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Wild Man interview extraite de la revue Rock&Folk n° 304 de décembre 92, et réalisée par Oliver Richard.
Quand Neil Young est en ville, Olivier Richard lâche tout de go ses pirates des Ramones, troque son T-shirt des Cramps contre le "Harvest" de son grand frère et file au Royal Monceau en fredonnant "Hey Hey My My, Rock'n'Roll will never die..." Bon Esprit. Au vu du vrai cortège de journalistes installés au bar du Royal Monceau, on comprend que Neil Young est bel et bien revenu sur le devant de la scène. Ce genre de choses, je sais, n'a que peu d'importance. Mais convenez qu'il était quand même plutôt énervant de le voir, lui, le Loner, pratiquement traîné dans la boue, pendant une bonne partie des eighties. Injuste. D'autant plus que les albums incriminés (l'ensemble des parutions Geffen, de "Trans" à "Life", plus "Reactor" et le virulent "This Note's For You") s'inscrivent avec mérite et logiquement dans l'uvre -libre et imprévisible- du Canadien. D'accord, même le rédacteur du programme de la tournée "In A Rusted Out Garage" a du mal à expliquer "Trans", l'album computerizé de Young. Disons qu'il s'agit de l'exception. Il est temps de réhabiliter ces disques. Certes , c'est avec "Freedom" que Neil a retrouvé sa flamme, sa capacité inouïe à signer des chef-d'uvres. Mais , de grâce, cessez de lui jeter la pierre pour ces Lp's ! Et puis cette petite éclipse est bel et bien finie. Les trois derniers albums du chanteur, l'éclectique "Freedom", le garage "Ragged Glory" et l'hallucinant "Arc-Weld", couplés avec les churs de toute une tribu de jeunes musiciens qui le citent comme l'influence voir le modèle, ont de nouveau ramené l'homme d'"Harvest" en première ligne. Comme toujours, Young est prolifique. Un disque par an ! Après les anthologies excès soniques de son tripe live, commis avec l'aide du Crazy Horse, Young -qui y a laissé des plumes : problèmes de dos et surtout d'audition- retourne dans des eaux en apparence plus paisibles, celles de son classique "Harvest". Chose rare, l'artiste est venu à Paris prêcher la bonne parole. Et nous voici dans le hall de son hôtel. Noria de journalistes. Neil commence avec près d'une heure de retard un festival d'interviews qui devra impérativement être terminé pour quatre heures. A ce moment, le jet privé du guitariste décollera vers une autre destination européenne. Pour couronner le tout, Neil est arrivé avec un passeport périmé. Il doit prendre le temps de foncer à l'ambassade canadienne pour régler tout ça avec le consul. Deux journalistes s'engouffrent avec lui dans la limousine. Pendant ce temps, l'homme de R&F s'arrache les cheveux. Enfin, Neil revient. Cheveux longs, mal rasé, T-shirt Harley et veste indienne à franges flambant neuve. C'est le moment, direction : suite 222. Bonjour, c'est pour Rock&Folk....(je lui passe notre numéro d'octobre.) Neil s'exclame : Keith : Wild Man ! R&F : Toi aussi, tu es un wild man... Neil Young : Oh oui... Peut-être (sourires)... R&F : Et comment se sent le wild man aujourd'hui ? Neil Young : Pas du tout comme un wild man (re-sourires)... R&F : Tu es venu en Europe pour la promo de "Harvest Moon"... Neil Young : Oui. Nous allons passe cinq jours en Europe pour ça. Nous nous asseyons. Neil se tient juste en face de moi, très droit dans son fauteuil. Il me regarde dans les yeux et donne une très forte impression de calme. R&F : "Harvest Moon est présenté par certains comme une sorte "Harvest 2"... Neil Young : En fait, ce n'est pas la même chose. C'est un disque qui correspond à ce que je ressens en ce moment, tout en traitant des mêmes sujets que "Harvest". J'ai travaillé avec les mêmes musiciens que pour "Harvest", mais cette idée m'est venue après avoir