et elle a contacté l'école pour avoir la liste des anciens de la promotion 92. Ma combinaison linguistique correspondait à ce qu'elle recherchait, elle m'a fait passer un test.

Quel genre de test ?

J'ai visionné plusieurs extraits de ce que VIDEOADAPT faisait à l'époque : les GOLDEN GIRLS, une émission indienne, tous les accents anglais étaient représentés avec une difficulté croissante : le dernier extrait était l'interview d'un vieil Irlandais édenté. Deux semaines plus tard, j'étais embauchée.

Quel est ton statut ?

J'ai le statut d'auteur.

Décris-nous un peu ce que tu fais...

Au début, je traduisais des émissions de toute sorte (sujets, accents, provenance) et je relisais les traductions de mes collègues pour l'orthographe. Je faisais en gros 60 % de sous-titrage et 40 % de doublage. A VIDEOADAPT, on ne fait pas de synchro-labial qui consiste à suivre au plus près le mouvement des lèvres en effaçant le son original de la bande-son. On fait ce que l'on appelle un "voice-over" : le son original est conservé et la traduction est lue par un comédien. Je suis chargée de rédiger le texte qui va être lu. Au fil des ans, la proportion doublage/sous-titrage s'est inversée et la tendance du marché va vers une augmentation du doublage (40/60).

Tu utilises tes deux langues ?

Je traduis à partir de l'anglais à 99 %.

Tu travailles avec quel matériel ?

Chaque poste de travail est constitué d'un moniteur TV, d'un magnétoscope et d'un ordinateur équipé d'un logiciel de sous-titrage. Je travaille devant deux écrans : celui où je visionne le film et l'écran d'ordinateur sur lequel je tape ma traduction à partir de ce que j'entends, parfois à partir d'un script mais il faut se méfier car le script n'est pas toujours conforme à ce qui a été finalement tourné.

Tu as eu une formation spécifique au départ ?

Je me suis formée sur le tas, au logiciel, le reste est une question d'entraînement. On a pour objectif de faire 10 minutes de sous-titres dans la journée et quand on débute, on est bien content quant on arrive à en faire 2 minutes.

Quelle est la plus grande difficulté que tu rencontres ?

De retranscrire le maximum d'informations avec des contraintes de temps et de nombre de caractères : un sous-titre ne peut durer que le temps que la personne met à parler (Martin SCORSESE est pour cette raison la bête noire des sous-titreurs). Un sous-titre ne peut faire plus de deux lignes. Les chaînes imposent un nombre de 34 caractères maximum (espaces et ponctuation compris) par ligne ; ARTE fixe la limite à 30. On estime qu'il faut en moyenne 2 secondes au téléspectateur pour lire une ligne complète, on ne peut pas lui demander de lire 68 caractères en deux secondes.

Ce n'est pas un peu frustrant ?

Ça l'est, mais d'un autre côté, ça oblige à aller à l'essentiel, à mobiliser beaucoup de vocabulaire et de tournures de phrases pour s'en sortir. Cependant, il arrive qu'il faille renoncer à rendre non seulement certains effets de style, mais aussi certaines idées. En plus de la traduction, je fais également ce que l'on appelle le repérage (à l'aide des "Time Code") c'est à dire que je dois déterminer à quel moment le sous-titre apparaît et disparaît de l'écran. VIDEOADAPT est à ma connaissance la seule entreprise où le repérage et la traduction sont faits par la même personne ce qui rend à mon avis le travail plus intéressant.

Parlons argent...

La minute de sous-titrage est payée 130 F sachant qu'un traducteur fait en moyenne 10 minutes de sous-titres par jour (12 sous-titres par minute, donc 120 sous-titres par jour). Le doublage est payé 130 F la page de 1 500 signes.

Es-tu amenée à faire beaucoup de recherches documentaires pour tes traductions ?

Cela varie beaucoup selon les sujets. Il y a peu de recherches à faire pour les sitcoms, il a en a davantage pour les documentaires. Je vais au Muséum d'Histoire Naturelle pour les documentaires animaliers, à la Villette pour les sujets techniques, à Beaubourg ou la bibliothèque municipale la plus proche pour les sujets historiques. D'une manière générale, il n'y a pas de recherches très poussées à faire car les émissions sont de la vulgarisation, elles font davantage appel à la culture générale.

Quels sont vos principaux donneurs d'ouvrage ?

On travaille principalement avec ARTE et les chaînes du câble, surtout PLANETE qui diffuse beaucoup de documentaires britanniques ou américains. Depuis un ou deux ans, on traduit aussi pas mal pour la chaîne SEASONS spécialisée dans la chasse et la pêche.

Ton meilleur souvenir de sous-titrage ?

LOCAL HEROES pour PLANETE, une série de quatre volets sur les modes de développement dans les pays du Tiers-Monde.

Il t'arrive de travailler pour le cinéma ?

Pour la fiction non. On travaille en revanche pour des émissions sur le cinéma, comme le Journal du Cinéma de CANAL PLUS.

Quels sont vos délais ?

Cela dépend de l'organisation des chaînes. Elles nous donnent les vidéos montées et comme le montage se fait au dernier moment ...Ça m'arrive de travailler la nuit ou le week-end. Le bon côté du travail dans l'urgence, c'est qu'on travaille davantage en équipe. Cela dit, on a aussi des délais plus confortables.

Récemment, tu as sous-titré "Cercle de vie" de Yasha AGINSKI, un documentaire sélectionné pour le Festival du Cinéma du Réel...

Oui, c'est un festival qui a lieu tous les ans à Paris et qui se déroulait cette année au Cinéma des Cinéastes Place de Clichy. Parfois on est amené à travailler avec le réalisateur en personne qui a son mot à dire sur la traduction. C'était le cas avec AGINSKI.

Il t'a invitée à la projection du film et lors de la présentation, il t'a remerciée pour le travail effectué. C'est courant, ce genre de reconnaissance ?

C'est très variable. Nous avons des clients qui ne sont pas du tout conscients des contraintes de notre travail, d'autres le sont davantage.

Après une journée passée devant 2 écrans, tu regardes la télévision le soir ?

Je la regarde peu mais surtout d'un œil très différent : ces cinq années de sous-titrage m'ont appris à décrypter ce que l'on nous sert, je la regarde d'un point de vue plus technique, plus critique en général.

© Copyright 1998 - Association des Anciens Elèves de l'Ecole Supérieure d'Interprètes et de Traducteurs de l'Université de Paris - Tous droits réservés.

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