II. D) LA DESALINISATION

Tianjin- Une des plus grandes usines de dessalement de Chine

"Si l’on pouvait un jour compétitivement- à cout rentable- obtenir de l’eau douce à partir d’une eau salée, cela serait dans l’intérêt à long terme de l’humanité, et dévaloriserait vraiment tout autre exploit scientifique " - John Kennedy


Environ 72% de la surface de la planète est recouverte d’eau, mais 97% de cette eau est salée. La désalinisation permet donc d’augmenter la disponibilité de en eau courante, et constitue ainsi une solution potentielle face à la sécheresse et aux pénuries d’eau.

Aussi appelée dessalement ou dessalage, la désalinisation est un processus qui permet d’obtenir de l’eau douce (potable ou simplement utilisable pour l’irrigation), à partir d’une eau salée. Malgré le nom, le dessalement consiste rarement à retirer le sel de l’eau, mais plutot, à l’inverse : à extraire de l’eau douce.

Bien que souvent chère, la désalinisation peut parfois être rentable car elle permet dans certains cas de combiner la production d’eau douce avec une autre activité, notamment avec la production d’énergie, car la vapeur sortant des turbines, perdue dans une usine classique, est réutilisable dans une station de dessalement fonctionnant sur le principe de l’évaporation.

Parmi les systèmes de dessalement les plus utilisés, on retrouve :

Dans tous les cas, le dessalement produit une saumure dont il faut se débarrasser. Cela peut présenter des dangers écologiques à l’intérieur des terres, notamment dans certains écosystèmes comme les lagons

Premier procédé à être employé, la distillation est une technique de dessalement simple qui consiste à porter l’eau à ébullition, puis à condenser la vapeur dépourvue de chlorure de sodium. Cette méthode est donc efficace, mais s’ avère extrêmement couteuse et très consommatrice d’énergie à grande échelle. Elle a cependant connu de nombreuses améliorations, certaines permettant la réutilisation partielle de la chaleur libérée par la condensation de la vapeur.

On retrouve aujourd’hui deux grands modes de distillation : la distillation flash multi-étages et la distillation multi-effets.

La distillation flash multi-étages
Cette première méthode de distillation, qui produit environ 85% de l’eau dessalée dans le monde, consiste à chauffer l’eau salée en l’utilisant d’abord pour condenser de la vapeur. Cette eau chauffée est ensuite amenée dans une autre cellule appelée "étage", où la pression environnante est inférieure à celle de la cellule précédente. Cette introduction de l’eau dans un "étage" à basse pression entraine une évaporation tellement rapide qu’on appelle donc cette transformation ? flash ?. Selon les règles, seul un pourcentage peu élevé de cette eau est convertie en vapeur. Ainsi, on fait généralement passer l’eau restante à travers une série d’étages, chacun ayant une pression ambiante inférieure à l’ "étage" précédent. La vapeur générée est ensuite condensée sur des échangeurs de chaleur tubulaires qui passent par chaque étage. La plupart de la chaleur dégagée est transférée à l’eau salée froide qui coule en sens inverse. L’énergie est donc en partie recyclée.

De plus, les usines de distillation flash multi-étages, notamment celles plus larges, sont souvent liées à des centrales énergétiques dans une configuration de cogénération. La chaleur d’une centrale est utilisée pour chauffer l’eau salée, aidant donc simultanément au refroidissement de cette centrale. Cela réduit donc l’énergie nécessaire d’une moitié à deux tiers, ce qui modifie radicalement les aspects économiques d’une telle usine, car la consommation d’énergie est de loin son cout le plus élevé.

