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JOURNAL INTIME


 
 

A quoi bon mentir et poser?
Oui, il est évident que j'ai le désir sinon l'espoir de rester sur cette terre,
par quelque moyen que ce soit (...)
J'espère rester comme une grande artiste, mais si je
meurs jeune je veux laisser publier mon journal.

Marie Bashkirtseff, Préface du Journal, mai 1884.

Lorsqu'on aborde le personnage de Marie Bashkirtseff, la force des stéréotypes impose fatalement certaines images.


En l'occurrence celles véhiculées par l'édition défectueuse de ses écrits intimes : une romanesque enfant de 12 ans amoureuse d'un duc anglais, puis une exemplaire jeune fille du XIXe siècle, originale mais innocente, qui régna sur une famille fantasque et sympathique, promena son impérieuse vitalité de palaces en villas, rêva à la gloire et mourut tuberculeuse à 24 ans.
Ces masques émouvants ou étincelants inventés à partir d'une certaine réalité par la famille, les biographes et les éditeurs du
Journal ont dissimulé durant plus d'un siècle la véritable personnalité de Marie Bashkirtseff.

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En effet, le Journal publié depuis 1887,

et les Cahiers intimes inédits publiés en 1926 par Pierre Borel n'étaient que des abérgés falsifiés des 105 cahiers ou carnets tenus par Marie de 1873 à 1884.


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Marie souhaitait que son journal sorte de l'aire intime. Elle l'envisageait comme un pis-aller pour atteindre la notoriété, au cas où elle ne deviendrait ni une cantatrice célèbre ni un grand peintre : "Quoi que je devienne, je lègue mon journal au public", écrivit-elle le 18 avril 1876.


En mai 1884, elle renouvela cette volonté dans la préface écrite à l'intention de ses futurs lecteurs : "
A quoi bon mentir et poser? Oui, il est évident que j'ai le désir sinon l'espoir de rester sur cette terre par quelque moyen que ce soit (...) Si je meurs jeune, je veux laisser publier mon journal."
Marie se savait condamnée et elle craignait l'indifférence de sa famille pour son manuscrit.


pppppppEdmond de Goncourt

Elle voulut le confier à un écrivain. Mais ses tentatives auprès de Dumas-fils, d'Edmond de Goncourt et de Guy de Maupassant échouèrent.

ppppppAlexandre Dumas Fils
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Sa famille publia le journal cependant : par respect pour la volonté de Marie et pour entretenir sa légende. Mais aussi par intérêt.


Vivante, Marie cumulait tous les éléments qui font qu'un être devient légendaire ; sa mort et ses spectaculaires obsèques blanches renforcèrent encore sa notoriété.

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Sa famille sut exploiter cette renommée pour acquérir une respectabilité qui lui manquait.
Dans cette optique opportuniste, l'extrême franchise du journal sembla incompatible avec une publication.
En effet, Marie ne s'était pas contentée de décrire minutieusement son quotidien, ni de détailler ses ambitions, ses détresses, ses aspirations multiples et souvent contradictoires. Elle avait aussi révélé les turpitudes familiales, dévoilé des jugements sur tout et tous. Avec la même franchise, elle avait avoué ses défauts et ses outrances : "
Non seulement je dis tout le temps ce que je pense, mais je n'ai jamais songé un seul instant à dissimuler ce qui pourrait me paraître ridicule ou désavantageux pour moi. Du reste, je me crois trop admirable pour me censurer. Vous pouvez donc être certains, charitables lecteurs, que je m'étale dans ces pages tout entière." (Préface, mai 1884).
Marie avait aussi confié ses émois et ses désirs intimes. Elle s'avouait enivrée d'elle-même, de la beauté de son corps qu'elle décrivait minutieusement et qu'elle aurait voulu immortaliser dans le marbre. Elle disait son envie de "
toucher un homme" et racontait les baisers échangés. Elle confiait ses rêves d'union libre et d'amours multiples.

Telle qu'elle se présentait dans son journal, Marie Bashkirtseff ne correspondait pas à la conception de la "jeune fille" formulée par son époque.
La tâche des héritiers et des éditeurs fut de la normaliser en lui laissant suffisamment d'originalité pour frapper l'imaginaire collectif, mais sans heurter les convenances.


