Tirage de tête, le pamphlet !

Tirage de tête est un manuscrit qui a été volé à son auteur. Et nous sommes tout à fait d'accord avec lui pour reconnaître que ce n'est pas correct. Mais il semblait primordial, à beaucoup de ceux qui ont connus Michel Touchalon, de faire vivre ce portrait autrement que dans un tirroir, ou au creux d'une disquette. C'est chose faite.

Depuis ce vol, nous sommes heureux d'apprendre que Clément Maraud a trouvé un éditeur, et que Tirage de tête devrait paraître en librairie courrant avril 2001. Nous vous conseillons de réserver dès à présent vos exemplaires !

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Au SOMMAIRE de
Tirage de tête

(Vie et succès de
Michel Touchalon,
éditeur)

Chapitre 1er
Où l'on découvre la prime enfance du personnage.
Né avec une cuillère
d'argent dans la bouche,
peu doué pour les études,
le jeune Touchalon possède
heureusement d'excellentes
relations et sait faire preuve
de courtoisie jusque dans les
petites sauteries familiales.
Poursuivit par les études,
Michel Touchalon rêve d'un
beau mariage avec une fille
si fortuné que même papa
n'y aurait pas pensé ! Et ce
sera un bien beau mariage
que celui qui l'unira à
la belle Sara Dalwhinnie.

1er extrait: La naissance
2e extrait: Sauterie
3e extrait:
Le mariage

Chapitre 2
Par ce joli mois de mai,
les fils de bonne famille
s'ennuient à Paris. Certains
ont dit qu'ils s'encanaillaient.
C'est beaucoup dire. Voici
ce qu'il se passait en mai de
cette fameuse année, et
comment de jeunes révolutionnaires qui se sont
prétendus, bien plus tard,
maoistes ou trotkistes, ont
défilés dans
les rues de Paris.

4e extrait: au Flore
5e extrait: Le défilé

Chapitre 3
Pour un fils de bonne famille
qui est incapable de quoi
que ce soit de ses dix
doigts, la publicité semble
être le lieu de tous les
possibles et de toutes les
promesses. 20 ans de pub,
ça aurait pu vous faire
au moins un Séguéla.
Non, non, ça n'a donné
qu'un pauvre Touchalon.

6e extrait: Fils de pub
7e extrait :
La campagne de France
8e extrait: Viré


Chapitre 4
Alors qu'il n'a même jamais
ouvert un livre (même s'il se
targue d'en avoir écrit,
encore faut-il les lire
pour savoir ce qu'on
appelle écrire), Touchalon,
viré de la pub, se lance dans l'édition. Qu'importe s'il ne
s'y connait rien, l'important
c'est d'être bien entouré.
Voici la véritable histoire de
Touchalon et d'Oblomot, qui, à la manière de Bouvard et
Pécuchet, furent les plus
grands éditeurs de Paris !

9e extrait:
Touchalon Omblomot,
l'autre façon de faire de l'édition

Chapitre 5
Les grandes époques ont
toujours une fin. Oblomot
parti, il ne reste à Touchalon
que sa charmante secrétaire. Il a râté tous les
prix littéraires, il n'a
engrangé que des retours,
même les auteurs prêts à se
faire publier à compte
d'auteurs ne souhaitent plus
se faire publier chez lui. On
ne va pas pleurer
pour autant !

10e extrait:
les Thénardiers de l'édition

 

5e extrait : Le défilé

 

Il tournait en rond dans le vaste appartement familial, descendant une vieille bouteille de Dalwhinnie, incapable de se concentrer pour écouter les nouvelles à la radio, sortant sur une terrasse ou sur une autre pour guetter les premières fusillades, le début d'une insurrection réelle. Il se disait qu'il avait bien fait de stocker de l'essence, qu'il réussirait à s'enfuir, qu'il rejoindrait Sara là-bas, dans les Highlands...

Il s'allongea, plus qu'à moitié saoul, toutes fenêtres ouvertes. Il essayait de se dissimuler qu'il bandait encore, douloureusement, pour la fille de Charléty... La sonnerie du téléphone le fit sursauter.

"Michel, c'est Jean-Louis! N'écoute pas leurs conneries, hein? On n'a pas perdu! Papa vient de m'appeler! Il sait, tu penses!... Le Général prépare quelque chose d'énorme! Il n'a pas voulu m'en dire plus, mais qu'on se tienne derrière lui, la jeunesse, hein! Dors bien, mon grand, je passerai prendre le petit déjeuner avec toi, qu'on s'organise!"

Touchalon se rassura d'une dernière rasade de quinze-ans, se masturba vaguement avant de s'endormir en comptant les chars au coin des rues - et parfois ils roulaient sur les reins d'Isabelle...

Au matin, plus de Général! Mystère complet!... Même dans les conditions de communications archaïques de cette époque, un homme tel que de Gaulle ne pouvait disparaître plus de deux ou trois heures sans que sa présence fût signalée ailleurs, sauf à être couverte par le secret militaire. Son absence, immotivée, qui constituait une entorse singulière à la Constitution, durera près de sept heures, le temps pour Mitterrand de boire plusieurs grands verres d'eau de Vichy...

En décidant, le jour suivant, de dissoudre l'Assemblée, il achèvera dans le confusionnisme électoral ce que les accords de Grenelle avaient entériné, la collusion des intérêts politiques que Pompidou représentait et ceux des rackets syndicaux, démo-chrétiens ou staliniens.