La distillation multi-effets
Les usines employant cette méthode de distillation sont constituées de plusieurs évaporateurs en série qu’on appelle "effets". La vapeur provenant du premier effet se condense au niveau du second effet et l’énergie issue de la condensation sert à évaporer l’eau de mer qui s’y trouve. Le troisième effet joue le role de condenseur pour les vapeurs provenant du second effet et ainsi de suite. La vapeur du dernier effet sert à réchauffer l’eau d’alimentation du premier effet. En l’absence de pertes énergétiques, on peut donc réutiliser la chaleur produite une infinité de fois : plus il y a d’effets, plus le cout de revient sera faible. En réalité, il y a toujours des pertes et le nombre d’effets est limité par des contraintes techniques et économiques.

Un des principaux inconvénients de cette distillation multi-effets, est la corrosion due aux ions chlorures présents dans l’eau de mer restante en grandes quantités. En effet, les ions augmentent la conductivité de l’eau et accélèrent ainsi la corrosion. On est amené à employer des matériaux ou des revêtements qui élèvent significativement le cout des installations et contribue à limiter le nombre d’effets utilisés.

L’osmose inverse est un procédé par lequel on utilise des membranes poreuses particulières qui, sous l’effet d’une forte pression, séparent les molécules de sel de l’eau. Beaucoup moins gourmande en énergie que la distillation, cette technique pose cependant quelques problèmes pratiques : la mise en place de telles installations est très couteuse, et la durée de vie des membranes laisse souvent à désirer. De plus, ce sont le plus souvent les eaux prétraitées et les eaux peu concentrées en sel qui sont les plus susceptibles de profiter de cette méthode de dessalement, les membranes semi-perméables étant loin de pouvoir filtrer la totalité des composants organiques, chimiques ou bactériens. Les pertes en eau sont aussi un des inconvénients de ce procédé. En effet, le concentrat contenant les sels n’ayant pas traversé la (les) membrane(s) représente environ un quart du débit entrant pour des installations industrielles. Cette eau contient alors trop de sel pour l’agriculture et est donc inutilisable.

En dépit de tous ces désavantages, il faut néanmoins noter que les progrès dans ce domaine sont de plus en plus considérables, ce qui est d’autant plus positif que les améliorations réduisent souvent le cout de revient de l’eau dessalée. Récemment, on a, par exemple, essaye d’intégrer l’osmose inverse avec l’électrodialyse afin de récupérer les produits desionisés ou de minimiser le volume de concentrat à éliminer.

Schéma simplifié de l’osmose inverse

La déforestation, l’urbanisation et la disparition des zones humides ont tendance à rendre ces crues plus violentes et plus brutales. En effet, l’eau des fleuves n’est plus retenu et lorsqu’elle atteint un bassin ou les digues sont peut être vétustes ou trop basse peut déborder et engendrer de véritables inondations. C’est pourquoi pour que les digues protègent convenablement la population, il faudrait qu’elles soient constamment rehaussées et renforcées.

Parallèlement à l’osmose inverse, il faut citer l’électrodialyse, dont le fonctionnement est également simple: l’introduction d’ un courant électrique au sein de l’eau à traiter provoque, par effet d’électrolyse, une migration des sels minéraux qui, du fait de la présence d’une membrane spécifique, transite dans un sens particulier. Il reste alors l’eau douce seule, exploitable, quoiqu’ évidemment non-potable.

Dans la plupart des procédures d’électrodialyse, une multitude de cellules d’électrodialyse est arrangée dans une sorte de pile, avec une alternance de membranes anioniques et cationiques. Cette technique de dessalement est différente de la distillation et de l’osmose inverse car les impuretés sont séparées de l’eau et non pas l’inverse. La quantité des impuretés étant souvent largement inférieure à celle du fluide, l’électrodialyse offre donc un avantage pratique d’une récupération de l’eau beaucoup plus importante.

Schéma simplifié de l’electrodialyse

Plus de 300 villes chinoises souffrent d’un manque d’eau. Cette pénurie est particulièrement grave dans les régions littorales au Nord du pays. Le dessalement devient donc une solution quasiment incontournable pour répondre aux problèmes des villes cotières. Elle présente aussi de nombreux avantages par rapport à d’autres solutions. Le transfert des eaux du Sud au Nord, par exemple, implique une planification très couteuse, des frais d’opération et de gestion, une perte liée a l’évaporation et l’infiltration de l’eau, la fermeture et une pollution éventuelle des rivières, ainsi que l’occupation de grandes étendues de terre.