Une véritable falsification du journal fut donc pratiquée : mots supprimés, phrases édulcorées, épisodes essentiels de la vie de Marie occultés.
Par exemple, le
Journal livré au public ne fait aucune allusion à ses flirts avec Emile d'Audiffret, Alexandre de Larderel ou Paul de Cassagnac. Ceci pour préserver l'image de la jeune fille innocente rêvant au souvenir d'un impossible amour enfantin pour le lointain duc de Hamilton. Puis, afin de transformer cette passion d'adolescente en enfantillage inoffensif, Marie fut rajeunie de quelques années.
On tut aussi la collaboration de Marie à la revue féministe et socialiste
La Citoyenne.
Dans cette supercherie sentimentale et sociale qu'était le
Journal publié, les Bashkirtseff - qui étaient en somme des personnages assez peu recommandables - choisirent de se métamorphoser en mondains excentriques et merveilleux.

La renommée de ces fragments truqués du Journal de Marie Bashkirtseff fut prodigieuse.
Le succès dépassa l'étape émotionnelle qui accompagne toujours la mort des êtres jeunes, beaux et brillants : en 1937, le magazine
Minerva constatait : "Aucune jeune fille n'entre dans la vie sans avoir lu le Journal de Marie Bashkirtseff."

Les éditions se succédèrent jusqu'en 1981.

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A cette époque, plusieurs personnes décidaient de rendre la parole à Marie Bashkirtseff.

En 1985, Colette Cosnier publiait chez Horay la première biographie objective de Marie : Marie Bashkirtseff. Un portrait sans retouches.


De leur côté, Ginette Apostolescu et Michel Fleury (Président honoraire de l'Ecole pratique des Hautes Etudes et Directeur d'études à la IVe section de cette Ecole) préparaient la transcription complète des 105 cahiers ou carnets du journal intime déposés au Département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France (à l'exception du cahier 89 conservé à la Bibliothèque de Cessole à Nice, et du cahier n° 1 qui semble perdu en original mais dont une copie, exécutée par une main inconnue, existe dans une collection privée. Une partie de cette copie a été publiée en 1925).

Onze tomes ont été édités par l'association qui a été fondée par Ginette Apostolescu et Michel Fleury en 1986 : Le Cercle des Amis de Marie Bashkirtseff . (A ces onze tomes s'ajoute un volume publié en 1991 par les éditions Paris-Musées).
Ces onze volumes couvrent la période du 11 janvier 1873 au 22 juin 1878. Ils reprennent le texte intégral des cahiers ou carnets n°1 à 80 du manuscrit original.
Le tome XI est sorti au mois de mars 2003.
La parution du tome XII est prévue pour l'automne 2003.

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Marie Bashkirtseff
MON JOURNAL

Texte transcrit intégralement par Ginette Apostolescu sous la direction de Michel Fleury
Edition : Cercle des Amis de Marie Bashkirtseff

 

Tome I : 11 janvier 1873 - 10 août 1873, (cahiers 1 à 7), avec préface de Pierre-Jean Rémy de l'Académie française, arbre généalogique, index alphabétique, 272 pages, 1995.
Le manuscrit original du cahier n° 1 a disparu. Il correspondait à la période du 11 janvier au 12 février 1873. Il en existe une copie exécutée par une main inconnue dans une collection privée. Des passages en avaient été reproduits par Pierre Borel dans son article
Le visage inconnu de Marie Bashkirtseff d'après ses mémoires, paru dans le n° XLIII de janvier 1925 de la revue Les oeuvres libres. Le Cercle a décidé de faire figurer ces passages dans son édition, mais avec cette précision : "connaissant la façon dont Pierre Borel concevait les devoirs d'un éditeur de textes nous avions d'abord hésité à publier ce document. Nous nous sommes résolus à les donner après avoir constaté que les événements auxquels Marie dit avoir assisté ont eu lieu aux dates indiquées."

Tome II : 11 août 1873 - 1er janvier 1874, (cahiers 8 à 14), avec index des noms cités, 286 pages, 1996.

Tome III : 2 janvier 1874 - 4 juillet 1874, (cahiers 15 à 20), avec index des noms cités, 280 pages, 1997.

Tome IV : 5 juillet 1874 - 2 avril 1875, (cahiers 21 à 30), avec index des noms cités, 384 pages, 1998.

Tome V : 2 avril 1875 - 25 septembre 1875, (cahiers 31 à 44), avec index des noms cités, 378 pages, 1999.

Tome VI : 26 septembre 1875 - 23 janvier 1876, (cahiers 45 à 52), avec index des noms cités, 362 pages, 1999.

Tome VII : 24 janvier 1876 - 9 mai 1876, (cahiers 53 à 59), avec index des noms cités, 370 pages, 2000.

