L'HISTOIRE DES SOCIETES DU BURKINA FASO
Pour un excellent résumé chronologique de l'histoire du Burkina Faso, des origines néolithiques à aujourd'hui, voir la page "histoire" du site du gouvernement Burkinabè : www.primature.gov.bf
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Introduction
Aussi complexe que passionnante, l'histoire ancienne des quelques soixante cinq ethnies qui constituent le Burkina Faso d'aujourd'hui est faite de l'ensemble des histoires de ces mêmes ethnies, histoires indépendantes, parallèles avec parfois des épisodes communs.
Il est d'autant plus difficile de reconstituer les divers épisodes de cette histoire qu'elle n'a pas été écrite mais racontée, ou plutôt contée. Ce qui est certain, c'est que l'histoire du Burkina Faso a été tourmentée.
Les mossé, qui vont créer de puissants royaumes dans cette région de la boucle du Niger, seraient arrivés ici vers le XIème siècle. Pour certains,ils seraient originaires de la région du lac Tchad . Leur longue migration les aurait amenés, dans une première étape, au Ghana. On considère aujourd'hui que la petite ville de Gambaga, tout au nord de ce pays, est le premier grand foyer de dispersion des peuples dagomba, mamprousi et nankana, d'où naîtront les futures dynasties mossi et gourmantché.
L'origine légendaire de l'empire mossi
Voici comment l'historien français Robert Cornevin explique l'origine légendaire des mosse et la création de Tenkodogo, berceau de l'empire :
" Au XIIIème siècle règne sur les Dagomba, les Mamproussi et les Nankana, un puissant chef Nedega, dont la capitale est alors située à Gambaga (au nord de l'actuel Ghana).
Sa fille Poko (Yenenga) se distingue par ses qualités d'amazone.
Un jour que son cheval l'a entraînée trop loin dans la forêt, elle est recueillie par un chasseur d'éléphants nommé Rialé, probablement Boussansé et traditionnellement d'origine royale.
Il obtient la main de Yenenga et l'emmène vivre dans la forêt près de Bouti. La région de Gambaga est alors surpeuplée, aussi le fils de Yenenga, appelé Ouedraogo (étalon), en souvenir du motif de la rencontre de ses parents, entraîne-t-il facilement les jeunes gens.
Il va fonder Tenkodogo, contraction de Tenga Kodogo (terre vieille), où il a de nombreux fils..."
Ouedraogo, "l'étalon"
Arrivé à l'âge adulte, Ouedraogo quitte Gambaga pour s'installer, plus au nord, à Tenkodogo, la « vieille terre », et y fonde une nouvelle dynastie. Pour les mossé, cette petite ville, au sud-est de Ouagadougou, est toujours vénérée comme étant le berceau du puissant empire mossi. La solide organisation politique centralisée de cet empire, et son armée de cavaliers vont lui permettre de dominer toute cette région .
Des enfants de Ouedraogo, citons Zoungrana qui lui succède sur le trône de Tenkodogo. Un autre, Rawa, part dans le nord et fonde le royaume de Zandoma (plus tard intégré au Yatenga). Quant à Diaba Lompo, il s'installe à Pama à l'est de Tenkodogo, et y fonde le royaume du Gourma.
Oubri, descendant direct de Zoungrana, part à la tête d'une solide armée, à la conquête des territoires de l'ouest. Il attaque, Kombentinga, "la terre des guerriers", capitale des peuples Nyonnyonsé et Gourousi, premiers habitants du Burkina Faso. Elle tombe sous la domination moagha après de durs combats. Déterminé à en faire la capitale de son nouveau fief, il la renomme Wogdo,"venez m'honorer" (qui devint Ouagadougou) et se proclame Moogho Naba (chef de l'Empire mossi), créant la première dynastie royale de l'Oubritenga, "terre d'Oubri".
Il partagea plus tard son royaume en donnant un canton à chacun de ses trois cent trente-trois descendants.
Les premiers royaumes mossi de Tenkodogo, de Ouagadougou (Oubritenga) et du Gourma auraient donc été créés au XV siècle.
