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Tirage
de tête est un manuscrit qui a été
volé à son auteur. Et nous sommes tout à fait d'accord
avec lui pour reconnaître que ce n'est pas correct. Mais il semblait
primordial, à beaucoup de ceux qui ont connus Michel Touchalon,
de faire vivre ce portrait autrement que dans un tirroir, ou au creux
d'une disquette. C'est chose faite. |
Au
SOMMAIRE de Chapitre
1er
1er
extrait:
La naissance Chapitre
2 4e
extrait: au Flore Chapitre
3 6e
extrait: Fils de pub
9e
extrait: Chapitre
5 10e
extrait:
|
3e extrait : Le mariage
Touchalon,
avec l'assentiment de sa femme, obtint d'inviter l'abbé Laguère
à déjeuner tête à tête dans une auberge
irréprochable, derrière Notre-Dame. Pour abréger
les préambules, il avait joint à sa prière une aumône
considérable, et le chèque n'était pas barré.
L'abbé reçut ce solliciteur intelligent avec une réserve
exactement pesée, l'autre le laissa divaguer sur le thème
de la décadence des valeurs dont il remplissait de pleines colonnes
de journaux bien-pensants; il l'approuvait d'ailleurs sincèrement.
Esprit pénétrant, l'abbé Laguère le remarqua.
* Les dimensions modestes
de l'édifice amenèrent cette conséquence que l'église
était pleine. Car tout le clan McIlhenny avait fait le voyage,
les cousins de Louisiane et ceux d'Australie, tout contents de revêtir
pour la circonstance leurs vêtements traditionnels. Les capes ou
les très longs manteaux des femmes intriguaient aussi, une foule
de badauds avaient suivi dans Saint-Nicolas-du-Chardonnet ces pittoresques
étrangers. Le bruit courut un moment qu'il s'agissait d'une conversion
en masse, avant l'arrivée de la mariée, qui remit de l'ordre
dans les esprits! Quant aux Ecossais, cette démonstration de folklore gallican, pour eux toute nouvelle, les amusait grandement. Gunthram Dalwhinnie, épanoui, savait ce que ça lui avait coûté! La sortie de l'église, au son des cornemuses, fut marquée par plusieurs incidents singuliers. Selon l'usage scot, on jeta à la volée des poignées d'orge grillé, ce qui fit s'abattre devant le portail une nuée de pigeons affamés dont on eut grand mal à se débarrasser. Puis, oyant la musique, avisant ces espèces d'uniformes, une patrouille de la garde républicaine à cheval, sortie de la caserne Monge, croyant avoir affaire à une célébration militaire, vint se mêler à la foule des curieux et des photographes. Or la discipline martiale a tout prévu et réglé sauf certains besoins des chevaux : soit nécessité, soit pour marquer leur satisfaction d'entendre de la cornemuse, trois d'entre eux pissèrent puissamment et deux autres déféquèrent à l'unisson. La noce se trouva enveloppée dans la tiédeur rustique du crottin de la garde. Les invités insulaires admirèrent encore ce respect des usages équestres. Puis le cortège se rendit à l'hôtel particulier des Dalwhinnie pour commencer les réjouissances, avant un dîner de deux cents couverts préparé dans un somptueux hôtel à conférences internationales. Jusqu'au dernier moment, on y espéra la présence débonnaire du Général Le jeune marié rayonnait, naturellement emporté par le faste qui scellait cette union mirifique. Il s'agissait d'un mariage d'amour, il serait père dans quelques mois tout semblait sourire au héros par surprise. Il allait mettre quelques années à découvrir les inconvénients considérables qu'on rencontre en épousant une femme très riche *
Sara, pour que la
disproportion de leurs fortunes ne fasse pas se lever entre eux de ces
petits nuages détestables qui présagent de gros orages,
agit avec un tact tout écossais. Leur voyage de noces heureusement
vécu, huit jours à Venise, quinze à la Jamaïque,
au soleil, sur la plantation familiale, une petite croisière dans
les Caraïbes, quand ils rentrèrent, Rolls à l'aéroport,
le chauffeur les reconduisit jusqu'à l'hôtel particulier
des Dalwhinnie mais, quand ils y furent arrivés, Sara, gentiment,
pressa la main de Michel avant de lui faire traverser l'avenue. Ils entrèrent
dans un très bel immeuble, mobilier et statues dans les parties
communes, bon vieil ascenseur rassurant. Elle sortit une clef pour débloquer
un étage, le dernier. Vaste appartement à quatre expositions,
fraîchement repeint, plus qu'à moitié meublé,
terrasses, vue sur jardins
Le lendemain, il l'accompagna à la banque à sa demande à elle, y donna sa signature pour l'ouverture d'un compte commun, ce qui réglait élégamment le quotidien de ses dépenses. Sara continua sa grossesse à la maison en lisant les écrivains classiques, et puis Saint-Simon, qu'elle trouvait subversif. Michel se distrayait en allant écouter des cours au hasard. Il s'était inscrit à l'Institut catholique, accompagnait souvent son ami Jean-Louis Lauzun aux Etudes politiques, poussait parfois jusqu'en Sorbonne, se cachant généralement dans l'escalier d'accès à l'amphithéâtre pour pouvoir filer discrètement dès qu'il s'ennuyait. Il avait l'oreille en l'air! Bref, il traînait du quartier Latin à Saint-Germain-des-Prés, déjeunait à la Contrescarpe ou sur l'île Saint-Louis, rentrant le plus souvent au domicile conjugal avec sous le bras des bouquins qu'il n'ouvrirait jamais. |
Nous
sommes désolés de l'aspect affreux de cette page,
trop inspirée du gris Touchalonien... |