Tome VIII : 10 mai 1876 - 16 août 1876, (cahiers 60 à 64), préface de Pierre-Jean Rémy, index
de l'Académie Française, 377 pages, 1991, Paris-Musées, Collection Capitale. Réédition courant 2002 par le Cercle des Amis de Marie Bashkirtseff.

Tome IX : 17 août 1876 - 23 février 1877, (cahiers 65 à 68), index des noms cités, 349 pages, 2001.

Tome X : 24 février 1877 - 25 septembre 1877, (cahiers 69 à 74), index des noms cités, 360 pages, 2002.

Tome XI : 26 septembre 1877 - 22 juin 1878, (cahiers 75 à 80), index des noms cités, 310 pages, 2003.



Cercle des Amis de Marie Bashkirtseff
5, rue J.C. Bézanier
78360 MONTESSON
E.Mail :
Bashkirtseff@wanadoo.fr

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Ginette Apostolescu et Michel Fleury ont fait des émules. A travers le monde entier, des auteurs travaillent sur l'oeuvre littéraire de Marie Bashkirtseff. Citons :

 

 

Extraits du Journal de Marie Bashkirtseff

 

- L'idée que mon journal ne sera pas intéressant, l'impossibilité de lui donner de l'intérêt en ménageant des surprises, me tourmentent. Si je n'écrivais qu'à des intervalles, je pourrais peut-être... mais ces notes de chaque jour ne trouveront patience que chez quelque penseur, quelque grand observateur de la nature humaine... Celui qui n'aura pas la patience de tout lire ne pourra rien lire et surtout rien comprendre. (16 mai 1877).

- Ne cherchez pas autre chose que ce qu'il y a dans ce journal. Je suis scrupuleuse et ne passe jamais sous silence ni une pensée ni un doute. (8 octobre 1875)

- Si j'étais homme, je passerai ma vie à l'écurie, aux courses, au tir (…) Dieu m'a faite femme pour m'empêcher de faire les folies que je voudrais. (4 juillet 1873)

- Un homme fait tout et il se marie après et on trouve la chose naturelle. Mais qu'une femme ose non seulement faire tout mais un rien et on la lapide. Pourquoi est-ce ainsi ? (27 septembre 1875)

- Je n'ai de la femme que l'enveloppe, et cette enveloppe et diablement féminine, quant au reste, il est diablement autre chose. (14 novembre 1877)

- Pauvres femmes ! que d'efforts, de fièvre pour savoir ce qu'apprennent les étudiants es-sciences, tous les hommes en majeure partie. On vous envoie à l'école, et vous apprenez tout naturellement, tandis que nous on grappille, on gaspille les livres, on sait mais sans ordre… (23 décembre 1877)

- La femme avant le mariage, c'est Pompéi avant l'éruption, et la femme après le mariage, c'est Pompéi après l'éruption. (18 avril 1876)

- Rien ne fait autant plaisir que de voir de beaux hommes. (9 septembre 1874)

- Passer une soirée en famille, mais c'est pour l'esprit ce qu'un arrosoir est pour le feu ! (27 octobre 1875)

- Il suffit que je désir pour que rien n'arrive ! (30 décembre 1875)

- Je voudrais seulement savoir si je me suis tellement laissée aller parce que j'aime cet homme ou bien si chaque imbécile en me parlant d'amour peut en obtenir tout autant de moi. (18 mai 1876)

- On a raison de dire qu'un baiser sur la bouche… La tête renversée, les yeux fermés, les bras pendants, je ne pouvais m'en détacher. (19 mai 1876).

- Que suis-je ? Rien. Que veux-je être ? Tout. (3 juillet 1876)

- N'ai-je donc pas d'autre but dans la vie que de m'habiller (…) et penser à l'effet. (3 juillet 1876)

- Me marier et faire des enfants ! Mais chaque blanchisseuse peut en faire autant (…) qu'est-ce que je veux ? Oh ! vous le savez bien. Je veux la gloire ! (3 juillet 1876)

- Je déteste en tout le juste milieu. Il me faut ou une vie… bruyante ! ou le calme absolu. (28 juillet 1876)

- L'art ! si je n'avais dans le lointain ces quatre lettres magiques je serais morte. Mais pour cela, on n'a besoin de personne, on ne dépend que de soi, et si on succombe c'est qu'on n'est rien et qu'on ne doit plus vivre.
(23 août 1877)