Organisation de l'Empire mossi
Au sommet de la hiérarchie, on trouve l'empereur : le Mogho Naba, symbole du soleil, il est vénéré comme un dieu. Elu par les hauts dignitaires de la cour, il est choisi parmi les descendants d'Oubri. En effet, le royaume d'Oubritenga prit tout de suite l'ascendance sur les autres royaumes mossi. Le pouvoir est concentré dans les mains de l'empereur, qui est à la fois chef des armées, juge suprême et grand percepteur des impôts et taxes. Quant à l'empire, il est composé de royaumes, divisés en provinces, elles-mêmes subdivisées en fiefs comprenant chacun plusieurs villages
Au début du siècle dernier, l'historien français Tauxier souligne :
" L'Empire mossi était centralisé. Les luttes intestines qui avaient souvent lieu chez les autres peuples noirs, de village à village, de quartier à quartier, et même de soukala à soukala, n'existaient pas au Mossi. Il y avait donc paix et sécurité intérieures. De plus, le pouvoir centralisé, qui empêchait l'anarchie, préservait le pays d'être dévasté par des conquérants de fortune. Ainsi, tandis que les Djermabé pillaient le pays Gourounsi (...), ils n'osaient pas s'attaquer au Mossi dont ils étaient cependant voisins, redoutant les dix mille cavaliers du Mogho Naba : tranquillité intérieure et tranquillité extérieure, tout cela était assuré (...). On était frappé en entrant au pays Mossi de l'absolue sécurité dans laquelle vivait la population, alors que partout ailleurs la guerre et la chasse aux esclaves désolaient les villages. Et l'on citait avec envie les paysans mossi se rendant isolément à leurs champs, la pioche sur l'épaule, alors que partout ailleurs, le chef de famille devait avoir, nuit et jour ses armes à portée de la main..."
Le royaume du Yatenga
Au XIV siècle, alors que les premiers royaumes mossi prospéraient dans la paix, deux frères prétendirent à la succession de leur père, le Naba Nassébiri de Ouagadougou.
Koumdoumyé obtint le trône après avoir évincé son frère Yadega. Ce dernier quitta l'Oubritenga et s'installa à Gourcy, entre Yako et Ouahigouya, dans un village samo. De Gourcy, il se lança à la conquête des villages voisins. Ses descendants continuèrent l'extension de ce territoire qui devint le royaume du Yatenga.
En 1757, après trois années d'exil, Naba Kango, héritier légitime évincé du trône, reconquit le Yatenga à la tête de mercenaires bambara, bwaba et samos. Lorsqu'il n'eut plus besoin de leurs services, il élimina purement et simplement ses mercenaires bambara.
Naba Kango régna sur le Yatenga en monarque absolu pendant trente ans, luttant contre le brigandage et une aristocratie frondeuse. Il réussit à réinstaller la paix dans le pays, créa une nouvelle capitale du Yatenga qu'il nomma Ouahigouya « venez vous prosterner devant moi ».
Mais le Yatenga fut rapidement divisé par des conflits dynastiques, ainsi que par les invasions peul. Dans la deuxième moitié du XIX siècle, le royaume de Risyma fut annexé au Yatenga par Naba Yembe. A partir de 1877, les guerres intestines entre membres de la famille royale s'aggravèrent.
Suite à un conflit avec un de ses cousins, le prince Bangrey, Naba Baongo, qui régna de 1885 à 1894, finit par demander le soutien du capitaine français Destenave. Ce dernier, fin stratège, attendit patiemment l'occasion d'intervenir.
Naba Baongo fut tué au combat et le prince Bangrey s'auto proclama roi du Yatenga, sous le nom de Naba Bully. Menacé par d'autres princes, il se réfugia auprès du capitaine Destenave et signa, le 18 mai 1895, un traité de protectorat avec la France.
Aux yeux des populations du Yatenga, cette alliance fut considérée comme une trahison. Le Naba Bully fut chassé et s'en suivit une période de troubles de dix ans. Le calme ne revint qu'avec l'accession au trône du Naba Ligidi.
Le royaume Gourma
Les racines du peuple gourma se confondent avec l'histoire des mossé de Gambaga et la création par Diaba Lumpo, du royaume de Gourma (Biongo pour les mossé).
Naba Lumpo fit la conquête des régions à l'est de Tenkodogo, occupées par des populations inorganisées qu'il réunit sous son autorité grâce à leur langue commune, le gourmantché. Très rapidement, il proclama l'indépendance de son royaume.
Par la suite les gourma, tout comme les mossé, conquirent une grande partie de l'actuel Burkina Faso. Ils réussirent toujours à repousser les peuples voisins :Tyokosi, Peulh, Haoussa, Tomba, etc... L'Askia Ishaq, dernier souverain de l'Empire songhaï, vint même demander asile auprès du naba des gourma, alors qu'il avait maintes fois dévasté son pays !
Au milieu du XVIII siècle, la capitale du pays gourma, Pama, est transférée à Noungou (Fada N'Gourma). Le royaume est divisé en provinces dirigées par des chefs soumis au naba de Noungou.
Au début du XIX siècle, malgré un système hiérarchique rigide et bien établi, la discorde divisa les descendants des naba de Noungou. Il s'en suivit un siècle d'anarchie. En 1892, Naba Yentugury fut assassiné par son propre frère, Batchande, qui fut expulsé de la capitale. Après trois années d'exil, Naba Batchandé s'allia aux Français du capitaine Decoeur avec lequel, le 20 janvier 1895, il signa un traité de protectorat. En contre partie les français le débarrassèrent définitivement de ses rivaux. Naba Batchande devint roi unique des gourrna, mais soumis à la France.
