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"Je témoigne de vous..." Cette attestation du Père Joseph, le 17 octobre 1987, est dans le droit fil de ce qui s'est inscrit dans sa mémoire depuis la rue Saint-
Jacques, à Angers : "Nous étions les mis à part du quartier populaire, liés à l'ensemble par l'aumône, non par l'amitié", se souvient-il (p. 13). "Dès la petite enfance, se liaient manque d'argent, honte et violence" (p. 11).

Petit, Joseph, est témoin de la violence. Et notamment de la violence de son père, incompréhensible pour lui : "A la maison, papa criait tout le temps. Il frappait mon frère aîné, au désespoir de ma mère, car c'était toujours à la tête qu'il portait ses coups. Il injuriait aussi maman et nous vivions sans cesse dans la peur" (p. 8). Comment l'enfant Joseph donnerait-il un sens à cette violence ! "Ce n'est que bien plus tard, à l'âge d'homme, en partageant la vie d'autres hommes comme lui, d'autres familles comme la nôtre, que j'ai compris que mon père était un homme humilié. Il souffrait d'avoir manqué sa vie : il portait en lui la honte de ne pouvoir donner sécurité et bonheur aux siens. Le mal de la misère est là. Un homme ne peut pas vivre ainsi humilié sans réagir. Et l'homme pauvre, aujourd'hui comme hier, réagit de la même façon violente" (p. 8).

"Cependant, poursuit-il, pour le petit garçon que j'étais, c'était m'introduire dans le cercle infernal de la violence (...) Et sans que j'en prenne conscience, elle devenait pour moi, tout comme pour mon père, la manière de me laver des humiliations sans nombre que nous faisait subir notre extrême pauvreté" (p. 8).

Cette expérience d'enfant, qui aurait pu le détruire, le replier sur lui-même ou le rendre imperméable à toute souffrance, va peu à peu devenir comme le creuset dans lequel se construiront à la fois une sensibilité et une intelligence lui donnant de comprendre ceux qu'il va rencontrer sa vie durant.