La bourgeoisie s'enrichit,
et les temps sont prospères (pour les bourgeois du moins).
Barcelone accueille deux expositions universelles, en 1888 et
en 1929.
Barcelone est alors
certainement le centre de l'espace méditerranéen,
une ville qui s'équipe d'infrastructures importantes, comme
le gaz de ville, l'électricité et le tramway, pour
faire face à l'étendue de la ville nouvelle (l'Eixample).
Eduardo Mendoza, dans "La ciudad
de los Prodigios" parle de cette époque de croissance exceptionnelle.
Barcelone est un foyer industriel important, qui dépasse
certainement en puissance économique pure Madrid, qui n'a
pas d'accès à la mer.
Dès 1848, et
presque en même temps qu'au Royaume Uni, la Catalogne se
dote d'un train (le premier d'Espagne, la liaison Barcelone-Mataró).
A Barcelone apparaissent les premiers ascenceurs, qui permettent
d'un coup à la ville de monter en hauteur dans le centre,
autour du Passeig de Gracia,
par exemple.
La "Renaixença"
des années 1890 contraste avec la morosité de la
perte des colonies espagnoles (la génération de
1898 de Miguel Enamuno), qui ne concerne pas la Catalogne, bien
sûr. Les catalans avaient été écartés
de la colonisation politique de l'Amérique Latine. Mais
leurs commerçants sont très présents à
Cuba, et leur commerce ne souffre pas outre mesure de cette décolonisation,
qui finalement n'a rien à voir avec eux. L'Amérique
Latine peut se passer de petits dictateurs, pas des commerçants
qui achètent leurs produits et leur fournissent des marchés.
Vers 1900, cette bourgeoisie
catalane enrichie tombe sous le charme du modernisme, qui affirme
l'identité culturelle catalane, et se sert d'éléments
culturels pour affirmer une volonté politique. Le succès
de l'Art
Nouveau en Catalogne est donc partiellement explicable par
des causes politiques. Barcelone est une capitale à l'avant
garde culturelle de la Belle Epoque, marquée en Espagne,
et pas seulement en Catalogne, par une montée des troubles
sociaux (grèves, anarchisme) qui annonce la Guerre
Civile.
Désirant montrer
sa puissance et sa richesse, cette bourgeoisie catalane (si bien
décrite par Joan Marsé)
profite de l'espace disponible depuis la création de l'Eixample,
et les constructions se font audacieuses, esthétiques.
Les matériaux utilisés pour l'ornement sont variés
: mosaique, bois, fer forgé et verre. Les architectes modernistes
sont plutôt nombreux : en plus d'Antoni
Gaudí, Lluís
Domènech i Muntaner, et Josep
Puig i Cadafalch, une douzaine
d'architectes plus ou moins audacieux ont participé
à la richesse architecturale de Barcelone.
Entre 1911 et 1931,
ce mouvement pro-européen et optimiste se transforme en
un mouvement plus sceptique, plus ancré sur l'identité
nationale catalane : le Noucentisme, qui cherche à se séparer
du modernisme mais conserve des éléments de culture
autoctone. En 1923, le dictateur Primo de Rivera dissout la Mancomunitat,
et fait licencier Josep
Puig i Cadafalch avant l'exposition de 1929. Quelques années
seulement avant la Guerre Civile et notamment les affrontements
de mai 1937, qui laissera Barcelone exangue, sans repères,
la Sagrada Familia presque détruite, ses plans disparus,
et la tombe de Gaudí profanée.