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DOSSIER : La traduction dans les organisations internationales (Avril 1998)

 

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Recrutement et évolution de carrière

Article de René Prioux, chef  de la Division de la traduction de l’OCDE.

C’est probablement dans les organisations internationales que la traduction jouit de la plus grande considération parce que ces organisations sont bilingues ou multilingues et que la traduction y joue donc un rôle essentiel. Cette particularité confère à la traduction une importance qui ne lui est que rarement reconnue dans le secteur privé où elle est trop souvent considérée comme une activité accessoire gérée au coup par coup.

Dans les organisations internationales, les besoins de traduction sont tels que des structures appropriées ont dû être mises en place pour y répondre. A titre d’exemple, le volume de traduction dépasse un million de pages par an à la Commission européenne. Il est de plusieurs centaines de milliers de pages à l’ONU et de l’ordre de 80 000 pages à l’OCDE. En outre, dans ces organisations où les allophones sont nombreux, les traducteurs sont en quelque sorte les gardiens de la langue et ils contribuent ainsi à la qualité de l’information. En raison de l’importance de la traduction pour leur bon fonctionnement, les organisations internationales ne recrutent donc que des traducteurs professionnels de haut niveau.

Intérêt des organisations internationales pour les traducteurs

Les atouts spécifiques des organisations internationales

Les organisations internationales sont si nombreuses qu’elles peuvent satisfaire toutes les aspirations géographiques, linguistiques ou sectorielles.

Sur le plan géographique, tout d’abord, il y a des organisations internationales dans toutes les régions du monde - Amérique du Nord : FMI, Banque mondiale, ONU, Intelsat, OACI, etc. ; Afrique : BAD, OUA, CEA, etc. ; zone Asie-Pacifique : CPS, CESAP, CESAO, etc. ; l’Europe est particulièrement bien représentée avec des organisations internationales très réputées : BERD, BRI, FAO, OCDE, OMC, OMM, OMS, ONU, OTAN, UEO, UNESCO et, naturellement, les institutions communautaires - Commission, Parlement, Cour de Justice, Cour des Comptes, Comité économique et social et Banque européenne d’investissement.

Sur le plan linguistique, ensuite, la panoplie des langues utilisées dans les organisations internationales est extrêmement étendue, depuis les langues européennes classiques jusqu’aux langues " exotiques ". Certaines organisations internationales n’ont que deux langues officielles, mais beaucoup plus de langues de travail. D’autres ont 6 langues officielles comme l’ONU et ses agences spécialisées, voire 11 comme les institutions communautaires.

Sur le plan sectoriel, chaque traducteur pourra trouver les domaines qui l’intéressent, depuis les plus techniques - nucléaire à l’AIEA ou au CERN, espace à l’ESA, télécommunications par satellites à Eutelsat ou Intelsat, etc. - jusqu’aux domaines économiques (OCDE), bancaires (BEI, BRI), commerciaux (OMC) ou juridiques (Cour de Justice des CE) en passant par l’agriculture (FAO), le militaire (OTAN, UEO) ou l’aviation civile (OACI, Eurocontrol). Certaines sont intersectorielles et couvrent de nombreux domaines comme l’ONU, la Commission européenne ou l’OCDE, qui est réputée pour ses études économiques, mais s’intéresse aussi à des domaines aussi divers que l’agriculture, la pêche, l’environnement, le commerce électronique, la lutte contre le blanchiment des capitaux, ou encore le nucléaire à travers l’Agence pour l’énergie nucléaire ou l’énergie à travers l’Agence internationale de l’énergie.

Un autre intérêt des organisations internationales, en particulier pour les traducteurs dont la profession est très féminisée, est la stricte égalité entre hommes et femmes tant sur le plan des salaires que des possibilités de carrière.

Les carrières et les métiers de la traduction dans les organisations internationales

En raison de l’importance de leur activité dans les organisations internationales et de leur niveau de recrutement, les traducteurs sont classés dans la catégorie la plus élevée, à l’instar des économistes, ingénieurs, chercheurs, etc. Les services de traduction peuvent comprendre plusieurs dizaines à plusieurs centaines de traducteurs selon les organisations et le nombre de leurs langues officielles. Bien structurés, ils offrent aux traducteurs la possibilité de mener des carrières complètes allant du traducteur adjoint au directeur en passant par les traducteurs, les traducteurs principaux, les réviseurs et les chefs de section linguistique.

Ces services présentent en outre l’intérêt d’offrir des carrières qui débordent le cadre strict de la traduction puisqu’en grimpant dans la hiérarchie, les traducteurs peuvent se voir confier des travaux de révision, l’animation d’un groupe de traducteurs ou d’une section linguistique. En haut de la hiérarchie, les chefs de service exercent des fonctions de gestion qui comportent, outre les tâches de gestion habituelles, des responsabilités stratégiques dans le domaine du recrutement, de la formation, de l’informatisation, de la production terminologique, etc.

Dans les grandes organisations dotées de services linguistiques étoffés, les traducteurs qui souhaitent évoluer vers d’autres fonctions linguistiques ont la possibilité de passer dans des sections de terminologie, d’applications informatiques ou de recherche en traduction automatique, par exemple. Ils peuvent aussi sortir du cadre linguistique pour passer dans des directions opérationnelles s’ils ont les compétences requises, mais ces transferts sont relativement rares.

Les conditions de recrutement des traducteurs dans les organisations internationales

La condition sine qua non est d’être ressortissant d’un des Etats membres de l’organisation internationale. La grande majorité des organisations internationales recrutent leurs traducteurs sur concours (quelques-unes sur dossier) ; elles exigent des diplômes sanctionnant des études universitaires supérieures et, bien souvent, plusieurs années d’expérience professionnelle, car les services de traduction n’ont plus les ressources nécessaires pour encadrer et former les traducteurs débutants.