Entre le Nazinon et le Mouboun
En permanence menacés par les peul de la plaine du Gondo, les mossé du Yatenga et les dafing du Sourou, les samo purent néanmoins préserver leur indépendance sans renoncer à leur organisation sociale en villages autonomes.
Sur la rive occidentale du Sourou, les peul de Barani menacent les dafing au nord alors que les peul de Dokwi exercent leur pression sur les bwaba de la boucle du Mouhoun.
Plus au sud, les populations dites « gurunsi » (Ko, Sisala, Lela, Nuna, Kassena) subissent l'influence moaga tout en parvenant à maintenir leur indépendance.
En 1872, des guerriers zerma, mercenaires au service des souverains dagomba, pénètrent en pays «gurunsi». Leur chef, Bahatu, étend trés vite son autorité sur un vaste territoire. Mais, à partir de 1885, après un échec en pays bwa, l'expansion zerma marque le pas. Les zerma seront définitivement défaits par les français en 1897.
L'héritage des Wattara
Au XVIIIe siècle, l'ouest burkinabé, à l'exception des pays lobi et birifor et d'une partie du pays dagara, est passé sous la domination des souverains dyula de Kong.
Famara Wattara, fils de Seku, s'installe à Bobo-Dioulasso et fonde le Gwiriko tandis que son frère Bakari tente en vain de conquérir le territoire des lobi, toujours farouchement attachés à leur indépendance.
Au XIXe siècle, l'empire de Kong est démantelé. Le Gwiriko est déchiré par d'incessantes révoltes. Le royaume dafing de Wahabu, naît sur ses décombres. Plus à l'ouest, mais toujours à l'intérieur des anciennes limites de l'empire de Kong, des Traoré fondent autour de Sikasso le royaume du Kenedugu (1825).
Mieux organisé que le Gwiriko, et se posant en rival offensif de ce dernier, le Kenedugu, à l'instar de son voisin, doit affronter de nombreuses et violentes révoltes. Le Kenedugu disparaît avec la prise de Sikasso par les français (1898).
La conquête du Sahel
Jusqu'à l'arrivée des premiers conquérants, le Sahel était habité, comme le plateau central, par les nyonyonsé, population originelle de la terre burkinabé. Dès le XV siècle, il est envahi par les mossé qui, un siècle plus tard, sont repoussés par les songhaï de Gao (Mali).
Les gourma prennent à leur tour possession de ces terres après avoir vaincu les populations autochtones.
Au début du XVII siècle, les peul originaires du Fouta-Toro arrivèrent dans le Sahel burkinabé. Les origines lointaines du peuple peul restent obscures. Installés au XV siècle dans le Fouta-Toro (est du Sénégal), ils commencent à cette époque de longues migrations. L'une en direction du sud, dans le Fouta-Djalon et l'autre vers l'est où ils entreprennent la conquête du Sahel.
Suivant leurs troupeaux de zébus à la recherche de pâturage et d'eau, ils se déplacent par petits groupes et s'installent ça et là, en fonction de conditions jugées favorables, comme par exemple à Wendu (Dori), dans le Liptako (en fufuldé, « qu'on ne peut pas vaincre »).
En 1810, après une guerre entre peul musulmans et gourma animistes, les peul prennent définitivement le Liptako.
Quant au territoire actuel de l'Oudalan, il fut conquis par les touareg Udalan, nobles descendants des touareg tenguéréguédech, originaires du Hoggar.
Les guerriers udalan, se sont tout d'abord installés sur les bords du Béli. Dès le début du XIX siècle, ils lancent des offensives dans tout le Sahel burkinabé. Les peul du Liptako tentent de les repousser avant de céder finalement la partie nord de leur royaume que les touareg nommèrent Udalan.
Le docteur Henri Barth fut sans doute, en 1953, le premier européen à séjourner à Dori. Le capitaine Monteil arriva à Dori en 1891, alors que le trône du Liptako était vacant depuis plus d'une année. Boubakar Sori, nommé gouverneur de Dori en 1892, reçut à bras ouverts Destenave, avec qui il signa un traité de protectorat le 4 octobre 1895.
Destenave acheva de soumettre les provinces du nord en s'alliant au chef peul d'Aribinda.
La France avait ainsi atteint son objectif: constituer un territoire d'un seul tenant réunissant toutes ses colonies d'Afrique occidentale. En prenant possession de la boucle du Niger, elle achevait de relier la colonie du Dahomey au reste de ses conquêtes : le Sénégal, le Soudan français, la Guinée française et la Côte d'Ivoire.
Dès le début de l'année 1897, Destenave commença l'organisation des territoires.