II. D) LE RECYCLAGE DES EAUX USEES

La consommation quotidienne en eau, industrielle ou domestique, publique ou privée, ne répond pas seulement à nos besoins en boisson. En effet, l’eau entre dans un cycle qui se rapproche plus des prélèvements que d’une consommation simple, et c’est pourquoi elle est très souvent rejetée après notre utilisation, quoique dans un état de qualité moindre qu’ avant le prélèvement. Cependant, le fait de laisser ces eaux usées passer par les égouts et se jeter dans les fleuves peut constituer un énorme risque écologique. L’épuration de tout volume d’eau exploitable est donc une solution pour prévoir ces risques écologiques et de r épondre aux besoins de plus en plus élevés d’une denrée de plus en plus rare.

Au cours du traitement des eaux d’égout, ces eaux usées se trouvent débarrassées de l’ essentiel de leurs impuretés, ce qui contribue donc à la préservation d’un minimum de pureté, fait non négligeable devant des conditions souvent aberrantes de pollution en Chine.

Cette "dépollution" de l’eau comporte trois phases : le traitement primaire, secondaire et tertiaire.

Le traitement primaire des eaux usées les débarrasse de leurs saletés les plus larges (morceaux de bois, sable, déchets divers, plastique, graisses, etc.) par le biais d’un dégrilleur, puis d’un décanteur, afin de restituer une eau entièrement liquide (bien que toujours impure). Si nécessaire, l’eau est ensuite amenée à une température entre 30 et 37oC afin de pouvoir passer à la seconde phase de l’épuration.

Le traitement secondaire vise à débarrasser les eaux de leurs substances toxiques. On a donc recours à l’introduction de micro-organismes qui, par action naturelle, neutralisent les bactéries les plus néfastes à la santé de l’homme. Complémentaire du traitement primaire, cette opération nous donne une eau en général assez pure pour être remis dans l’ environnement. Cependant, selon les moyens des stations d’épuration, l’assainissement de l’ eau peut être élevé à un niveau supérieur- c’est le traitement tertiaire.

L’eau issue du traitement tertiaire atteint une telle pureté qu’elle pourrait presque être considérée comme potable. Cette phase de l’épuration vise principalement l’élimination de pathogènes toujours présents dans l’eau. Elle a recours à un amalgame d’une série d’actions telles que l’adjonction de chlore et d’ozone, ou la désinfection par rayons ultraviolets.

Cet assainissement des eaux usées, en apparence simple, est une opération très complexe et surtout couteuse. Face aux demandes croissantes en eau de l’humanité, ce recyclage de l’eau reste donc une solution urgente et incontournable, d’autant plus que le dessalement de l’ eau salée reste bien plus couteux que l’épuration des eaux usées.

Schéma du traitement des eaux  
usées

Au total, 63.1 milliards de mètres cube d’eaux usées ont été éliminés en 2002 en Chine. Les rejets industriels constituaient 61.5% de ces eaux, les rejets domestiques, 38.5%. La quantité d’eaux usées municipales traitées en 2002 fut de 13.5 milliards de mètres cube, avec un taux de traitement d’environ 40%. Cependant, dans les petites villes et les zones rurales, le taux de traitement de ces eaux était considérablement plus bas. En prenant en compte le fait qu’une grande quantité d’eau usée est aujourd’hui déchargée directement dans des masses d’eau de surface sans traitement, et que les normes de traitement sont souvent en dessous de l’international, le taux de traitement des eaux usées global serait donc plutot aux alentours de 20%.

Le gouvernement chinois demande donc aujourd’hui à toutes les villes du pays de construire des installations pour traiter les eaux usées. Ces installations comprennent des systèmes de récupération, des égouts, des stations d’épuration, des systèmes d’élimination de boues, et d’autres installations auxiliaires. Toutes les villes grandes ou moyennes doivent construire des stations d’épuration. Le taux de traitement des eaux usées municipales aurait ainsi augmenté d’environ 40% de 2002 à 2005, tandis que celui des villes ayant plus d’un demi-million d’habitants aurait augmenté de plus de 50%. Cependant, pour que le taux de traitement des eaux usées national soit de 50%, la Chine aurait besoin, selon Frost & Sullivan, une compagnie de conseil, de 10 000 stations d’épuration, qui lui couteraient prè s de 48 milliards de dollars. De tels progrès serait donc considérables- ils rapprocheraient la Chine des pays développés comme la France, qui procède au retraitement d ’environ 50% de ses eaux usées- et la direction que prend la Chine montre donc qu’elle commence à prendre conscience des impacts que son industrie et agriculture ont pu avoir sur l’environnement.

Plusieurs tentatives, publiques ou privées, ont été effectuées pour donner un role plus important à l’utilisation des eaux recyclées, montrant ainsi la prise de conscience de la société chinoise au sujet de l’écologie.

Une députée de la ville de Guangzhou, Liu Lianxiang, par exemple, dit en 2007 que la ville du Guangzhou était dans une situation favorable pour optimiser l’utilisation de l’eau recyclée. Cette optimisation aiderait la ville où l’eau est rare, notamment pendant l’ hiver, à réduire le volume des marées salantes qui hantent plusieurs autres villes dans la région du delta de la Rivière des Perles. Selon elle, Guangzhou est capable d’éliminer 71.34% de ses rejets industriels et domestiques, et sa capacité quotidienne de traitement se trouve à 1.83 million de tonnes. Au lieu de verser les eaux recyclées provenant des stations d’épuration dans la Rivière des Perles, les villes pourraient donc l’utiliser à diverses fins, d’autant plus que le cout d’un tel traitement est très bas : 0.5 RMB/tonne. Aujourd’hui, la ville utilise seulement environ 10 000 mètres cube d’eau recyclée par jour, surtout pour arroser les plantes et pour nettoyer les routes. Selon Liu, environ 5 millions de RMB pourraient être économisés chaque année si cette eau était utilisée de facon optimale. Elle propose donc d’installer de nombreux tuyaux qui assureraient une distribution plus importante et mieux organisée de cette eau recyclée.

Certaines compagnies privées prennent aussi conscience de l’environnement et cherchent à mieux utiliser les eaux recyclées. En effet, en 2007, trois entreprises de taxis Volkswagen de Shanghai ont adopté des systèmes utilisant l’eau recyclée pour laver leurs voitures, économisant ainsi environ 60% de l’eau qu’ils utilisaient précédemment pour chaque nettoyage. On estime qu’avec l’introduction de telles mesures, au moins 50 000 tonnes d’eau pourraient être épargnées à partir du nettoyage de 9600 taxis en un mois (si chaque taxi subit en moyenne 15 lavages par mois). Cependant, d’autres compagnies ont dans le passé mis en place un système similaire, avant de l’abandonner en recevant plusieurs plaintes de leurs clients qui préfèrent une eau ’propre’ à une eau recyclée. Une meilleure utilisation des eaux recyclées pourrait donc provenir d’une meilleure information de la population sur le terme ’propre’ lorsque celui-ci est appliqué à l’eau.

Un employé d’une compagnie de taxis Volkswagen à Shanghai qui nettoie les  
voitures avec de l’eau recyclée






Xavier Moys, Tanguy Mercier, William Zhang