- J'ai dix-huit ans. Ce n'est rien et c'est trop. A dix-huit ans, j'aurais dû commencer à être célèbre.
( 23 octobre 1877)

- On ne devient pas un grand peintre comme on le dit : outre le talent, le génie, il y a encore cet impitoyable travail mécanique. (13 octobre 1877)

- Je suis plus en colère que jamais d'être condamnée à l'obscurité de la carrière féminine. (10 mars 1879)

- Soyez bonne fille, bonne mère de famille ! me dites-vous, bornez-là votre horizon. C'est cela, crétinisez-vous ! (11 octobre 1877)

- Je voudrais être homme. Je sais que je pourrais devenir quelqu'un, mais avec des jupes où voulez-vous qu'on aille ? Le mariage est la seule carrière des femmes ; les hommes ont trente-six chances, la femme n'en a qu'une, le zéro ou la banque (…) Jamais je n'ai été si révoltée contre l'état des femmes (…) Je grogne d'être femme parce que je n'en ai que la peau. (30 septembre 1877)

- Je vais mourir mais pas tout de suite ; tout de suite, cela mettrait fin à tout, ce serait trop bien. Je vais traîner mes rhumes, ma toux, des fièvres, toutes sortes de choses. Je vais mourir comme j'ai vécu, salement.
(3 octobre 1880)

- Il y a sans doute trop de femmes-artistes dira-ton, la femme est faite pour le foyer, mais hélas ce n'est pas en leur ôtant le moyen de satisfaire une noble passion qu'on leur donnera l'envie de filer la laine.
(Fragment d'un texte sur la femme et l'art, 1881)

- Pensez donc, sur les quinze femmes de chez Julian, il n'y en a pas une qui ne rirait ou ne se signerait à l'idée de l'émancipation de la femme (…) J'ai été sur le point de me dire qu'il faut envoyer au diable ces viles créatures qui ne veulent pas être traitées en créatures raisonnables (…) J'enrage de découragement quand je me trouve en face de créatures aussi ineptes. (2 décembre 1880)

- Vous ne voulez pas nous instruire et nous émanciper parce que vous croyez que nous déserterons le foyer conjugal, que nous ne raccommoderons plus vos chaussettes. Rassurez-vous ! nous ferons la soupe et nous raccommoderons mais en rentrant chez lui, l'homme trouvera une femme capable de le comprendre.
(20 décembre 1880)

- Parlez donc aux gens comme il faut d'envoyer leurs filles dessiner d'après le nu sans lequel il n'y a pas d'études possibles. La plupart, qui n'hésitent pas sur les plages à conduire les mêmes jeunes filles où elles contemplent leurs danseurs en tenue de tritons, pousseront des cris aigus.
(article sur les femmes-artistes paru dans La Citoyenne, février 1881)

- Ah ! que les femmes sont à plaindre, les hommes sont libres au moins (…) Mais direz-vous, femme supérieure que vous êtes, octroyez-vous-la, cette liberté ! C'est impossible car la femme qui s'émancipe ainsi, la femme jeune et jolie s'entend, est presque mise à l'index (…) et par conséquent encore moins libre qu'en ne choquant point les usages idiots. (20 juin 1883)

- La République, c'est avec l'égalité de l'homme et de la femme, la seule chose au monde à laquelle je sois sincèrement attachée. ( 14 novembre 1880)

- Rester libre. C'est être enchaînée ou se déclasser et donner raison à toutes les calomnies. (30 mars 1883)

- Avoir vingt ans, être homme et en possession de dix mille francs de rente, je donnerai tout pour cela.
(30 juillet 1883)

- Il ne peut plus y avoir rien pour moi. Je suis un être incomplet, humilié, fini. (29 mai 1884)

- La rage de se voir mourir. (30 août 1884)

 

 

LE JOURNAL DE MARIE BASHKIRTSEFF PAR ...

Pierre Louÿs :

"Le Journal de Marie Bashkirtseff vient de paraître (...) et je dois dire que cela m'a absolument emballé. Aussi l'effet ne s'en est pas fait attendre. Le soir même, j'ai pris la résolution de faire comme elle, d'écrire mon journal. Faire comme elle, mon Dieu ! j'en suis bien incapable. A treize ou quatorze ans, elle écrivait mieux que je n'écrirai peut-être jamais. Mais je veux, comme elle, noter au jour le jour mes impressions et mes réflexions, je veux comme elle, le faire sincèrement."


Katherine Mansfield :

"Ce matin, je n'ai pas envie d'écrire, mais de lire Marie Bashkirtseff."


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