écrit cinq ou six chansons. Je me suis demandé alors avec quels musiciens je pouvais travailler, en prenant les instruments un par un. Une fois que j'ai eu terminé, j'avais le même groupe que celui d'"Harvest". Quand on écoute ces nouvelles chansons jouées par ces musiciens, on trouve un rapport avec celles d'"Harvest". J'ai essayé de faire en sorte que l'on ne compare pas "Harvest Moon" à "Harvest", mais que l'on puisse s'y référer. J'ai écrit en tout dix-sept ou dix-huit chansons. Nous avons gardé les meilleures pour l'album. R&F : Que vont devenir les chansons (sept ou huit) qui ne figurent pas sur le lp ? Neil Young : Elle figureront probablement sur un disque futur, ou peut-être sur mes "Archives" . R&F : Comment était-ce de rejouer avec les Stray Gators ? Neil Young : Super. C'était une expérience vraiment formidable parce que ce sont de très bons musiciens qui aiment jouer ce genre de musique. Ils considèrent que "Harvest" a été un de leurs grands moments. C'était donc un vrai plaisir de pouvoir rejouer ce genre de musique ensemble. R&F : "Harvest Moon" est complètement différent de "Ragged Glory" et de "Arc-Weld" ... Neil Young : Oui. Mais sur "Freedom" (89), il y avait deux ou trois chansons très similaires à celles de "Harvest Moon", donc ce n'est pas un revirement si radical que ça. Ca en a l'air, parce que les dernières (il insiste) choses que j'ai faites allaient très loin dans une certaine direction (mélodies, gros son, distorsion, etc.) alors que "Harvest Moon" est très calme. Calme, mais pas serein. Et il y a beaucoup d'harmonies...(Notons la différence "mélodies"/"harmonies" !) C'est très agréable de faire ceci après cela. C'est comme aller nager après avoir été skier. On a froid puis on a chaud. C'est Bon ! R&F : As-tu déjà une idée de ce à quoi ressemblera ton prochain disque ? Neil Young : Non. Je le saurai quand j'aurai commencé à écrire des chansons et je n'ai encore rien écrit. R&F : Tu as prévu de tourner ? Neil Young : Non. Rien de prévu. J'attends de voir ce que je ferai... R&Folk : Comment se fait-il que tu viennes si rarement en Europe ? Neil Young : Ca s'est fait comme ça. Je ne viens pas parce que je suis toujours en train de faire un disque ou autre chose, au moment où je pourrais venir. Les disques sont ma priorité, et aller jouer loin d'où je vis implique un long déplacement qui m'éloigne de ce que je fais : mes disques. Je peux facilement jouer aux USA ou au Canada et revenir rapidement. Mais j'espère revenir d'ici l'année prochaine, sans que je sache dans quelle formule. R&Folk : Que devient ton coffret d'"Archives" (l'objet ultime, annoncé depuis plusieurs mois, une sorte de super "Décade"; qui retracera la carrière de l'artiste depuis ses plus lointains débuts avec force d'inédits, Buffalo Springfield inclus !) ?? Neil Young : C'est une des choses sur lesquelles nous travaillons en ce moment. Il y aura des vidéos (vidéobooks) et des disques (audiobooks) avec des notes que j'écrirai en collaboration avec d'autres. R&Folk : Une date de sortie ? Neil Young : Non. R&Folk : Quels sont tes espoirs en tant que musicien ? Neil Young : Mmmmm...Je cherche quelque chose de neuf. R&Folk : Au niveau du son ? Neil Young : Seulement quelque chose de neuf...Son ou autre...Je n'ai pas encore trouvé... R&Folk : Tu t'élèves souvent contre les techniques modernes d'enregistrement et tu dis que nous avions une sorte d'époque des ténèbres... Neil Young : Oui, "l'époque des ténèbres" de la musique enregistrée...Beaucoup de musiciens âgés ressentent ça parce qu'ils connaissent la différence, contrairement à la plupart des jeunes musiciens à qui elle peut échapper. L'enregistrement digital est désormais reconnu comme le standard mondial pour l'écoute de la musique et c'est