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Refus de la misère
Je témoigne de vous, mères
dont les enfants condamnés à la misère,
sont de trop en ce monde.
Je témoigne de vos enfants
tordus par les douleurs de la faim,
n'ayant plus de sourire,
voulant encore aimer.
Je témoigne de ces millions de jeunes
qui, sans raison de croire, ni d'exister,
cherchent en vain un avenir en ce monde insensé.
Je témoigne de vous, pauvres de tous les temps,
et encore aujourd'hui,
happés par les chemins,
fuyant de lieux en lieux, méprisés et honnis.
Travailleurs sans métier,
écrasés en tout temps par le labeur.
Travailleurs dont les mains, en ces jours,
ne servent plus à rien.
Millions d'hommes, de femmes et d'enfants,
dont les coeurs à grands coups
battent encore pour lutter.
qui leur fut imposé.
Dont le courage exige le droit
à l'inestimable dignité.
Je témoigne de vous,
enfants, femmes et hommes
qui ne voulez pas maudire,
mais aimer et prier, travailler et vous unir,
pour que naisse une terre solidaire.
Une terre, notre terre,
où tout homme aurait mis le meilleur de lui-même
avant que de mourir.
Je témoigne de vous,
hommes, femmes et enfants
dont le renom est désormais gravé
par le coeur, la main et l'outil
sur le marbre de ce Parvis des Libertés.
Je témoigne de vous pour que les hommes enfin,
tiennent raison de l'homme
et refusent à jamais
de la misère
la fatalité."
Ces derniers mots viennent de résonner sur le Parvis des Droits de l'homme et des Libertés, au Trocadéro, à Paris. Il est 15 heures, le 17 octobre 1987, au cours du rassemblement international des défenseurs des Droits de l'homme, organisé par le Mouvement ATD Quart Monde.
En prononçant ces Strophes à la gloire du Quart Monde de tous les temps, et en scellant une dalle entre les deux bâtiments du Palais de Chaillot, le Père Joseph Wresinski, fondateur du Mouvement ATD Quart Monde, livre comme un testament, marquant de son sceau une existence qui devait s'achever quelques mois plus tard, le 14 février 1988.
A travers ces Strophes à la gloire du Quart Monde de tous les temps, le Père Joseph Wresinski affirme publiquement de qui lui vient l'héritage : des plus pauvres du monde. Lui-même vient de cette terre-là. Né dans la grande pauvreté, il a subi l'humiliation et la honte dans son enfance. Il ne peut revendiquer d'autre héritage, sauf à se démarquer de ce milieu qui l'a construit, - jusque dans son identité spirituelle. C'est de ce "plus bas" qu'il a appris à regarder le monde ; et c'est à ce "plus bas" qu'il se réfère en ce 17 octobre.
Saint François, Monsieur Vincent, le Père Godin, tant d'autres, furent à l'évidence des chemins pour lui, qui lui permirent de se construire dans le monde et dans son Eglise. Mais ce ne furent pas des maîtres dont il aurait pu porter l'héritage. Formé dans le creuset de la misère, et de la violence que fait naître une trop grande pauvreté, ses maîtres étaient les plus pauvres. Il n'en était pas seulement disciple, il était des leurs : "Pour ma part, il fallait bien que je parte d'où j'étais né, avec l'expérience et le regard que m'avait donné la misère" ( 1 ).
"Né enfant de la misère, resté un homme de la misère au plus profond de (lui)" ( 2 ) ,héritier de ceux qui sont rejetés et enfermés là où personne ne va, il est resté tout au long de sa vie un homme blessé, portant dans sa sensibilité et son comportement les stigmates de la grande pauvreté.
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2. Père Joseph Wresinski, Les pauvres sont l'Eglise , Paris,
éd. du Centurion, 1983 (2ème éd. 1994), p. 69.
Dorénavant, les références à ce livre
seront données directement entre parenthèses dans le texte.
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