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Interview Paris 1976 "Nuits" : Rêvons surtout, au Tigre indomptable et solitaire qui, après avoir sorti ses griffes, a bien voulu faire patte de velours. Neil Young, bien sûr. J'ai vu "Rock'n'Folk", hier. Il y a un article sur moi, oui, celui-ci...j'aimerais bien le lire...Vous savez, je comprends plus de français que les gens ne se l'imaginent. La moitié de ma ville natale, au Canada, était française. Saint Boniface, Winnipeg, Mannitoba...D'un côté du fleuve on parle français, de l'autre on parle anglais. Moi, je suis de l'autre côté. Mais si je restais ici deux ou trois jours, je crois bien que je comprendrais tout ce qui se dit autour de moi. Benoît Feller : Combien de temps restez-vous ? Neil Young : C'était vraiment fantastique. Si je devais penser à un bon concert, je parlerais de celui de ce soir. Le public était adorable : des gens raisonnables, sensibles aux chansons acoustiques, répondant physiquement aux chansons électriques.. Paris est la ville du contact. Remarquez, nous en voulions aussi, du côté de la scène ! Il faut être deux , vous savez ! Maintenant , j'aurais plus besoin d'une bonne baise que de n'importe quoi d'autre ! Best : On a parlé d'une"Rolling Zuma Review", récemment... Neil Young : Heu... Benoît Feller : C'était un gag ? Neil Young : Oui, une bonne vanne. Regardez mon Tshirt..."Crazy Horse-Neil Young Northern California Bars Tour 1976". En fait "Rolling Stone" avait entendu parler de ces concerts, alors ils ont téléphoné à mon manager, Elliot Roberts, qui leur a déclaré que c'était une "Rolling Zuma Review". Moi, ça m'est totalement égal. L'important , c'est que nous ayons mis le groupe au point pour cette tournée en jouant dans une dizaine de bars en trois semaines. J'y allais en voiture, en partant de mon ranch. C'était bien, parce que si je ne voulais pas jouer je pouvais rester chez moi. Personne ne me forçait vous savez (sourire). Benoît Feller : Ca s'est passé dans l'Oregon ? Neil Young : Heu... Près de mon ranch, dans le Marin County, le San Mateo County, là-bas. On trouve les derniers bois de pins, et c'est peuplé de demi-demeurés qui vont se prendre des cuites phénoménales dans les bars des environs...C'est vraiment funky comme endroit. Alors nous jouions pour cinquante ou cent personnes hurlant d'aise, tout ça pour des noix, évidemment... Benoît Feller : Ne croyez-vous pas que cette tournée européenne devrait vous permettre de visiter un petit peu plus longuement chacun des pays que vous traversez ? Neil Young : Ca n'aurait aucun intérêt. je me considère comme engagé dans une course.Emotionnellement,il faut que je me concentre sur mes trois heures de scène quotidiennes.Et tout le reste du temps se doit d'être perdu à préparer ces trois heures que les foules connaissent. Alors, rester quelque part n'aurait aucun sens : l'endroit crucial, c'est le hall de concert, c'est le seul à avoir une importance. Visiter et flâner, c'est bien. Mais une tournée, c'est jouer et partir, okay ? Tiens, dans la Bible, ils disent que Jésus a marché sur les eaux. Eh bien, il ne s'est pas attardé pour autant, ah! ah! (Neil Young n'est pas vraiment mystique à ce point. Il nous explique que c'est là une des vannes favorites des Crazy Horse. Peut-être est-il temps de se pencher sur son dernier album en date). Phil Manoeuvre : Quel est le concept qui anime "Zuma" ? Neil Young : "Zuma" relate l'histoire personnelle de ma rupture avec une femme..."Zuma" parle des sentiments inconscients, inhérents à une histoire d'amour. C'est très romantique, en un sens. ("Romantique"! avec "funky", cela semble être son mot favori. Pourtant, si une chanson comme "Stupid Girl" est romantique, les Stones sont des enfants de chur! Je ne peux m'empêcher de trouver cela cynique, aussi cynique que les romans de John Hawkes. Je lui soumets le mot "cynisme"). Neil Young : Je suis effectivement très cynique à ce sujet dans certaines chansons. Et je vais même aller plus loin : à mon avis, tous les gens considèrent les choses ainsi au fond d'eux-mêmes. Seulement, ils le montrent plus ou moins... Benoît Feller : Et "Through My Sails" ? Neil Young : C'est encore le même sentiment. En fait, ma famille s'est brisée. Ca, c'est ce qui m'est arrivé. J'avais envie d'en faire le sujet d'un de mes disques. J'aurais pu le faire tout de suite,mais le résultat aurait été pour le moins déprimant...Alors j'ai laissé un an passer, et j'ai recommencé à travailler sur cette expérience, et j'ai pu sortir le disque. L'attente m'a surtout prouvé que je pouvais m'en tirer. Si je m'étais penché sur l'expression de cette histoire dès qu'elle m'est arrivée, ça aurait été beaucoup plus dur. Phil Manoeuvre : Toute une partie du disque évoquait la civilisation aztèque, l'ancien Mexique, les conquistadores. Mais d'une façon assez inattendue. Pourtant, les Aztèques étaient plutôt sanglants, et vous en donnez une vision quasi-idyllique ! Neil Young : tout dépend du point de vue que l'on a. Dans mon esprit, ce n'est pas tellement la réalité historique qui me préoccupe. Parce que personne ne la connaît. Tu me dis une chose, on m'en a peut-être raconté une autre... Tout ce qui compte , finalement, ce sont les impressions profondes que l'on retire de l'Histoire. Je pense que les faits s'inclinent devant les impressions. idéalement, il y avait là une civilisation pacifique,naïve, heureuse, primitive. Tu parles des sacrifices sanglants, mais je les évoque aussi : "They offered Live in sacrifice/So that others could go on." A mon avis,la raison profonde des ces immolations humaines réside dans cette croyance qu'ils avaient : ils sacrifiaient une vie aux Dieux, qui en échange leur en donnaient une autre. C'est une manière de se perpétuer. Phil Manoeuvre : Mais quand vous dites "Cortez...What a killer!" on a le sentiment que vous ressentez une profonde admiration pour lui... Neil Young : Oui, je l'admire, parce qu'il est très fort. A la base, une civilisation en engloutit une autre. Donc, les Aztèques cultivaient les plus beaux idéaux du monde, la paix, le travail créatif...Ils construisaient et ils assemblaient, et ils étaient si forts ! Mais en même temps, ils étaient si faibles ! Parce qu'il y a une chose à laquelle ils ne s'étaient préparés,et cette chose qu'ils ignoraient s'appelait Cortez! Voilà ce que j'ai essayé de dépeindre. Untitled Document
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