Les profils des candidats sont très divers. Ils se répartissent en gros entre les diplômés de domaines de spécialité, les diplômés d’écoles de traduction et les diplômés multiples (diplôme de langue + diplôme de spécialité).

Les résultats des concours montrent que les diplômés d’écoles de traduction réussissent généralement mieux que les autres. Cela s’explique par le fait que les concours sont de plus en plus sélectifs et que les traducteurs diplômés ont une maîtrise des techniques de traduction qui fait souvent défaut aux professionnels peu expérimentés qui ont suivi d’autres formations. Dans la pratique professionnelle, les différences s’estompent peu à peu, les traducteurs non diplômés de traduction acquérant petit à petit, de façon empirique ou grâce aux conseils de réviseurs expérimentés, les techniques qu’ils n’ont pas apprises au cours de leurs études.

Les organisations internationales encourent fréquemment le reproche de ne pas donner leur chance aux débutants. En réalité, la nature de ces organisations est telle qu’il est à mon avis préférable de ne pas débuter sa carrière dans ce type d’organisation. En effet, les documents produits dans les organisations internationales sont souvent de qualité rédactionnelle médiocre parce qu’ils sont rédigés par des allophones ou par des auteurs contaminés par la langue du pays d’accueil après de longues années d’expatriation ou qu’ils sont le fruit de compromis. En outre, ces documents contiennent beaucoup de données implicites parce qu’ils s’adressent souvent à des spécialistes. Les traducteurs débutants sont ainsi confrontés à la double difficulté de devoir traduire des documents dont ils ignorent les ressorts profonds et dont la forme les rebute et ils ont du mal à progresser. Ils peuvent alors être dépassés dans leur carrière par des collègues arrivés bien après eux, ce qui peut engendrer des frustrations. Cet aspect est d’autant moins à négliger qu’à la différence des administrateurs qui se déplacent assez fréquemment en mission, les traducteurs d’organisations internationales sont rivés à leur bureau qu’ils quittent rarement. Les frustrations risquent de s’accumuler si cet " immobilisme géographique " se double d’un " immobilisme de carrière ".

Il me semble plus efficace et plus valorisant pour les traducteurs d’acquérir sur le terrain, en travaillant quelques années comme salarié ou comme indépendant pour des sociétés spécialisées, les connaissances fondamentales qu’ils n’auront probablement pas ou peu l’occasion d’acquérir dans les organisations internationales. C’est là qu’ils apprendront les techniques spécifiques et la terminologie spécialisée (à l’abri des interférences linguistiques) qui leur permettront ensuite de mieux comprendre les textes obscurs. Sans vouloir faire de mon propre parcours professionnel un exemple, je ne pense pas que j’aurais pu progresser comme je l’ai fait à la Commission européenne, puis à l’OCDE si je n’avais pas commencé ma carrière, à la sortie de l’ESIT, par huit années d’activité comme traducteur-interprète indépendant pendant lesquelles j’ai pu plonger au cœur même des domaines dans lesquels j’avais choisi de m’investir. Ce n’est ni à la Commission, ni à l’OCDE, que j’aurais pu visiter des dizaines de centrales nucléaires, d’usines et de laboratoires, collecter des masses de documents techniques et traduire des centaines d’articles de revues techniques. C’est pourtant là que s’acquièrent les connaissances techniques et les technolectes et cela vaut aussi pour les autres domaines. Cette expérience, qu’il est difficile d’acquérir à l’intérieur des organisations internationales, est pourtant extrêmement précieuse face à des textes abscons.

Les candidats qui réussissent le concours sont recrutés au fur et à mesure des postes vacants. De plus en plus d’organisations internationales offrent un contrat de quelques années dans un premier temps, mais sauf problème de compétence ou d’intégration, les contrats sont renouvelés à l’échéance et généralement convertis tôt ou tard en contrat de durée indéfinie. Quelques organisations, comme les institutions communautaires, titularisent leur personnel après un stage probatoire de neuf mois.

Comme il a été dit plus haut, les traducteurs sont classés dans la catégorie la plus élevée. Ils bénéficient donc de rémunérations attractives, mais aussi de possibilités de carrière motivantes parce que les structures des services linguistiques leur offrent de nombreuses opportunités. Ces avantages ont certaines contreparties, comme celle de devoir s’expatrier dans la plupart des cas, mais si cela peut poser problème pour le conjoint qui travaille, c’est aussi un formidable atout pour les enfants. Grâce à l’acquisition d’une autre langue et à l’immersion dans une autre culture, ils se préparent idéalement à vivre dans un milieu multilingue et multiculturel qui deviendra de plus en plus la règle dans le monde de demain.

Je ne voudrais pas terminer sans mentionner la chance que représente l’appartenance à des organisations internationales prestigieuses. Participer de l’intérieur à la grande aventure de l’Europe et à la naissance de l’euro, aux grandes négociations multilatérales qui définissent les règles du commerce mondial ou encore aux premiers pas de la mondialisation, c’est en être un peu l’acteur, même si c’est à un niveau modeste. Pour le traducteur, qui occupe une position centrale car tous les documents passent par le service de traduction, c’est aussi être un spectateur privilégié de son temps.

© Copyright 1998 - Association des Anciens Elèves de l'Ecole Supérieure d'Interprètes et de Traducteurs de l'Université de Paris - Tous droits réservés.

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