Dans certaines régions de Chine, l’absence de solutions conventionnelles (le recyclage adéquat des eaux usées, par exemple) ont fait du dessalement un choix nécessaire. Plusieurs grandes villes littorales souffrent de plus en plus à cause de manques d’eau. Selon les statistiques officielles du pays, l’industrie chinoise aurait perdu une somme annuelle d’environ 200 milliards RMB (environ 25 milliards d’USD) de 2001 à 2005 à cause de ces manques. Le nord de la Chine est le plus affecté. On prévoit d’ici 2010 que quatre provinces littorales particulières auront un déficit de 16.6 à 25.5 milliards de m3 d’eau par an. Ces quatre provinces représentent pourtant 25% du PIB de la Chine.

Dans ce même contexte, la désalinisation a récemment recu un soutien politique accru. En juillet 2005, l’Administration Océanique, la Commission de Développements et de Réformes, et le Ministère des Finances ont formulé un ˇ°plan spécial pour l’utilisation de l’eauˇ±, affirmant ainsi le soutient du gouvernement central dans le développement du dessalement en tant qu’industrie de haute technologie. Un an auparavant, la Commission de la Réforme Energétique et la CDR ont promulgué une loi qui interdit l’accès aux eaux souterraines aux centrales énergétiques utilisant du charbon dans des régions de stress hydrique, et qui impose un strict controle de leur utilisation des eaux de surface.

Cette tendance est aussi en train de se répandre dans d’autres secteurs industriels car les solutions d’approvisionnement en eau sont de plus en plus liées à la planification du développement industriel. Pour des usines chimiques et pétrochimiques, le gouvernement impose des limites sur leurs prélèvements des eaux, et les industriels doivent présenter des projets de développement lies à l’eau pour obtenir l’approbation gouvernementale de leur projet. Cependant, le cout du dessalement est toujours un facteur limitant dans un pays où l’économie est plus ou moins planifiée et où les compagnies d’eau sont dépendantes d’un financement public. Le prix de l’eau courante en Chine se trouve entre 1.5 et 2 RMB par mètre cube. Ce cout très peu élevé entraine donc de lourdes dettes aux usines de dessalement. En effet, le cout de production d’une eau dessalée en Chine, qui comprend le pompage des eaux, l’équipement utilisé, la production, l’opération et la gestion, se situe entre 4.5 et 8 RMB par mètre cube.

Il y a actuellement une vingtaine d’usines de dessalement en Chine. L’osmose inverse est la technologie prédominante en termes d’usines, mais le secteur pétrochimique utilise surtout la distillation multi-effets. Selon la "Global Water Intellige", la capacité de dessalement quotidienne en Chine en 2006 était de 380 000 m3. La prévision de cette organisation pour la période 2012-2015 est aux environs de 2.5 million m3 par jour. En 2006, la marché du dessalement en Chine représentait entre 55 et 70 millions de dollars. La marche du dessalement étant aujourd’hui restreint en Chine, les compagnies étrangères sont invitées à concurrencer leurs homologues chinois pour des contrats de développement de projet et pour l’importation de membranes et autres équipements. Le marché de la désalinisation représenterait donc entre 600 et 800 millions de dollars entre 2012 et 2015, selon les mêmes prévisions de la "Global Water Intelligence".

Un tel développement suggère que le secteur du dessalage en Chine sera en partie lié aux projets concernant la pétrochimie, le gaz, et les centrales énergétiques. On prévoit aussi plusieurs centrales nucléaires qui disposeront d’ installations de dessalement intégrée. La croissance de ce secteur sera aussi renforcée par la relocalisation d’industrie lourde de Pékin et d’autres installations intérieures vers des régions littorales.






Xavier Moys, Tanguy Mercier, William Zhang