Divine surprise! Touchalon, qui n'avait jamais douté du Général, sentit aussitôt que son monde serait sauvé par cette manœuvre géniale que son ami Lauzun lui avait laissé soupçonner. Justement, ils avaient rendez-vous au Frondeur de Bouvines, avenue George-V, un de leurs clubs préférés, repaire de monarchistes et de fascistes où ils se sentaient, juvénilement, les moins à droite, pour rejoindre à la Concorde leurs amis de l'Union des jeunes pour le progrès et défiler jusqu'à l'Etoile. On allait montrer à la chienlit le grand serpent de l'ordre, s'égosiller pour soutenir le discours magistral du Général. La présence de Malraux, mais surtout de François Mauriac, réconfortait nombre de ces jeunes garçons...

Finie, la grande trouille! Le soulagement des honnêtes gens les rassembla spontanément; en une heure à peine, ils furent 300 000 et les jeunes, astucieusement, eurent l'idée de redescendre avec les autobus des militants provinciaux afin de parcourir l'avenue plusieurs fois, ce qui faisait du monde. Naturellement, la notoriété de Jean-Louis Lauzun comme le jarret de Michel Touchalon se devaient de participer à cette circulation effrénée.

L'effort physique comme les éraillements de la gorge, ainsi que la dépression bienfaisante qui suit la fin d'un grand danger, d'une éprouvante angoisse, les conduisirent très loin dans l'état de grâce...

*
* *

La nuit était tombée, claire, tiède, joyeuse, incitant à la flânerie, quand deux ombres se détachèrent de l'Obélisque contre lequel elles avaient laissé des ruissellements naturels... La circulation des automobiles n'était pas encore rétablie sur la plus belle avenue du monde souillée des traces suspectes que toute foule laisse derrière elle, gigantesque organisme éructant, suant, se soulageant, marquant le pavé de sa mauvaise graisse, quand Lauzun et Touchalon entreprirent, fortement éméchés, de remonter pour la cinquième fois jusqu'à l'Etoile, formant ainsi la tête et la queue de cette manifestation historique!

Les casques des C.R.S. et des gendarmes mobiles brillaient gaiement à tous les carrefours, une agitation bon enfant régnait comme on avait distribué aux hommes des sandwiches et du gros rouge. Les deux jeunes gens saluèrent de hourras éraillés les beaux képis blancs d'une unité parachutiste en uniforme de parade qui rentrait aux Invalides...

Ils avaient parcouru, dans l'exaltation de ce jour mémorable, une bonne douzaine de kilomètres, faisant de nombreux crochets vers leurs brasseries préférées, levant leur bock ou leur verre de whisky, en des toasts encore plus nombreux, au rétablissement de l'ordre, à la santé du Général, au maintien du gouvernement, aux succès des prochaines législatives, pérorant de comptoir en comptoir avant de retourner scander un peu sur les Champs-Elysées les mots du jour... S'y trouvant désormais seuls, ils gueulaient de toutes leurs forces : "Général, nous voilà", ce qui ne manquait pas de pertinence!

Au rond-point des Champs-Elysées, ils furent interceptés par un vieux commandant de C.R.S. qui s'enquit paternellement de leurs intentions. Il leur apprit - ce qu'il ne croyait pas superflu - que la manifestation était terminée depuis près de deux heures, que l'avenue allait être rendue aux automobiles d'un instant à l'autre, qu'ils ne seraient plus alors que des piétons, qu'il ne fallait pas gâcher ce beau jour par deux morts inutiles... Le tandem l'approuva chaleureusement et Touchalon, ému, lui demanda la permission de l'embrasser, ce à quoi l'officier consentit tandis que ses hommes se retenaient de rire. Sa lèvre était barrée par une grosse moustache blanche à laquelle le manifestant emporté se piqua en l'étreignant.

" A travers vous, mon commandant, déclama-t-il, c'est toute la police que je veux embrasser!
- Ce garçon ira loin!" supputa son ami Lauzun.

Malheureusement, les photographes avaient regagné leurs agences, aucun cliché ne fut pris de cette scène superbe, à la Déroulède! Une DS noire arriva sans faire de bruit, suivie d'une 403 d'escorte. Le préfet Grimaud, qui avait reconnu Lauzun, descendit de sa voiture.

" Hé bien, commandant, ces jeunes gens?...
- Ils ont fait une belle manifestation, monsieur le préfet, et c'est justement là que nous en étions que pour une belle manifestation, ce fut une belle manifestation! résuma l'excellent homme sous le cercle d'étoiles métallisées de son casque.
- Mon jeune ami, proposa Grimaud à Lauzun avec affabilité, puisque ma voiture est là, je vais vous raccompagner...
- Pourquoi pas? acquiesça l'autre sans s'émouvoir. Il entraîna Touchalon vers le véhicule.
- C'est le fils du ministre Lauzun, précisa Grimaud à l'officier, j'en suis doublement responsable.
- Je crois, monsieur le préfet, sans vouloir m'avancer, qu'ils en tiennent une sévère!
- Il faut bien que jeunesse se passe", philosopha le préfet de police, qui serra républicainement la main des officiers de la compagnie avant de se retirer.

Lauzun et Touchalon ne s'expliquaient pas du tout comment ce dernier flasque de whisky avait pu tomber dans leur poche. Ils remercièrent simplement le préfet de ce mince service avant d'aller prendre un repos bien mérité. Madame Lauzun était à la campagne et le ministre dormait souvent dans un petit cabinet à la porte du Général, pour gagner du temps... Ils ne furent donc accueillis que par Céline, la si intéressante sœur de Jean-Louis, qui les félicita de leur jolie performance avant de proposer à l'ami une confortable chambre donnant sur les jardins.


Nous sommes désolés de l'aspect affreux de cette page,
trop inspirée du gris Touchalonien...