une très grande perte, quelque chose de très coûteux. R&Folk : Tu chantes d'ailleurs "j'ai entendu un écho parfait mourir dans un mur anonyme de son digital" (dans "Natural Beauty").. Neil Young : Oui, L'écho disparaît de l'enregistrement digital. Ce n'est pas naturel. ça revient à sélectionner les couleurs prédominantes d'un paysage et supprimer le reste. R&Folk : Que penses-tu du "retour" du rock et de la country en tête des charts ? Neil Young : C'est bien; C'est revenu en quelque sorte "à la mode". Pas mal d'artistes en jouent, mais ça ne me laisse pas beaucoup de traces... R&Folk : A ton avis, est-ce-que le revival country est lié au climat social actuel en Amérique ? Neil Young : Oui, d'une certaine manière. La musique est le son des générations et les politiques essaient de dire ce qu'à leur avis les générations veulent entendre. Donc, il y a une connexion. C'est d'ailleurs amusant qu'il aient eu à choisir de la musique pour leurs campagnes : Clinton avait cette vieille chanson de Fleetwood Mac... (il fredonne, sourire aux lèvres) alors que Bush est plutôt country.... R&Folk : Il y a une sorte de pub pour un groupe écologiste sur la pochette d'Harvest Moon... Neil Young : Il m'ont demandé si je pouvais la mettre sur la pochette au cas où les paroles auraient un rapport avec ce qu'ils font. Mais ça s'est fait par le biais de la compagnie de disques. Je n'ai rien à voir avec eux. Je me suis contenté d'accepter. Tant mieux si cette pub gratuite peut les aider... Je l'ai fait parce que le président de notre compagnie et plusieurs autres personnes que je connais et à qui je fais confiance m'ont dit qu'ils faisaient de bonnes choses. C'était totalement inattendu et entièrement en me fiant à ce que ces gens ont dit. R&Folk : Le gouvernement canadien a prévu un ensemble de mesures destinées à donner une sorte d'autonomie aux Indiens. Qu'est-ce-que tu en penses ? Neil Young : Et bien, je sais ce qui se passe là-bas. Il y a des tribunaux qui travaillent là-dessus. On verra bien ce que ça donnera... S'il s'agit juste d'un bout de papier qui ne changera pas beaucoup de choses... Il y a maintenant une prise de conscience dans toute l'Amérique du Nord, avec les célébrations de Christophe Colomb, les besoins de ces gens, etc. Maintenant que nous sommes ici depuis à peu près cinq cents ans et qu'on a pratiquement entièrement détruit les cultures originales, on commence à se rendre compte que, peut-être, elles avaient une quelconque valeur !Même les Romains n'ont pas fait ça quand ils ont envahi toute l'Europe. Ils ont conquis, pillé, mais les contrées qui étaient attaquées gardaient leurs langues et une partie de leurs cultures. Au contraire, quand les Européens ont découvert l'Amérique, ils ont pratiquement annihilé les indiens... R&Folk : Quand tu joues dans des endroits comme le Midwest (Neil y a donné une série de concerts acoustiques au début de l'année), ressens-tu le malaise des gens, engendrés par leurs problèmes économiques ? Neil Young : Oui, à un certain degré. OK, c'est juste un concert et les gens ont l'air heureux. Mais tout le monde est sous tension, car, économiquement parlant, ce n'est plus ce que c'était. R&Folk : Est-ce-que...("Dernière question ! annonce l'attachée de presse en passant la tête à travers la porte). Déjà ? Eh bien , un petit message pour le public français ? Neil Young : Je reviendrai ! Je viendrai jouer, Probablement l'année prochaine. Je salue Neil qui va assurer une séance photo (il déteste ça, mais s'y soumet de bonne grâce). Les cameramen de la télé s'affairent juste à côté. C'est certain : Neil Young est de retour ! Extrait de la revue Rock&Folk Décembre 1992 , interview recueillie par Olivier Richard
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